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Procédure de licenciement disciplinaire et révélation de faits fautifs nouveaux : quelle procédure doit suivre l’employeur ? Par Frédéric Chhum, Avocat et Sarah Bouschbacher, Juriste.
Parution : lundi 18 mars 2024
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Il résulte de l’article L1332-2 du Code du travail que le licenciement disciplinaire doit intervenir dans le délai d’un mois à compter de la date de l’entretien préalable.
L’expiration de ce délai interdit à l’employeur de convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable pour les mêmes faits.
Lorsqu’en raison de la révélation de faits fautifs nouveaux postérieurement à cet entretien préalable, l’employeur adresse au salarié, dans le délai d’un mois à compter du premier entretien, une convocation à un nouvel entretien préalable, c’est à compter de la date de ce dernier que court le délai d’un mois qui lui est imparti pour notifier la sanction.
C’est ce qu’affirme la Cour de cassation dans un arrêt du 14 février 2024 (n°22-19.351).

I. Faits et procédure.

Une salariée engagée en qualité de médecin à compter du 1ᵉʳ octobre 2003 a été convoquée à un premier entretien préalable fixé au 14 octobre 2015, et ensuite, à un second entretien préalable par lettre du 18 novembre 2015, en raison de la révélation de nouveaux faits fautifs.

Elle a été licenciée pour faute grave, par lettre du 1ᵉʳ décembre 2015.

La salariée saisit la juridiction prud’homale le 15 décembre 2015, en contestation de son licenciement.

Par un arrêt rendu le 24 mai 2022, la Cour d’appel de Nîmes ne fait pas droit aux demandes de la salariée.

C’est pourquoi la salariée se pourvoit en cassation sur le fondement de l’article L.
1332-2 du Code du travail selon lequel,

« lorsque l’employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l’objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié ».

II. Moyens.

La salariée fait grief à l’arrêt de la cour d’appel de dire son licenciement fondé sur une faute grave et de la débouter de ses demandes afférentes.

En effet, la salariée avance principalement qu’aucune sanction, y compris un licenciement disciplinaire, ne peut intervenir plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien préalable à la sanction.

Dès lors, le report de la date d’entretien qui résulte de la seule initiative de l’employeur, ne fait pas courir un nouveau délai pour notifier le licenciement disciplinaire.

La salariée conçoit seulement que, si en raison de la révélation de faits fautifs nouveaux postérieurement à cet entretien préalable, l’employeur peut convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable, c’est à la condition qu’il ait adressé au salarié la convocation à ce second entretien disciplinaire dans le délai d’un mois à compter du premier entretien.

Or, en l’espèce, la salariée reproche à la cour d’appel d’avoir dit son licenciement justifié par une faute grave, alors même que sa troisième convocation à un entretien préalable à un licenciement pour faute grave était tardive et n’emportait pas report du point de départ du délai d’un mois prévu par l’article L1332-2 du Code du travail.

Ainsi, la salariée considère que son licenciement, notifié par lettre du 1ᵉʳ décembre 2015 a donc été prononcé postérieurement à l’expiration du délai d’un mois imparti pour prononcer la sanction.

De même, elle souligne que le délai d’un mois prévu par l’article L1332-2 du Code du travail, est une règle de fond et que l’expiration de ce délai interdit à l’employeur aussi bien de convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable pour les mêmes faits, que de sanctionner disciplinairement ces faits.

À partir de là, lorsque l’employeur abandonne une première procédure disciplinaire pour sanctionner des faits qui ont été portés à sa connaissance postérieurement à l’entretien préalable, la convocation au nouvel entretien préalable n’a pas à intervenir dans un délai spécifique par rapport à la procédure abandonnée, selon la demanderesse au pourvoi.

III. Solution.

La révélation de faits fautifs nouveaux postérieurement au premier entretien préalable au licenciement, autorise-t-elle l’employeur à fixer un second entretien préalable plus d’un mois après le premier entretien préalable ?

La Cour de cassation répond par la négative sur le fondement de l’article L1332-2 du Code du travail, selon lequel, le licenciement disciplinaire doit intervenir dans le délai d’un mois à compter de la date de l’entretien préalable. De même, selon cette même disposition, l’expiration de ce délai interdit à l’employeur de convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable pour les mêmes faits.

En effet, lorsqu’en raison de la révélation de faits fautifs nouveaux postérieurement à cet entretien préalable, l’employeur adresse au salarié, dans le délai d’un mois à compter du premier entretien, une convocation à un nouvel entretien préalable, c’est à compter de la date de ce dernier que court le délai d’un mois qui lui est imparti pour notifier la sanction.

En l’espèce, la convocation au second entretien préalable est intervenue le 18 novembre 2015, soit plus d’un mois après la date fixée le 14 octobre 2015, c’est-à-dire la date du premier entretien préalable à une mesure de licenciement. De plus, lors du second entretien préalable, l’employeur a reproché à la salariée des faits certes nouveaux, mais aussi des faits déjà visés par la première procédure de licenciement disciplinaire engagée le 1ᵉʳ octobre 2015. Or, ces faits, objets du premier entretien préalable, ne pouvaient plus justifier le licenciement.

C’est pourquoi la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de Nîmes sur ce point.

L‘affaire est renvoyée devant la Cour d’appel de Montpellier.

Source :
Cour de cassation, 14 février 2024, Pourvoi n° 22-19.351.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) Sarah Bouschbacher, juriste M2 propriété intellectuelle Paris 2 Assas Chhum Avocats (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum