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Licenciement pour fautes graves : la procédure doit être déclenchée par l’employeur dans un délai restreint. Par Frédéric Chhum, Avocat et Sarah Bouschbacher, Juriste.
Parution : lundi 4 mars 2024
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La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, la mise en œuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués, dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.
C’est ce qu’affirme la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 20 décembre 2023 (n° 22-21.685).

I. Faits et procédure.

Un salarié engagé en qualité de directeur de salle le 1ᵉʳ mars 2013, a été convoqué le 28 janvier 2017 à un entretien préalable au licenciement.

À la suite de son licenciement pour faute grave intervenu le 27 février 2017, le salarié a saisi la juridiction prud’homale pour contester son licenciement et obtenir diverses sommes afférentes.

Par un arrêt du 29 juillet 2022, la Cour d’appel de Colmar déboute le salarié de l’ensemble de ses demandes formées contre son ancien employeur.

En conséquence, le salarié se pourvoit en cassation sur le fondement des articles L1234-1, L1234-5 et L1234-9 du Code du travail selon lesquels respectivement, « lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis », « lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice » et

« le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement ».

II. Moyens.

Le salarié fait grief à l’arrêt de la Cour d’appel de Colmar de décider que son licenciement repose sur une faute grave et d’écarter l’ensemble des demandes qu’il a formées contre son ancien employeur.

En effet, le salarié soutient que la circonstance selon laquelle un licenciement a été prononcé pour faute grave, n’exclut pas pour autant le fait que la mise en œuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués, dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.

Or, le salarié reproche à la cour d’appel de s’être bornée à énoncer que son licenciement était motivé par une faute grave, sans vérifier si la procédure de licenciement avait été mise en œuvre dans un délai restreint, sur le fondement de l’article L1332-4 du Code du travail selon lequel :

« aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales ».

Plus exactement, le salarié conteste la décision de la cour d’appel en ce qu’elle a admis la possibilité pour l’employeur de prendre en considération des faits antérieurs au 28 novembre 2016, soit des faits antérieurs à deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires en date du 28 janvier 2017, dès lors que le comportement du salarié s’est poursuivi ou s’est réitéré dans ce délai et qu’il s’agit de faits de même nature.

III. Solution.

La mise en œuvre de la procédure de licenciement pour faute grave doit-elle intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués ?

La Cour de cassation répond par la positive sur le fondement des articles cités précédemment et conteste le raisonnement de la cour d’appel selon lequel, si la procédure de licenciement a été déclenchée par la convocation à l’entretien préalable du 28 janvier 2017 et qu’il est fait état dans la lettre de licenciement de faits antérieurs au 28 novembre 2016, l’employeur avait la possibilité de prendre en considération ces faits antérieurs à deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires dès lors que le comportement du salarié s’est poursuivi ou s’est réitéré dans ce délai et qu’il s’agit de faits de même nature.

En énonçant le principe selon lequel « la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, la mise en œuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués, dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire », la Cour de cassation refuse toute possibilité à l’employeur de prendre en compte des faits antérieurs à ce délai restreint dans le cadre d’une procédure de licenciement pour faute grave.

Ainsi, la Cour de cassation casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt de la Cour d’appel de Colmar.

L’affaire est renvoyée devant la Cour d’appel de Metz.

Cet arrêt est une confirmation de jurisprudence.

Source.

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 décembre 2023, n° 22-21.685

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) Sarah Bouschbacher juriste M2 Propriété intellectuelle Paris 2 Assas Chhum Avocats (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum