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Réinventer la gestion des dépenses juridiques pour viser l’excellence opérationnelle.
Parution : lundi 4 mars 2024
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L’évolution du maché et le contexte budgétaire très contraint entrainent des changements significatifs dans les pratiques et les stratégies de gestion du département juridique. Au cœur de cette transformation, l’optimisation des dépenses juridiques est une des priorités. Nous constatons ces dernières années que l’amélioration des processus de gestion peut impacter de façon significative la performance du département juridique.

La complexité et la diversité des besoins juridiques des entreprises exigent une approche à la fois minutieuse et stratégique. Cela implique non seulement une compréhension approfondie du marché mais également une maîtrise des outils et techniques de gestion les plus avancés. Dans ce contexte dynamique, plusieurs questions clés émergent, qui façonnent et redéfinissent la façon d’aborder l’optimisation des dépenses juridiques. Ces interrogations ne sont pas de simples réflexions théoriques ; elles sont au cœur de l’évolution de la profession et déterminent la manière dont le département juridique peut créer davantage de valeur.

Nous vous proposons 3 axes possibles d’amélioration de votre processus d’optimisation des dépenses juridiques.

1. Mesurer les économies réalisées

Cette mesure ne se limite pas à un simple calcul financier ; elle exige une analyse nuancée et contextuelle des dépenses.

Pour appréhender au mieux cette évaluation, il est indispensable de distinguer entre deux catégories de dépenses : les dépenses stratégiques, associées aux transactions, et les dépenses subies, liées le plus souvent aux contentieux. Les dépenses stratégiques sont celles où l’investissement juridique vise à générer une valeur ajoutée, comme dans le cas de négociations de contrats importants ou d’opérations de fusion-acquisition. Ces dépenses, bien que substantielles, sont réalisées dans le cadre d’activités qui apportent une contribution directe à la croissance et à la prospérité de l’entreprise. D’autre part, les dépenses subies, majoritairement liées aux contentieux, représentent des coûts que l’entreprise doit engager pour se défendre ou pour ester en justice, sans qu’elles ne contribuent directement à la croissance de l’entreprise.

La mesure des économies ne doit pas se baser uniquement sur les montants économisés. Elle doit également tenir compte de l’efficacité avec laquelle les ressources sont allouées et utilisées. Cela implique d’évaluer si les dépenses juridiques conduisent à des résultats optimaux, que ce soit en termes de résolution des litiges ou de la réussite des transactions.

Un autre aspect essentiel est l’analyse de la valeur relative des dépenses. Il s’agit de comprendre non seulement combien est économisé, mais aussi la qualité du service obtenu en retour. Ainsi, une réduction des coûts obtenue en sacrifiant la qualité ou l’expertise nécessaire peut s’avérer contreproductive dans la durée.

Enfin, il est important de développer une méthodologie cohérente pour le calcul des économies. Cette méthodologie doit être adaptée aux spécificités de chaque entreprise et doit prendre en compte les différentes natures de dépenses juridiques. Elle doit inclure des indicateurs clairs, tels que le coût par dossier, l’efficacité des stratégies contentieuses, et le retour sur investissement des transactions juridiques.

En résumé, la mesure des économies réalisées dans le processus d’optimisation des dépenses juridiques nécessite une approche à la fois quantitative et qualitative qui intègre une compréhension profonde de la valeur et de l’efficacité des services juridiques dans le contexte global de l’entreprise.

2. Améliorer la collecte et l’analyse des données

L’amélioration de la collecte et de l’analyse des données représente un enjeu majeur pour optimiser les dépenses juridiques. La capacité à collecter, traiter et interpréter correctement les données est fondamentale pour une gestion efficace et éclairée.

2.1. Collecte des données :
La première étape dans l’amélioration de la gestion des données est d’assurer une collecte exhaustive et précise. Cela implique d’avoir des systèmes en place qui capturent non seulement les coûts et les heures facturées, mais aussi des informations qualitatives sur les affaires, telles que la complexité des dossiers, les résultats obtenus et la satisfaction des clients internes. Il est essentiel que ces systèmes soient intégrés de manière homogène dans les processus quotidiens de travail, afin d’assurer une collecte de données cohérente et fiable.

2.2. Analyse des données :
Une fois les données collectées, l’étape suivante est leur analyse. Cette analyse ne doit pas se limiter à un simple examen des coûts, mais doit évaluer l’efficacité et l’efficience des services juridiques. Des questions clés à poser comprennent : Quelles stratégies de résolution des litiges sont les plus rentables ? Quels cabinets d’avocats offrent le meilleur rapport qualité-prix pour différents types de travail ? Comment les modèles de dépenses changent-ils au fil du temps ?
L’utilisation de technologies avancées peut faciliter et accélérer l’analyse des données. Ces technologies peuvent aider à identifier des tendances, à prévoir des coûts futurs et à évaluer les performances des fournisseurs de services juridiques de manière plus objective et systématique.
Enfin, il est important que les connaissances acquises à partir des données soient partagées au sein du département juridique. Cela aide non seulement à aligner les différentes équipes sur les objectifs communs, mais également à cultiver une culture de la transparence et de l’amélioration continue.
L’amélioration de la saisie et de l’analyse des données est donc un processus complexe mais essentiel pour le département juridique. Elle exige une approche systématique tout en veillant à ce que les insights obtenus soient utilisés de manière stratégique pour améliorer de façon continue les pratiques.

