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Les amnisties et le maintien de la paix. Par Safouene Ouni, Elève-Avocat.
Parution : vendredi 15 mars 2024
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Les amnisties sont des mesures de grâce qui peuvent être mises en place dans divers contextes, mais il est crucial de noter que les amnisties qui empêchent la poursuite judiciaire pour des crimes graves comme le génocide, les crimes contre l’humanité et d’autres violations flagrantes des droits de l’homme sont incompatibles avec le droit international et les obligations des États envers différents traités.

Les amnisties sont réglementées par un ensemble de règles de droit international qui imposent des limites strictes à leur utilisation. Il est souligné que même si certaines amnisties peuvent être adoptées dans le but de favoriser la réconciliation nationale, elles ne doivent pas servir à dissimuler des actes répréhensibles derrière un voile d’impunité.

Les règles internationales et la politique des Nations Unies soulignent l’importance de ne pas permettre aux amnisties d’entraver la justice et la responsabilité pour les crimes graves. Il est essentiel de respecter ces normes pour garantir la protection des droits humains et la justice dans les sociétés en transition post-conflit.

En d’autres termes, l’amnistie est une procédure de clémence radicale qui décrète l’oubli des fautes commises. Souvent pratiquée en Europe au lendemain des grandes crises civiles pour faire cesser l’affrontement et reprendre la vie commune, elle l’a été selon des modalités et avec des intentions variables selon les régimes. Longtemps louée pour son rôle réparateur, les violences de l’époque contemporaine lui ont opposé le devoir de mémoire. Son rejet actuel est révélateur d’un régime d’historicité dans lequel les acteurs ont du mal à s’affranchir du passé et pour lequel le souci des victimes est prioritaire. L’oubli ne devient alors possible que si la justice est passée et si l’histoire a réussi à désarmer l’affrontement des mémoires.

Elle vise à effacer les fautes commises pour reprendre la vie commune et est une mesure aujourd’hui très négativement connotée souvent associée à l’amnésie, c’est-à-dire au refus d’affronter les violences du passé. Associée à une compromission avec les bourreaux, elle s’opposerait au droit des victimes. La mesure a pourtant été régulièrement pratiquée en Europe et longtemps acceptée pour ses vertus réconciliatrices. Pour ceux qui l’ont défendue au fil du temps, elle est un bon moyen de conforter la démocratie en pacifiant l’espace public.

La tradition en fait remonter l’origine à l’amnistie athénienne de 403 qui mit fin à l’épisode des Trente Tyrans et restaura la démocratie au lendemain de la guerre du Péloponnèse. Le monde romain pratiqua ensuite la clémence sous différentes formes dont la plus proche de l’amnistie moderne est le pardon collectif adopté au début du règne de certains empereurs. Le Moyen Âge est l’époque du pardon individuel, d’abord entre les mains des seigneurs puis entre des rois qui en font le symbole de leur puissance retrouvée. Ce n’est qu’au moment des guerres de religion qu’apparaissent des formules qui associent clémence et oubli. En France, l’édit de Nantes souhaite, à titre d’exemple « que la mémoire de toutes choses passées […] demeure éteinte et assoupie comme d’une chose non advenue ». L’Europe contemporaine hérite de cette double tradition de clémence au travers de la grâce, pardon accordé à titre individuel par une autorité souveraine, et de l’amnistie, mesure d’oubli collectif et désintéressé d’un peuple souhaitant se retrouver après l’épreuve. Il est pourtant difficile de placer sur le même plan toutes les amnisties accordées à l’époque contemporaine en Europe.

Les grandes amnisties républicaines françaises, comme celles de la Commune (1879-1880), de l’affaire Dreyfus (1900) ou de la guerre d’Algérie (de 1962 à 1982), en constituent les meilleurs exemples.

On trouve aussi une disposition comparable dans la loi d’amnistie fasciste de 1932 qui libère, à l’occasion du dixième anniversaire de la marche sur Rome, près de la moitié des détenus politiques. De nombreux observateurs ont souligné que si le duce était attentif à l’impact de sa décision sur le plan international, son principal souci était d’alléger le poids devenu insupportable de la détention sur le système pénitentiaire italien. On retrouve une logique comparable dans l’amnistie poststalinienne de 1953 en URSS qui libère 1 200 000 détenus mais ne concerne que des condamnés de droit commun. Ces amnisties sont comptées et stratégiquement placées. Leurs formes juridiques les tirent, compte tenu de la nature du régime, du côté du renforcement de l’autorité. Elles visent à se concilier l’opinion tout en poursuivant des objectifs très concrets de régulation du système carcéral, ce qui les place au cœur des stratégies de contrôle des populations.

On cite aussi l’Amnistie pour les vétérans de la guerre civile américaine, après la guerre civile aux États-Unis, une amnistie a été accordée à de nombreux anciens combattants des deux camps, dans le but de favoriser la réintégration des vétérans dans la société et de favoriser la reconstruction après un conflit dévastateur.

