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Les différents accords dans les procédures de l’amiable. Par Francine Summa, Avocate.
Parution : jeudi 7 mars 2024
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Le 28 février 2024, la Commission des modes amiables de résolution des différends du Barreau de Paris, présidée par Me Martine Bourry d’Antin avait convié Madame Nathalie Fricero, Professeur des Universités, ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature, membre du Conseil national de la médiation, à une réunion virtuelle sur le thème des écrits de l’amiable.
Ont été abordés, l’obligation préalable d’une tentative de règlement amiable, la procédure de la césure, l’audience de règlement amiable (ARA), la rédaction des accords et leur exécution.
L’objet de cet article est de proposer un compte rendu non exhaustif de cette réunion virtuelle.

1. L’obligation d’une tentative préalable de conciliation : Article 750-1 du Code de Procédure civile.

L’obligation a une portée générale :

Article 750-1
En application de l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice est précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R211-3-4 -et R211-3-8 du Code de l’organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage.

Les parties sont dispensées de l’obligation mentionnée au premier alinéa dans les cas suivants :

Les exceptions sont les actions en bornage ou conflits de voisinage, les procédures où il existe déjà une mesure préalable de conciliation imposée comme les clauses de médiations dans les contrats de droit de la consommation, audiences de conciliation devant les ordres professionnels (médecins, avocats..), dans certains contrats de travail préalablement à la saisine du Conseil de Prud’hommes.
L’audience de conciliation du Conseil de Prud’hommes devant deux Conseillers, procédure d’ordre public = dispense.
L’urgence (référé), les circonstances, l’impossibilité de trouver un conciliateur de justice dans un délai de trois mois, l’engagement d’une procédure d’injonction de payer rejetée ouvrant un délai de saisine du tribunal, toutes ces situations sont exemptées de la tentative de conciliation.

2- La césure : articles 807-1 à 807-3 du Code de procédure civile.

Cette procédure créée par le décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 est entrée en vigueur le 1ᵉʳ novembre 2023.
C’est une procédure, demandée par les parties, contrairement à l’audience de règlement amiable ("ARA") qui est proposée et initiée par le juge.
À tout moment de la procédure, devant le juge de la mise en état, les parties qui ont trouvé un accord partiel consigné par un acte d’avocats, demandent au juge la clôture partielle de l’instruction pour qu’il soit statué sur leur accord. Le juge renvoie l’affaire devant le tribunal par Ordonnance à laquelle l’acte d’Avocats est annexé.
Le tribunal rend un jugement qui peut être revêtu de l’exécution provisoire.
L’affaire reste en suspend jusqu’à l’expiration du délai d’appel ou à l’issue de la procédure d’appel s’il y a un appel.
La suite de la procédure est censée être réglée par voie de médiation ou de conciliation. Mais, le tribunal pourrait être saisi pour juger sur les points litigieux.
L’exemple donné par la Chancellerie à l’appui de cette procédure est l’action en contrefaçon où l’essentiel est de juger sur la reconnaissance de la contrefaçon. L’accord pourrait réserver les autres aspects en découlant -destruction, estimation du préjudice financier, affichage ou publication du jugement- pour qu’ils soient discutés ultérieurement par voie de conciliation ou de médiation.
Il est conseillé de privilégier la médiation, confidentielle, pour la réputation du contrefaisant.
Selon les auteurs de la réforme, la procédure contentieuse ne devrait pas reprendre.

3- L’audience de règlement amiable (ARA) : articles 774-1 à 774-4 du Code de procédure civile.

Cette procédure vient du Canada où elle se nomme la Conférence de règlement amiable (CRA).

Procédure à l’initiative des juges, contrairement à la césure qui est déclenchée par les Avocats.
Les parties peuvent aussi la demander à l’audience du Président. Mais, c’est plutôt le Président qui va sélectionner des dossiers pour lesquels il estime qu’un accord serait meilleur qu’une procédure contentieuse.
Une solution juridique peut ne pas être équitable et laisser des traces de colère ou de vengeance dans les esprits des parties.
Les deux faces de Janus de la Justice : La guerre, le glaive justicier ou la colombe de la Paix.

Certes le juge peut juger en amiable compositeur, mais qui le lui demande ?

Les litiges au fond ou en référé inférieurs à 10 000 euros devant le juge des contentieux de la Protection (JCP) peuvent se conclure par un procès-verbal d’accord remis aux parties à l’audience en matière de loyers, de crédits à la consommation. Là, le juge reste juge du contentieux même s’il invite les parties à s’arranger entre elles.

La procédure de l’ara est très différente par la séparation du juge du contentieux d’avec le juge de l’amiable : deux juges, deux missions différentes.

Lorsque les parties avec leurs avocats sont d’accord pour choisir la procédure de l’amiable, les parties sont convoquées à une audience de règlement amiable.
Les parties doivent comparaître en personne avec leurs avocats. L’audience se tient en chambre du conseil, hors la présence du greffe. Le juge est seul avec les parties et il préside l’audience qui est confidentielle.
Il a connaissance des pièces et de la procédure.
Il fixe les conditions de la tenue de l’audience, il peut entendre les parties séparément.
Il a connaissance du dossier, pièces et écritures.
Le juge a des pouvoirs d’investigation, comprenant constatations, évaluations, transport sur les lieux.
À tout moment, il peut mettre fin à l’audience.
Mais ce n’est pas le but.

Madame Fricero a précisé que les parties, qui ayant consenti à la procédure, avaient à préparer un projet d’accord à soumettre au juge avec les points restés litigieux qui devaient être réglés au cours de l’audience.
Cette audience peut durer deux heures ou plus. Une audience de quatre heures a été tenue. S’il reste des points non réglés, soit il y aura une autre audience.
L’on peut s’attendre néanmoins à des accords :

À l’issue de l’audience, un procès-verbal d’accord est rédigé par le juge : article 774-4 du Code de procédure civile.

À l’issue de l’audience, les parties peuvent demander au juge chargé de l’audience de règlement amiable, assisté du greffier, de constater leur accord, total ou partiel, dans les conditions de l’article 130 et du premier alinéa de l’article 131 :

« Le juge informe le juge saisi du litige qu’il est mis fin à l’audience de règlement amiable et lui transmet, le cas échéant, le procès-verbal d’accord ».

L’accord des parties prend donc la forme d’un accord de conciliation, prévu par les articles 130 alinéa 1 et 131 du Code de procédure civile.
La teneur de l’accord, même partiel, est consignée, selon le cas, dans un procès-verbal signé par les parties et le juge ou dans un constat signé par les parties et le conciliateur de justice.
Des extraits du procès-verbal dressé par le juge peuvent être délivrés. Ils valent titre exécutoire.
À tout moment, les parties, ou la plus diligente d’entre elles, peuvent soumettre à l’homologation du juge le constat d’accord établi par le conciliateur de justice. Le juge statue sur la requête qui lui est présentée sans débat, à moins qu’il n’estime nécessaire d’entendre les parties à l’audience. L’homologation relève de la matière gracieuse.

En conclusion, Madame Fricero nous a encouragés à utiliser ces nouvelles procédures. Les juges sont prêts, les avocats aussi, à ce titre, le Barreau de Paris a été un fervent partisan de la formation des avocats à la médiation avec IFOMENE notamment. Il reste les plaideurs, nos clients, ceux qui ont leur idée de Justice, où se mêlent les passions, les colères, les ressentiments. Cela étant, la médiation a une vertu : la reconnaissance de la souffrance de la personne, le respect de l’autre, une écoute, tout ce qui est trop oublié dans les relations humaines.

Francine Summa, Avocate au barreau de Paris