3. Développer des Modes Alternatifs de Facturation (MAF)

Le but final de l’exploitation des données est de permettre la mise en place de nouveaux schémas de facturation et de tarification des honoraires d’avocats. Ces Modes Alternatifs de facturation (MAF), coconstruits en étroite collaboration avec les cabinets d’avocats se distinguent du modèle traditionnel de tarification horaire et offrent l’opportunité de maximiser l’efficacité tout en maitrisant les coûts. Cependant leur mise en œuvre est plus complexe et demande une approche stratégique et réfléchie.

3.1. Comprendre les « MAF » :
Les MAF sont des structures de facturation conçues pour aligner les intérêts des cabinets d’avocats avec ceux de leurs clients. Ils peuvent prendre diverses formes, concept de dégroupage, « Value Pricing » d’autres formes encore telles que des honoraires conditionnels, au succès, fixes, mixtes.... Le choix du MAF approprié dépend de la nature des affaires, des risques impliqués, et des objectifs stratégiques.

3.2. Évaluation Préalable des affaires :
Avant de négocier un MAF, une évaluation préalable minutieuse de l’affaire est indispensable. Cela implique une compréhension détaillée du dossier, y compris sa complexité, les risques, et les résultats attendus. Cette évaluation doit être effectuée en collaboration étroite avec les cabinets d’avocats pour s’assurer que toutes les parties ont une vision claire et partagée des attentes.

3.3. Budgétisation et gestion de projet juridique :
La budgétisation détaillée des affaires est un prérequis essentiel à l’utilisation efficace des MAF. Cela nécessite une estimation précise des coûts et une planification rigoureuse du projet juridique. Il convient d’évaluer de façon précise les portefeuilles de travaux juridiques, en tenant compte de divers facteurs tels que la spécialisation, le volume d’affaires, leur complexité, et les heures estimées.

3.4. Négociation, flexibilité et suivi :
Lors de la négociation des MAF, la flexibilité et la créativité sont essentielles. Il est important de trouver un équilibre entre le risque et la récompense, en s’assurant que les accords soient équitables et bénéfiques pour toutes les parties impliquées. Cela peut nécessiter des ajustements et des révisions au fil du temps, en fonction de l’évolution des affaires.

Enfin, le suivi et l’évaluation continus des MAF sont nécessaires. Cela implique non seulement de surveiller les coûts, mais aussi d’évaluer la qualité du travail et l’efficacité du cabinet d’avocats. Des mécanismes de retour d’information et des révisions régulières des accords peuvent contribuer à assurer leur pertinence et efficacité à long terme.

L’utilisation des MAF nécessite une approche stratégique qui implique une compréhension approfondie des affaires, une budgétisation précise, une négociation flexible, et un suivi rigoureux. Lorsqu’ils sont bien gérés, les MAF offrent une méthode plus transparente et prévisible de la tarification des prestations juridiques, tout en favorisant une relation plus collaborative entre les départements juridiques et leurs cabinets d’avocats.

Conclusion :

Les défis abordés dans les trois points clés que nous avons traités - la mesure des économies, l’exploitation des données et l’utilisation des Modes Alternatifs de Facturation - représentent des opportunités significatives pour transformer la manière dont les départements juridiques optimisent leur gestion.

Une Approche Holistique : La clé pour maximiser les dépenses juridiques réside dans une approche holistique qui intègre à la fois des considérations financières, opérationnelles et stratégiques. Cette approche nécessite une compréhension profonde des dynamiques des besoins juridiques.

Collaboration et Innovation : La collaboration entre le département juridique et les cabinets d’avocats (et autres prestataires juridiques) est fondamentale. En cultivant des relations basées sur la confiance, la transparence et l’innovation, il est possible de dépasser les modèles traditionnels pour développer des partenariats plus stratégiques et efficaces.

Technologie et Données : L’adoption de la technologie et l’exploitation stratégique des données joueront un rôle de plus en plus important. Les outils analytiques offrent de nouvelles perspectives pour optimiser les coûts, améliorer l’efficacité et renforcer la prise de décision basée sur les données.

Adaptabilité et Apprentissage Continu : Enfin, l’adaptabilité et l’apprentissage continu sont essentiels. Le monde juridique est en constante évolution, et la capacité du Département juridique à adapter et à apprendre de ces changements déterminera son succès dans l’optimisation de ses dépenses.

Denis Sauret Cost Legalis