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Le droit de passage en droit immobilier en cas d’enclave. Par Christophe Buffet, Avocat.
Parution : lundi 26 février 2024
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Le droit de passage pour une propriété enclavée, autrement dit la servitude de passage en cas d’enclave, est prévu par le Code civil pour permettre la desserte d’une propriété qui ne pourrait être accessible sans ce passage.

Quels sont les articles du Code civil relatifs à la servitude de passage en cas d’enclave ?

Cette servitude fait l’objet des articles 682 à 685-1 du Code civil :

Article 682.

Le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue, ou qu’une issue insuffisante, soit pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d’opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner.

Article 683.

Le passage doit régulièrement être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique.

Néanmoins, il doit être fixé dans l’endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé.

Article 684.

Si l’enclave résulte de la division d’un fonds par suite d’une vente, d’un échange, d’un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l’objet de ces actes.

Toutefois, dans le cas où un passage suffisant ne pourrait être établi sur les fonds divisés, l’article 682 serait applicable.

Article 685.

L’assiette et le mode de servitude de passage pour cause d’enclave sont déterminés par trente ans d’usage continu.

L’action en indemnité, dans le cas prévu par l’article 682, est prescriptible, et le passage peut être continué, quoique l’action en indemnité ne soit plus recevable.

Article 685-1.

En cas de cessation de l’enclave et quelle que soit la manière dont l’assiette et le mode de la servitude ont été déterminés, le propriétaire du fonds servant peut, à tout moment, invoquer l’extinction de la servitude si la desserte du fonds dominant est assurée dans les conditions de l’article 682.

A défaut d’accord amiable, cette disparition est constatée par une décision de justice.

Quelles sont les conditions pour pouvoir prétendre à une servitude de passage pour enclave ?

Il faut tout d’abord que les deux propriétaires des fonds, c’est-à-dire des terrains concernés par cette servitude soient différents, ce qui résulte de la définition même d’une servitude.

La demande d’un passage ne doit pas relever d’ « un simple souci de commodité et de convenance » :

« Attendu qu’ayant retenu, par motifs propres et adoptés, qu’un simple souci de commodité et de convenance ne permettait pas de caractériser l’insuffisance de l’issue sur la voie publique au sens de l’article 682 du Code civil, et constaté que M. X... se bornait à rechercher un accès plus commode et direct à sa maison et non à son fonds proprement dit parfaitement desservi par le chemin communal et pour lequel il n’invoquait aucun besoin spécifique d’exploitation, qu’il ne donnait aucun élément laissant présumé qu’il n’avait pas d’accès suffisant, la cour d’appel qui en a déduit que M. X... ne démontrait pas l’état d’enclave de son fonds, a, sans être tenue de procéder à une recherche sur la disproportion du coût des travaux d’aménagement de l’accès de son fonds à la voie publique par rapport à la valeur de ce dernier qui ne lui était pas demandée, légalement justifié sa décision ».

Il faut ensuite que le fond soit enclavé et qu’il soit donc nécessaire qu’un passage existe pour permettre son exploitation (article 682 reproduit ci-dessus).

Il faut qu’il n’existe aucune issue ou que l’issue existante soit insuffisante. Autrement dit, une issue peut exister, mais si elle n’est pas suffisante, et par exemple très difficilement praticable ou n’est aménageable qu’au prix de dépenses excessives, il pourra être considéré qu’il y a enclave au sens des dispositions relatives au droit de passage pour enclave.

Peu importe que le terrain enclavé soit inconstructible :

« Vu l’article 682 du Code civil ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 juin 1993), qu’invoquant l’état d’enclave de sa parcelle cadastrée D 213, Mme Y... a demandé la reconnaissance d’une servitude légale de passage s’exerçant sur les fonds des époux B... et A... ;
Attendu que, pour débouter Mme Y... de sa demande, l’arrêt retient que la parcelle, dont elle demande le désenclavement, étant devenue inconstructible, elle n’a plus d’intérêt à agir puisqu’elle n’a plus besoin de servitude ;
Qu’en statuant ainsi, sans rechercher si la parcelle de Mme Y... disposait d’une issue sur la voie publique suffisante pour assurer sa desserte complète, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision
 ».

L’état d’enclave ne doit pas avoir été créé par le propriétaire qui invoque ce droit de passage :

« Attendu, selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 12 avril 1994), que les consorts X... et la société Altitude 1800 sont propriétaires de deux immeubles contigus édifiés en vertu du même permis de construire.
Attendu que la société Altitude 1800 fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande en reconnaissance d’un droit de passage pour cause d’enclave sur le fonds appartenant aux consorts X..., alors, selon le moyen, "d’une part, que n’est pas enclavé le fonds qui bénéficie d’une tolérance de passage permettant un libre accès à la voie publique pour les besoins de son exploitation tant que cette tolérance est maintenue ; que la cour d’appel qui, pour refuser de reconnaître à un propriétaire un droit de passage sur le fonds voisin, et d’ordonner la démolition du mur édifié par son voisin pour fermer le passage, a retenu que ce propriétaire avait pris l’initiative de barrer l’accès par l’arrière de son fonds à la voie publique en construisant un immeuble, tout en constatant que ce propriétaire et son voisin avaient déposé des permis de construire communs, faisant apparaître la servitude contestée, et conformément auxquels des accès communs avaient été établis, ce dont il résulte que l’état d’enclave résultait, non de la volonté du propriétaire du fonds enclavé, mais de la décision du propriétaire voisin de mettre fin à une tolérance, a violé l’article 682 du Code civil ; d’autre part, que les juges ne peuvent refuser de reconnaître au propriétaire d’un fonds enclavé un droit de passage sans rechercher si la construction, invoquée par le propriétaire du fonds sur lequel le passage est revendiqué, constituait ou non une utilisation normale du fonds ; que la cour d’appel, qui a débouté le propriétaire d’un fonds enclavé de ses demandes tendant à se voir reconnaître un droit de passage et ordonner la démolition du mur obstruant ce passage, en retenant que ce propriétaire avait pris l’initiative de barrer l’accès par l’arrière de son fonds à la voie publique en construisant un immeuble, sans constater que le passage revendiqué ressortirait d’une utilisation anormale de son fonds, a violé l’article 682 du Code civil.
Mais attendu qu’ayant souverainement retenu que la société Altitude 1800 avait pris l’initiative de barrer l’accès dont son fonds disposait sur la voie publique en construisant un immeuble, la cour d’appel en a exactement déduit que le propriétaire ne pouvait se prévaloir de la situation d’enclave qu’il avait lui-même créée pour prétendre à une servitude légale de passage sur le fonds voisin
 ».

Un accès par des voies privées exclut l’état d’enclave :

« Vu l’article 682 du Code civil ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Riom, 14 février 2008), que M. X..., propriétaire de la parcelle AV 200, a assigné M. Y..., propriétaire de la parcelle AV 68, en enlèvement des obstacles mis à l’accès, à partir de la parcelle AV 200, à l’assiette de passage située sur la parcelle AV 68 et a sollicité des dommages-intérêts ;
Attendu que, pour accueillir la demande d’enlèvement des obstacles, l’arrêt retient que les parcelles AR 525 et AR 527 qui pourraient desservir la propriété de M. X... sont des voies privées et non une voie publique, que le fait que la commune en soit propriétaire est indifférent, que cette voie n’a été créée que pour la desserte d’un lotissement voisin et qu’en outre si ces deux parcelles sont deux parties d’une même voie, elles sont séparées par trois autres parcelles, propriété de particuliers ;
Qu’en statuant ainsi, sans rechercher si les parcelles AR 525 et AR 527 étaient ouvertes au public et permettaient à M. X... d’accéder à son fonds, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision
 ».

L’exploitation pour laquelle un passage est nécessaire est entendue de façon très large par l’article 682 du Code civil et par la jurisprudence. Il est même considéré que si cette exploitation varie, et rend nécessaire un passage plus large, le bénéficiaire de la servitude pourra le demander et l’obtenir.

Un accès à pied par un escalier constitue un état d’enclave et justifie un accès par voiture :

« Vu l’article 682 du Code civil ;
Attendu que le propriétaire dont les fonds sont enclavés, et qui n’a sur la voie publique aucune issue ou qu’une issue insuffisante, est fondé à réclamer sur le fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de son fonds ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 juin 2014), que les époux X... ont acquis une propriété sur laquelle est édifiée une maison à laquelle ils accédaient par un chemin appartenant aux consorts Y... ; que, ceux-ci ayant fermé ce chemin en 2011, les époux X..., soutenant que leur fonds, auquel on accède par un escalier escarpé de quatre-vingt-dix-neuf marches, était enclavé, ont assigné les consorts Y... en désenclavement ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, l’arrêt retient que la maison des époux X... est desservie par un escalier extrêmement pentu et que, si l’approche de la maison en véhicule est impossible par cet escalier, l’accès à la propriété reste possible moyennant certains aménagements ;
Qu’en statuant ainsi, alors que l’accès par un véhicule automobile correspond à l’usage normal d’un fonds destiné à l’habitation, la cour d’appel a violé le texte susvisé
 ».

Indemnisation du propriétaire du fonds servant.

L’institution de la servitude donne normalement lieu au paiement d’une indemnité, qui est fixée en considération du préjudice causé au fonds servant, et non de la valeur vénale du terrain atteint par la servitude :

« Vu l’article 682 du Code civil ;
Attendu que le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue, ou qu’une issue insuffisante pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, est fondé à réclamer, sur les fonds de ses voisins, un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner ;
Attendu que, pour condamner les consorts Hadj X..., dont le fonds enclavé bénéficie d’une servitude de passage sur celui des époux Z..., Y... et A..., à verser à ces derniers une indemnité de 269 500 francs, l’arrêt attaqué (Versailles, 30 mai 1991) retient que celle-ci doit être fixée selon la valeur vénale du terrain correspondant à l’assiette du passage ;
Qu’en statuant ainsi, sans prendre en considération le seul dommage occasionné au fonds servant, la cour d’appel a violé le texte susvisé
 ».

Un terrain est enclavé si le passage requis réglementairement est de 3.5 m et que celui existant est d’une largeur inférieure :

« Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 juin 2013), que les consorts Y... sont propriétaires d’une parcelle, classée en zone UD par le plan d’occupation des sols dont l’article 3-2 précise que les voies d’accès doivent présenter des voies d’accès d’une largeur minimale de 3, 5 mètres ; que, constatant que le chemin d’accès de leur parcelle présente une largeur comprise entre 2, 8 mètres et 3 mètres, et estimant en conséquence leur parcelle enclavée, les consorts Y... ont assigné leurs voisins pour obtenir leur désenclavement ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu’ayant constaté que la parcelle CK1 ne disposait pas d’une issue suffisante pour assurer la desserte complète d’un terrain à construire, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation relative au permis de construire obtenu pour un fonds voisin, et abstraction faite d’un motif surabondant, a légalement justifié sa décision
 ».

Quelle est l’assiette du droit de passage ? Qui définit l’assiette du droit de passage pour enclave ?

L’assiette est l’endroit où s’accomplit le passage.

C’est la loi qui institue le droit de passage en cas d’enclave. L’assiette elle-même peut être définie amiablement entre les intéressés, c’est-à-dire les propriétaires qui sont respectivement le débiteur et le créancier du droit de passage.

À défaut, c’est le juge qui définira cette assiette du droit de passage. La loi lui donne des directives à ce sujet, en prévoyant que c’est le trajet le plus commode et qui cause le moins de dommages qui doit être retenu :

« Attendu que Mme X... fait grief à l’arrêt attaqué (Montpellier, 30 mai 1989) d’avoir décidé que la parcelle de M. Y... devait bénéficier d’un droit de passage s’exerçant sur le fonds de Mme X... selon le tracé établi par expert, alors, selon le moyen, que le tracé de la servitude de désenclavement doit être choisi sur l’endroit à la fois le plus court et le moins dommageable pour le fonds servant ; que dès lors que le propriétaire du fonds servant a déterminé quelle était l’assiette la moins dommageable pour son fonds, il n’appartient pas au juge de substituer son appréciation à celle du propriétaire du fonds servant et de considérer que, à avantage égal pour le fonds dominant, un autre tracé serait moins dommageable pour le fonds servant ; qu’en refusant de fixer l’assiette du passage à l’endroit le moins dommageable tel que déterminé par le propriétaire du fonds servant, et sans inconvénient supplémentaire pour le fonds dominant, la cour d’appel a violé l’article 682 du Code civil ;
Mais attendu qu’il appartient au juge et non au propriétaire du fonds servant de fixer l’assiette du passage pour la desserte d’une parcelle enclavée, conformément aux dispositions de l’article 683 du Code civil
 ».

On notera que le juge doit vérifier que le tracé ce tracé est compatible avec les contraintes d’urbanisme et environnementales applicables à une parcelle située en zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager :

« Vu les articles 682 et 683 du code civil, ensemble l’article L642-2 du code du patrimoine ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 31 mai 2011) que les époux X..., propriétaires d’un terrain cadastré AX n° 109, ont assigné les consorts Y..., propriétaires de la parcelle voisine AX 110, en fixation de l’assiette de la servitude légale dont ils bénéficient sur cette parcelle pour désenclaver leur fonds ;
Attendu que pour fixer l’assiette de la servitude dans la partie sud de la parcelle AX 110, selon la solution N° 1 figurant sur le plan annexé au rapport d’expertise, l’arrêt retient que ce tracé, bien que présentant un trajet plus long, est le moins dommageable pour le fonds servant ;
Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si ce tracé était compatible avec les contraintes d’urbanisme et environnementales applicables à cette parcelle située en zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision
 ».

Les juges ne peuvent retenir un passage qui se ferait sur un terrain qui correspond à un espace boisé classé :

« Vu l’article L130-1 du Code de l’urbanisme, alors applicable ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 janvier 2017), que, par acte du 5 janvier 1984, M. et Mme Y... ont acquis une parcelle à bâtir, aujourd’hui cadastrée [...]et anciennement [...], provenant de la division d’une parcelle plus grande dont le surplus, constitué par les parcelles [...], [...] et [...], restait appartenir au vendeur ; que, pour permettre l’accès aux parcelles [...] et [...], si cette dernière venait à être dissociée de la parcelle [...], l’acte prévoyait la création d’une servitude de passage sur les parcelles [...] et [...] constituée par une bande de terre de quatre mètres de largeur sur la partie sud du fonds servant, telle qu’elle était matérialisée sur un plan annexé à l’acte ; que le syndicat des copropriétaires du [...] (le syndicat) a acquis les parcelles constituant le fonds servant, lesquelles sont aujourd’hui réunies en une seule parcelle cadastrée [...], et la société civile immobilière Lou Desirada (la SCI) la parcelle [...], aujourd’hui cadastrée [...] ; que, estimant que le syndicat ne respectait pas la servitude en réduisant son assiette à trois mètres, M. et Mme Y... l’ont assigné, après expertise, ainsi que la SCI, pour être autorisés à faire réaliser les travaux préconisés par l’expert ; que le syndicat a demandé, à titre reconventionnel, que M. et Mme Y... soient condamnés sous astreinte à créer la servitude de passage telle qu’elle avait été prévue dans l’acte du 5 janvier 1984 ; qu’un arrêt irrévocable du 5 novembre 2013 a rejeté les demandes de M. et Mme Y... et accueilli celles du syndicat ; que M. Christophe Y..., fils de M. et Mme Y..., se prévalant de sa qualité de nu-propriétaire de la parcelle [...], a formé tierce opposition à l’encontre de l’arrêt du 5 novembre 2013 ;
Attendu que, pour rejeter la tierce opposition, l’arrêt retient que la zone espace boisé classé où se situe désormais le fonds servant ne peut être un obstacle à la mise en œuvre d’une voie d’accès prévue par un titre antérieur à son existence, tandis qu’elle est de nature à empêcher l’élargissement sollicité après son instauration ;
Qu’en statuant ainsi, alors que le classement en espace boisé interdit tout changement d’affectation ou tout mode d’occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création de boisements, la cour d’appel a violé le texte susvisé
 ».

Lorsque les propriétaires intéressés sont parties à l’instance, le juge qui constate l’état d’enclave d’un fonds est légalement tenu de déterminer, conformément aux dispositions de l’article 683 du Code civil, l’assiette de la servitude de passage en faveur de ce fonds :

« Les consorts [R] font grief à l’arrêt rectifié de constater que l’héritage dont Mmes [U] sont propriétaires est enclavé, d’instituer, suivant le tracé n° 3 qu’a défini l’expert judiciaire, une servitude de passage grevant leur héritage, de condamner in solidum Mmes [U] à leur payer une somme de 17 790 euros, de réserver leur droit à obtenir une indemnité complémentaire dans le cas où Mmes [U] obtiendraient le permis de construire sur leur héritage un immeuble collectif ou plus de deux maisons d’habitation, de les autoriser à clôturer leurs héritage à condition de remettre aux propriétaires du fonds dominant une clé ou tout autre dispositif d’ouverture, et d’ordonner sa publication, aux frais de Mmes [U], à la conservation des hypothèques, alors « que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que le juge doit se prononcer seulement sur ce qui est demandé : qu’en cause d’appel, les demandes des parties sont exprimées dans le seul dispositif des conclusions d’appel des parties, de sorte que la cour d’appel ne statue que sur les demandes énoncées dans ce dispositif : que l’article 683 du Code civil n’ouvre pas d’exception dans ces règles ; qu’en fixant l’assiette de la servitude pour enclave qu’elle institue au profit du fonds de Mmes [D] et [O] [U] suivant un autre tracé que celui que celles-ci réclamaient dans le dispositif de leurs écritures d’appel, la cour d’appel, qui a méconnu le principe dispositif, a violé les articles 4, 5 et 954 du Code de procédure civile, ensemble l’article 683 du Code civil ».

Ainsi jugé de la même façon :

« Vu l’article 683 du Code civil ;
Attendu que le passage doit régulièrement être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique ; qu’il doit, néanmoins, être fixé dans l’endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rouen, 20 décembre 1989), qu’estimant insuffisante l’assiette d’une servitude conventionnelle de passage dont bénéficie leur fonds sur la propriété des époux Z..., les époux X... ont demandé la reconnaissance, à leur profit, d’une servitude légale de passage sur cette même propriété, permettant le passage avec un véhicule automobile, et ont fait intervenir, en la cause, M. Y..., propriétaire voisin ;
Attendu que pour débouter les époux X... de leur demande tendant à obtenir la desserte de leur fonds enclavé, l’arrêt, après avoir relevé que le trajet le plus court pour accéder à la voie publique à partir de la parcelle enclavée des époux X... est celui qui emprunte le fonds des époux Z..., mais qu’il est cependant plus dommageable que celui empruntant la propriété de M. Y..., actuellement utilisé à titre de tolérance, retient que les époux X... limitent leurs prétentions à obtenir un droit de passage sur la propriété des époux Z... ;
Qu’en statuant ainsi, alors que, les propriétaires intéressés étant en cause, le juge est tenu de déterminer l’assiette de la servitude de passage en faveur d’un fonds enclavé, la cour d’appel a violé le texte susvisé
 ».
Réponse de la Cour.
Lorsque les propriétaires intéressés sont parties à l’instance, le juge qui constate l’état d’enclave d’un fonds est légalement tenu de déterminer, conformément aux dispositions de l’article 683 du Code civil, l’assiette de la servitude de passage en faveur de ce fonds.
C’est par conséquent sans modifier l’objet du litige que la cour d’appel a fixé, selon le tracé n° 3 proposé par l’expert, l’assiette de la servitude de passage bénéficiant au fonds enclavé de Mmes [U] sur les parcelles appartenant au syndicat des copropriétaires et aux consorts [R], parties à l’instance ».

On notera que dans l’hypothèse où l’enclave proviendrait d’une division du fond qui a été opéré par un propriétaire originel, le passage ne peut être établi que sur les parcelles provenant du fonds divisé selon l’article 684 du Code civil. Ceci sauf l’exception prévue à l’alinéa deux du même article.

Que se passe-t-il en cas de disparition de l’enclave ?

Selon l’article 685-1 du Code civil :

« En cas de cessation de l’enclave et quelle que soit la manière dont l’assiette et le mode de la servitude ont été déterminés, le propriétaire du fonds servant peut, à tout moment, invoquer l’extinction de la servitude si la desserte du fonds dominant est assurée dans les conditions de l’article 682.
A défaut d’accord amiable, cette disparition est constatée par une décision de justice
 ».

Quel est le rôle de la possession et de la prescription en matière de droit de passage pour enclave ?

La prescription trentenaire permet d’acquérir l’assiette et l’exercice du droit de passage selon l’article 685 alinéa 1er du Code civil, à condition que l’état d’enclave soit lui-même caractérisé.

Le passage doit être unique, car deux passages à l’assiette différente caractérisent une possession équivoque qui exclut le prescription acquisitive :

« Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 7 juillet 2016), que deux actes, datant de 1964, ont, sur la parcelle cadastrée [...] appartenant à la SCI [...], conféré un droit de passage au bénéfice de la parcelle cadastrée [...] appartenant à Mme et MX.., par le plus court trajet et sur une largeur de cinq mètres pour au chemin "[...] " ; que Mme et MX.. ont attribué la SCI [...] en rétablissement de la servitude de passage ;
Attendu que, pour accepter cette demande, l’arrêt retient, par motifs adoptés, que l’existence de l’ancien tracé résultant de l’attestation de Mme A..., ancienne propriétaire de la parcelle [...] et du plan qui y est annexé et que, par application des dispositions de l’article 585 du Code civil, l’assiette et le mode de servitude résultant d’un usage antérieur ;
Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le plan annexé à l’attestation de Mme A..., qui faisait état de deux tracés de servitude, n’était pas impropre à caractériser une possession non équivoque de l’assiette de la servitude de passage, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision
 ».

Le droit de passage n’est pas éteint par la prescription, en cas d’absence d’usage parce que le droit existe tant qu’il y a enclave. En revanche, l’indemnité, qui est due au propriétaire du fonds servant peut s’éteindre par prescription.

Christophe Buffet, Avocat Avocat inscrit au Barreau d’Angers Droit immobilier et droit public SCP ACR Avocats Angers Nantes Paris http://www.bdidu.fr/ https://www.linkedin.com/in/christophe-buffet-avocat/ https://twitter.com/CBuffetAvocat