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Les limites de la confidentialité des procédures amiables de traitement des difficultés d’une entreprise. Par Marguerite Schaetz, Avocate.
Parution : jeudi 7 mars 2024
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Dans un contexte de croissance des défaillances d’entreprises en France, les procédures amiables de traitement des difficultés émergent comme une solution précieuse. Au cœur de ces procédures amiables se trouve un principe fondamental : la confidentialité.
Dans un arrêt du 22 novembre 2023, la Cour de cassation a précisé les contours du principe de confidentialité applicable au mandat ad hoc et à la conciliation et plus particulièrement la levée de la confidentialité en cas d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.
C’est l’occasion de revenir sur les faits et les fondements ayant motivé cette décision et plus largement traiter de la portée du principe de confidentialité, ses limites et ses avantages.

I. Contexte de la décision rendue par la Cour de cassation.

Une entreprise déclare son état de cessation des paiements et sollicite l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.

A cette occasion, elle déclare qu’elle a bénéficié d’un mandat ad hoc moins de 18 mois avant le dépôt de sa déclaration de cessation des paiements.

Le tribunal saisi de la demande de redressement judiciaire, ordonne la communication des pièces et actes relatifs au mandat ad hoc avant de se prononcer sur l’ouverture du redressement judiciaire.

L’entreprise interjette appel-nullité de cette décision, estimant que la juridiction a commis un excès de pouvoir en ordonnant la communication des actes relatifs au mandat ad hoc sans que le redressement judiciaire n’ait été prononcé.

II. Les fondements de la décision rendue par la Cour de cassation.

La Cour de cassation rejette, dans son arrêt du 22 novembre 2023, le pourvoi de l’entreprise en jugeant que la levée de la confidentialité d’un mandat ad hoc peut intervenir antérieurement à l’ouverture d’un redressement judiciaire.

Cette décision s’appuie sur les dispositions de l’article L621-1 du Code de commerce et s’explique logiquement par le fait que la communication des actes relatifs au mandat ad hoc vise à informer le tribunal du contexte dans lequel se trouve l’entreprise débitrice. Le tribunal pourra ainsi avoir un avis éclairé pour se prononcer sur la demande d’ouverture du redressement judiciaire.

L’atteinte au principe de confidentialité peut donc être relativisée puisque la communication des actes relatifs à la procédure amiable s’adresse uniquement au tribunal et ce, à l’exclusion de toute autre partie.

La levée de la confidentialité ordonnée par le tribunal appelé à statuer sur l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire s’inscrit donc dans un ensemble procédural et une volonté de bonne administration de la justice.

III. La portée du principe de confidentialité des procédures amiables.

La confidentialité dispose d’une large portée puisqu’elle s’impose à un nombre important d’acteurs.

Toute personne qui est appelée à une procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité (L611-15 du Code de commerce).

La confidentialité s’étend donc au dirigeant de l’entreprise en difficulté, au conciliateur ou mandataire ad hoc, aux conseils, créanciers, cocontractants, partenaires, cessionnaires appelés à participer aux négociations, aux salariés et associés du débiteur.

Selon une jurisprudence récente (Cass.com. 13 juin 2019 n°18-10.688), les organes de presse sont également soumis à la confidentialité si les informations divulguées ne sont pas d’intérêt général.

La confidentialité n’est toutefois pas un principe absolu puisqu’elle peut dans certains cas être levée, en illustre l’arrêt de la Cour de cassation objet du présent commentaire.

D’autres cas peuvent être relevés tels que, l’homologation de l’accord de conciliation qui conduit à la levée de la confidentialité ou encore l’ouverture d’une procédure de sauvegarde accélérée qui nécessite la transmission d’un rapport par le conciliateur sur la conciliation préalable.

IV. Les avantages tirés du principe de confidentialité des procédures amiables.

La confidentialité est le socle des procédures amiables dont elles tirent une grande efficacité. Elle permet de créer un environnement propice à la négociation d’un accord visant à mettre fin aux difficultés d’une entreprise.

Elle garantit la protection des informations sensibles et stratégiques communiquées au cours des discussions.

Elle préserve l’image de l’entreprise et la confiance de ses partenaires et évite de compromettre son positionnement sur le marché ou encore son accès au financement.

La confidentialité permet aussi aux créanciers de l’entreprise de discuter en toute sécurité d’éventuelles concessions de leur part sans la crainte, en cas d’échec des discussions, d’une quelconque révélation des efforts que ces créanciers avaient été disposés à consentir.

Marguerite Schaetz Avocate à la Cour Barreau de Paris [->mschaetz@edma-avocat.com] www.edma-avocat.com