Village de la Justice www.village-justice.com

L’inadéquation de la composition pénale en présence d’une victime. Par Louise’Ange Mesle, Avocat.
Parution : lundi 25 mars 2024
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/inadequation-composition-penale-presence-une-victime,49258.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

« "La compo pénale" : une mesure inadaptée aussi bien abstraitement que concrètement à la victime d’une infraction pénale ».

Mentionnée au sein de l’article 41-2 du Code de procédure pénale, la composition pénale est une alternative aux poursuites. Autrement dit, une mesure décidée par le procureur de la République à l’égard de l’auteur de l’infraction, susceptible d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l’infraction ou de contribuer au reclassement de l’auteur des faits, sans engager de poursuites contre lui.

La composition pénale est proposée par le procureur de la République lorsqu’à l’issue de l’enquête, la personne reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à 5 ans.

Clémente pour le prévenu, elle permet à ce dernier de réaliser l’une des mesures prévues par l’article 41-2 du Code de procédure pénale - comme l’accomplissement d’un stage - qui une fois exécutée, éteint l’action publique. Au surplus, bien que présente au B1 du prévenu, elle ne constituera pas un premier terme de récidive en cas de réitération des faits.

Résultante de l’opportunité des poursuites dévolue au Procureur, la présence d’une victime présentant une incapacité totale de travail (ITT) caractérisée devrait pourtant, lui faire renoncer à l’émission d’une telle proposition. En effet, si la victime détient la possibilité de faire valoir ses droits, leur mise en œuvre reste très insatisfaisante tant la composition pénale a d’abord été pensée pour le prévenu.

I. La possibilité d’obtenir un préjudice minoré.

Pour rappel, lorsqu’une personne est victime d’une infraction pénale, elle doit se constituer partie civile pour obtenir la réparation de son préjudice, au travers de l’obtention de dommages et intérêts.

La composition pénale est ambivalente sur le sujet. Si elle permet à la victime d’obtenir réparation de son préjudice, elle ne semble pas l’autoriser à se constituer partie civile.

En effet, l’article 41-2 du Code de procédure pénale prévoit que

« Lorsque la victime est identifiée, et sauf si l’auteur des faits justifie de la réparation du préjudice commis, le procureur de la République doit également proposer à ce dernier de réparer les dommages causés par l’infraction dans un délai qui ne peut être supérieur à six mois. Il informe la victime de cette proposition. Cette réparation peut consister, avec l’accord de la victime, en la remise en état d’un bien endommagé par la commission de l’infraction ».

Ainsi, en application de ce texte, la victime doit pouvoir solliciter la réparation de son préjudice qu’il soit extrapatrimonial et/ou patrimonial.

Pourtant, le même article à son alinéa 32 dispose que

« la victime peut toutefois demander au procureur de la République de citer l’auteur des faits à une audience devant le tribunal pour lui permettre de se constituer partie civile ».

Cette disposition laisse entendre que la constitution de partie civile n’est possible que devant le tribunal correctionnel. De sorte que la victime peut solliciter la réparation de son préjudice mais ne pourrait pas se constituer partie civile pour le faire.

Une difficulté pour le praticien qui a de quoi s’interroger sur les modalités aux fins de formulation d’une demande de dommage et intérêts pour le client.

En pratique, le délégué du Procureur devant qui se déroule la composition pénale, envoie en amont de l’audience directement à la victime un formulaire de demande de constitution de partie civile, afin qu’elle puisse formuler ses demandes.

Ainsi, si la constitution de partie civile n’est pas juridiquement exacte dans cette procédure pour formuler ses doléances, elle est autorisée et insufflée par la pratique judiciaire.

Passé cette difficulté, la victime peut donc solliciter des dommages et intérêts devant le délégué du Procureur.

Pour autant, ces derniers seront minorés car forfaitaires dans le cadre de cette procédure, constituant une autre problématique, à laquelle se heurte la victime.

En effet, les dommages et intérêts sont évalués approximativement en fonction de la gravité des faits par le procureur.

Il est constant que les tribunaux n’accordent jamais au-dessus de la somme de 1.500 euros.

A titre d’exemple, une victime de violences conjugales a pu se voir accorder la modeste somme de 500 euros après la caractérisation non négligeable de 10 jours d’ITT.

Il est évident que dans le cadre de cette procédure solliciter une expertise judiciaire pour une évaluation stricte des préjudices est exclue.

De sorte que si la victime peut demander réparation de son préjudice, elle n’obtiendra pas une réparation juste de son préjudice. Elle n’obtiendra qu’une réparation minorée et évaluée au « doigt mouillé ».

L’assistance d’un avocat ne change rien à cet état de fait. D’autant qu’il faut rappeler qu’il est également exclu de solliciter la prise en charge de ses frais d’avocats dans le cadre de cette mesure puisqu’il n’est jamais alloué de sommes au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale.

La victime pour exercer ses droits va donc régler sur ses deniers propres - dans le cas où elle ne bénéficie pas de l’aide juridictionnelle - l’assistance de son avocat pour in fine se voir accorder des dommages et intérêts relativement faibles, ne correspondant pas forcément à la réalité.

Au-delà de minoration de la somme allouée, la composition pénale reste insatisfaisante pour la victime qui ne bénéficie pas d’une véritable audience où les discours de chacun vont se confronter. Reçue seule par le Délégué du Procureur, elle dispose d’un espace de parole réduit consistant à un échange plus ou moins rapide avec le Délégué du Procureur. Ainsi, elle ne pourra pas poser de questions au prévenu et n’obtiendra pas les réponses espérées de ce dernier.

Face à cet état de fait, la solution serait de solliciter un renvoi sur intérêt civils devant le Tribunal correctionnel.

II. La possibilité d’un renvoi uniquement sur intérêts civils.

L’article 41-2 du Code procédure pénale prévoit que

« La victime peut toutefois demander au procureur de la République de citer l’auteur des faits à une audience devant le tribunal pour lui permettre de se constituer partie civile. Le tribunal, composé d’un seul magistrat exerçant les pouvoirs conférés au président, ne statue alors que sur les seuls intérêts civils, au vu du dossier de la procédure qui est versé au débat ».

Cette possibilité consacrée par les textes offre la possibilité d’une véritable réparation à la victime. Elle permet, si le dossier le nécessite, la réalisation d’une expertise judiciaire, de produire de nombreuses pièces et d’obtenir un montant qui dépasse le plafond officieux prévu pour la composition pénale.

Au-delà se tiendra une véritable audience au sens strict du terme, souvent attendue par les victimes. Audience au cours de laquelle elle pourra exprimer ses doléances, avoir le sentiment d’être entendue et revenir davantage sur les faits. A l’inverse de la composition pénale, où comme précité, l’audience ressemble davantage à une discussion rapide entre elle et le Délégué du Procureur. Discussion rapide où il impossible de faire état de toutes les doléances - ce qui au regard de ce qui est précité est inutile - et où la place de l’avocat est réduite à « peau de chagrin » puisqu’il ne lui est pas laissé spécifiquement un temps de parole pour exprimer ce que pourtant son client souhaiterait.

Pour autant, si elle apparaît séduisante sur le papier, cette possibilité n’offre pas que des avantages. Elle a le démérite, au regard de l’encombrement des juridictions, d’être une procédure longue, induisant une indemnisation tardive dont l’aléa judiciaire ne garantit pas une évaluation à hauteur des espérances, décourageant bien souvent la victime.

Surtout, elle ne permettra pas in fine d’obtenir des réponses ou de confronter les discours entre elle et l’auteur des faits.

En effet, ce renvoi n’a vocation qu’à intervenir sur les intérêts civils. De facto, cela signifie que la culpabilité de l’auteur est réglée par la composition pénale. Or cette dernière est peu satisfaisante sur cette question.

Il a été dit que la composition pénale s’apparente à une discussion entre la victime et le Délégué du procureur et elle se cantonne à cette seule discussion. En effet, le délégué du procureur recevra l’auteur des faits et la victime séparément de sorte que les questions de la victime ne seront pas posées et l’auteur n’entendra pas ses doléances si ce n’est que par la voix du Délégué du Procureur de manière nécessairement parcimonieuse.

En d’autres termes, la victime est nécessairement privée d’un débat sur les faits commis lorsque l’orientation se fait sur la composition pénale.

Ultime solution pour la victime, face à cette absence de débat sur la culpabilité, écrire au Juge homologateur de la composition pénale pour l’informer de sa volonté de voir l’auteur déferré devant le tribunal correctionnel. Inutile de dire que cette solution est vaine dans la mesure où le texte affirme que le Juge refuse la validation si « lorsque les déclarations de la victime entendue en application du présent alinéa apportent un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles l’infraction a été commise ou sur la personnalité de son auteur ». Il est facile d’en déduire que si la victime n’apporte aucun autre élément que ceux déjà versés au dossier, la composition pénale sera homologuée.

Ainsi, la seule et unique question pour elle, se pose véritablement sur la manière dont elle veut voir réparer son préjudice entre les deux mécanismes incertains pour l’un, insatisfaisant pour l’autre.

Répondre à cette question est davantage compliquée pour les victimes de violences conjugales. En proie à un sentiment de culpabilité, ne voulant pas aggraver la situation, elles se trouvent placées dans une position décisionnaire qu’elles peinent à gérer et digérer conduisant bien souvent à s’accommoder de la composition pénale proposée.

Louise'Ange Mesle Avocat en droit pénal au Barreau de Poitiers
Comentaires: