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Retour d’expatriation : la moyenne des salaires applicable. Par Xavier Berjot, Avocat.
Parution : lundi 11 mars 2024
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A son retour d’expatriation, le salarié peut être conduit à négocier son départ de l’entreprise. Tel est le cas, par exemple, s’il ne retrouve pas un poste conforme au niveau de responsabilités et de rémunération qu’il avait atteint dans le pays d’affectation. Se pose alors la question de la moyenne des salaires à retenir.

1/ La situation du salarié de retour d’expatriation.

Lorsqu’un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d’une filiale étrangère et qu’un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions en son sein [1].

Les offres de réintégration présentées au salarié doivent être sérieuses et précises, conformément à l’obligation de loyauté qui pèse sur l’employeur.

Le niveau hiérarchique et la rémunération liés au poste doivent être équivalents à ceux du poste que le salarié occupait précédemment au sein de la société mère [2].

A défaut, est justifiée la prise d’acte de la rupture du contrat par le salarié ne bénéficiant pas d’une offre de réintégration sérieuse, précise et compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions au sein de la société mère [3].

Sur le plan de la rémunération, la jurisprudence considère que le salarié de retour d’expatriation est éligible - au moins - à la rémunération qu’il percevait avant son séjour à l’étranger, majorée des augmentations collectives ayant pu intervenir dans l’entreprise.

En revanche, la fin de l’expatriation justifie la cessation du versement des indemnités liées au travail à l’étranger.

A titre d’exemple, lorsque les indemnités perçues par un salarié en sus de son salaire de base métropolitain sont destinées à compenser les sujétions imposées par un séjour en Afrique, ces indemnités ne peuvent être maintenues à l’expiration de ce séjour [4].

En revanche, en l’absence d’offre de réintégration sérieuse, précise et compatible avec l’importance des précédentes fonctions du salarié au sein de la société mère, cette dernière est tenue, jusqu’à la rupture du contrat de travail la liant au salarié, au paiement des salaires et des accessoires de rémunération du dernier emploi, dès lors que le salarié s’est tenu à la disposition de l’employeur [5].

La question de la moyenne des salaires à retenir se pose également en cas de rupture du contrat de travail.

2/ L’assiette de calcul des indemnités de départ.

Dans un arrêt du 11 janvier 2006 [6], la Cour de cassation a jugé que la part « locale » de la rémunération versée à l’agent expatrié devait être prise en compte dans le calcul de l’indemnité de licenciement lui revenant.

Selon cette décision, le fait que l’agent expatrié ait été obligé de revenir en France pour les seuls besoins et pour la durée de la procédure de licenciement ne peut avoir pour effet de le priver des éléments de rémunération liés à son expatriation, en fonction desquels doit être évaluée l’indemnité de licenciement.

Ainsi, la Cour de cassation tient compte du salaire global du cadre expatrié, et non d’un « salaire de référence France ».

Cette jurisprudence a une large portée, puisqu’elle s’applique alors même que le salarié a été mis à la disposition d’une filiale étrangère.

A titre d’exemple, dans une affaire où le salarié avait travaillé pour une filiale suisse, le montant des indemnités de préavis, de congés payés afférents au préavis et de licenciement, dues par la société mère qui l’avait licencié, a été déterminé sur la base du salaire d’expatriation [7].

Cette jurisprudence a été réaffirmée dans deux arrêts récents [8] :

« Lorsque la société mère ne réintègre pas le salarié après son licenciement par la filiale étrangère, les indemnités de rupture auxquelles le salarié peut prétendre doivent être calculées par référence aux salaires perçus par celui-ci dans son dernier emploi ».

Il est donc acquis que les indemnités de rupture auxquelles peut prétendre le salarié, au titre de son licenciement prononcé par la société mère, doivent être calculées par référence aux salaires perçus dans son dernier poste.

Cette jurisprudence est fondée sur l’article L1231-5 du Code du travail :

« Lorsqu’un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d’une filiale étrangère et qu’un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions en son sein.
Si la société mère entend néanmoins licencier ce salarié, les dispositions du présent titre sont applicables.
Le temps passé par le salarié au service de la filiale est alors pris en compte pour le calcul du préavis et de l’indemnité de licenciement
 ».

La jurisprudence adopte la même solution à l’égard de l’indemnité de préavis.

En ce sens, la Cour de cassation juge que l’indemnité conventionnelle de préavis doit être calculée sur la base du salaire qu’aurait perçu le salarié s’il avait continué à travailler, soit celui perçu à l’étranger [9].

Xavier Berjot Avocat Associé au barreau de Paris Sancy Avocats [->xberjot@sancy-avocats.com] [->https://bit.ly/sancy-avocats] Twitter : https://twitter.com/XBerjot Facebook : https://www.facebook.com/SancyAvocats LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b

[1C. trav. art. L1231-5, al 1.

[2Cass. soc. 02-04-1992, n° 88-45.274.

[3Cass. soc. 21-11-2012 n° 10-17.978.

[4Cass. soc. 28-03-1989, n° 85-41.776.

[5Cass. soc. 14-10-2020, n° 19-12.275.

[6Cass. soc. 11-1-2006, n° 04-41.652.

[7Cass. soc. 27-10-2004, n° 02-40.648.

[8Cass. soc. 17-5-2017, n° 15-17.750 ; Cass. soc. 6-3-2024, n° 22-19879.

[9Cass. soc. 11-5-2005, n° 03-43.027.