Et l’Amnistie pour les crimes politiques en Afrique du Sud : après la fin de l’apartheid, une amnistie a été accordée par la Commission Vérité et Réconciliation pour les crimes politiques commis pendant cette période. Cela visait à favoriser la réconciliation et la cohésion nationale dans un climat post-conflit.

A quel point les amnisties jouent-elles un rôle dans le maintien de la paix au niveau national et international ?

Première partie : le domaine d’application des amnisties.

A. Les types des amnisties.

- Amnistie générale :

L’amnistie générale concerne la remise totale et inconditionnelle des peines pour un groupe spécifique de personnes ou pour des crimes spécifiques. Elle est souvent utilisée pour restaurer la paix après des conflits ou des troubles civils, et pour favoriser la réconciliation nationale.

- Amnistie politique :

L’amnistie politique est accordée pour des infractions liées à des activités politiques. Elle vise souvent à encourager la participation politique et à favoriser la stabilité politique en permettant aux individus impliqués de commencer à nouveau sans crainte de représailles légales.

- Amnistie fiscale :

L’amnistie fiscale concerne la remise des sanctions ou des pénalités financières pour des infractions fiscales. Elle est généralement mise en place pour encourager les contribuables à régulariser leur situation fiscale et à rapporter des fonds dissimulés.

- Amnistie humanitaire :

L’amnistie humanitaire est accordée dans des situations impliquant des motifs humanitaires, tels que la libération de prisonniers politiques ou la réduction des peines pour des raisons de santé. Elle vise à soulager les souffrances, à promouvoir les droits de l’homme et à faire progresser la justice sociale.

B. Les raisons pour lesquelles les amnisties sont accordées.

- La réconciliation nationale :

Les amnisties sont parfois accordées dans le but de favoriser la réconciliation nationale après des périodes de conflit ou de division. En effaçant les offenses passées, elles visent à apaiser les tensions et à favoriser l’unité au sein de la société.

- L’encouragement à la coopération :

Dans certaines situations, les amnisties sont utilisées pour encourager les individus à coopérer avec les autorités en échange de l’assurance qu’ils ne seront pas poursuivis. Cela peut être particulièrement utile dans le cadre de poursuites concernant des crimes graves.

- La préservation de la paix sociale :

Accorder des amnisties peut servir à préserver la paix sociale en évitant de rallumer des conflits passés. Cette approche vise à tourner la page sur des événements douloureux pour permettre à la société de progresser.

Deuxième partie : les controverses entourant les amnisties.

Les controverses entourant les amnisties sont multiples et pointent souvent vers des questions éthiques et sociales profondes. Les défenseurs des droits de l’homme soulèvent des préoccupations quant à l’impunité que peuvent engendrer les amnisties, craignant que les responsables de violations des droits de l’homme ne soient pas tenus responsables de leurs actes. Cette question soulève des débats passionnés concernant la justice et la réconciliation dans les sociétés post-conflit.

A. Les limites des amnisties.

- Manque de responsabilité individuelle : l’amnistie peut conduire à un manque de responsabilité individuelle, car les auteurs d’actes répréhensibles pourraient ne pas être tenus de rendre des comptes pour leurs actions.

- Impact sur la justice et la réconciliation : les amnisties pourraient compromettre la quête de justice et de réconciliation dans une société, en accordant l’impunité à ceux qui ont commis des crimes graves.

- Perception de l’injustice : les amnisties peuvent être perçues comme injustes par les victimes et les familles des victimes, créant ainsi des tensions et des sentiments d’injustice.

B. Les alternatives aux amnisties.

- Réforme du système judiciaire :

Une alternative majeure aux amnisties est la réforme du système judiciaire. Cela implique d’investir dans des réformes législatives et judiciaires pour garantir des procédures judiciaires justes et équitables. Des efforts sont également nécessaires pour renforcer l’indépendance de la magistrature et promouvoir la transparence dans le processus judiciaire.

- Justice réparatrice :

Une autre alternative est la promotion de la justice réparatrice. Cela met l’accent sur la réhabilitation des délinquants et la réparation des préjudices causés aux victimes. La justice réparatrice vise à restaurer les relations sociales et à favoriser la réintégration des contrevenants dans la société.

- Programmes de désengorgement carcéral :

Enfin, les programmes de désengorgement carcéral sont des alternatives qui visent à réduire la surpopulation carcérale en favorisant des méthodes de résolution des conflits en dehors du système pénal. Cela peut inclure des programmes de médiation et de résolution de conflits communautaires.

Conclusion.

Pour conclure, il faut dire que les amnisties ont plusieurs Avantages comme la restauration de la paix sociale en pardonnant les actes du passé, permettre de tourner la page et de favoriser la réconciliation nationale, peut encourager la participation des anciens auteurs de crimes dans la vie politique, Économise les ressources judiciaires et permet de se concentrer sur des affaires plus urgentes.

D’un autre côté, elles ont plusieurs inconvénients :

Safouene Ouni, Élève-avocat à l’institut supérieur de la profession d’avocat de Tunis, Master en sciences criminelles, M1 en droit international humanitaire (Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis).