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Handicap et inclusion comme forces d’innovation, rencontre avec Maïder Lecomte Dufresne, Lauréate du Prix de l’innovation des Avocats 2023.
Parution : vendredi 23 février 2024
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Régulièrement depuis 2014, le Village de la Justice met en avant les capacités d’innovations des avocats en relation-client avec son prix dédié, le "Prix de l’innovation des avocats".
Nous vous proposons d’aller à la rencontre de l’avocate Maïder Lecomte Dufresne, lauréate de l’édition 2023 et qui a remporté le Prix du Public pour la création de l’Agence DYSruptive.
Son objectif : faire des spécificités des profils neuro-atypiques et des personnes en situation de handicap un moteur d’innovation, tirer parti de l’altérité et l’intégrer dans un processus disruptif de génération de valeur. L’agence accompagne donc les autres cabinets et entreprises sur la voie de la RSE, la soft and legal compliance, la relation stagiaires-collaborateurs, le handicap et l’inclusion, mais aussi sur le chemin de la qualité de vie au travail et la prévention des risques psychosociaux.


Cette interview est extraite du numéro 102 du Journal du Village de la Justice intitulé "Cybersécurité, Médiation & négociation, IA générative, Inclusion & handicap, Retraite des avocats...".

Journal du Village de la Justice : Vous avez pleinement intégré le sujet de l’inclusion dans votre pratique d’avocat. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours ?

Maïder Lecomte Dufresne : « Quand j’ai commencé il y a 18 ans, je m’ignorais neuro-atypique, mais on “venait me chercher” pour des gros dossiers politico-financiers, parce que j’avais une gestion différente, un travail en arborescence. Puis j’ai connu cinq ans d’invalidité durant lesquels j’ai découvert que j’avais un profil neuro-atypique. Je ne pensais plus pouvoir exercer. Je me suis alors formée à l’éducation thérapeutique en fac de médecine, à la démocratie en santé, sur les plaidoyers et les réseaux d’influence dans les systèmes de santé.

"Ce sont des pans entiers de l’économie qui échappent aux entreprises parce qu’elles refusent de diversifier le recrutement de leurs profils".

C’est lorsque l’un de mes confrères de l’Incubateur du Barreau de Paris a évoqué les activités connexes des avocats, que j’ai « ré-accroché ». J’ai donc repris mon activité en droit des affaires, puisque c’est mon cœur de métier, en l’adaptant aujourd’hui à ce qui peut être apporté aux entreprises en matière d’inclusion.
Vu la diversité et la richesse des talents en situation de handicap, ce sont des pans entiers de l’économie qui échappent aux entreprises parce qu’elles refusent de diversifier le recrutement de leurs profils. Je me suis dit qu’il y avait forcément des choses à apporter. (...) ».

Les profils neuro-atypiques sont de plus en plus recherchés et valorisés, dans les entreprises anglo-saxonnes notamment. Pourquoi n’est-ce pas le cas en France ?

"Dans les pays anglo-saxons, on ne regarde pas ce que vous ne pouvez pas faire, on cherche à comprendre ce que vous pouvez faire".

« C’est vrai. Dans les pays anglo-saxons, en Suisse également, on ne regarde pas ce que vous ne pouvez pas faire, on cherche à comprendre ce que vous pouvez faire. En France et dans d’autres pays d’ailleurs, on perçoit ces différences comme des pathologies qui altèrent la productivité. C’est souvent synonyme de misérabilisme. Dans ce paradigme, comment voulez-vous que cette altérité soit synonyme de talent ?
(...)
Ce qu’il faut, c’est avoir la capacité d’accueillir les personnes neuro-atypiques en ne cherchant pas à les faire entrer dans des carcans préétablis, imposés par les organisations. Il faut leur donner une mission avec carte blanche pour atteindre les objectifs, plutôt que de les faire entrer au forceps dans des processus construits pour les neurotypiques ».

Vous plaidez pour une mention de spécialisation en droit de l’inclusion et du handicap. Quel en serait l’intérêt ?

« En effet. Ce serait vraiment opportun, parce qu’aujourd’hui, il est indéniable que ce droit du handicap passe par le droit de l’entreprise. Aujourd’hui, il y a des lois sur le handicap, sur les discriminations, des dispositions dans le Code du travail, etc. De plus en plus d’obligations viennent s’imposer aux employeurs. Et les interrogations ne manquent pas ici, au-delà de la conformité légale au sens strict. Un exemple avec la base même du contrat d’entreprise (l’affectio societatis) : comment ça va se passer avec un associé neuro-atypique ou en situation de handicap ?
Sur le droit des affaires, des sociétés, du travail, etc., on peut venir enchâsser le droit du handicap et la responsabilité sociétale des entreprises. Aujourd’hui, on a un article 1833 du Code civil (dont personne ne se sert), qui dit, grosso modo, que l’entreprise doit s’adapter à son environnement et à sa spécificité d’activité. C’est maintenant ou jamais qu’il faut le faire !
L’article L4121-1 du Code du travail nous dit que l’employeur a une obligation de résultat quant à la préservation de la santé physique et psychique de ses salariés, y compris en posture actuelle ou future de handicap. On a une solide base légale pour la reconnaissance d’un droit du handicap.
(...)

"L’accompagnement sur l’inclusion et le handicap, c’est une mission qui peut être dévolue à l’avocat".

N’oublions pas que l’avocat a un rôle essentiel au sein de la société.
(...)
L’accompagnement sur l’inclusion et le handicap, qui sont des enjeux majeurs de l’évolution de notre société, c’est un rôle, une mission qui peut être dévolue à l’avocat. De là à y voir l’opportunité d’une mention de spécialisation ou du moins une branche d’activité spécialisée, il n’y a qu’un pas ! »

Interview à retrouver dans son intégralité aux pages 24 et 25 du JVJ n°102.

Interview de Maïder Lecomte Dufresne réalisée par la Rédaction du Journal du Village de la Justice.
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