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Clause résolutoire et délais de paiement : attention au respect rigoureux des délais accordés par le juge. Par Marguerite Schaetz, Avocate.
Parution : lundi 19 février 2024
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Un bail commercial peut-il être résilié pour défaut de paiement de la somme de 31 euros ?

Dans un arrêt du 26 octobre 2023 (n°22-16.216), la Cour de cassation a répondu Oui !

Vous trouverez ci-après une synthèse des fondements de cette décision, les points clés à retenir pour éviter ce type de situation et en bonus une application aux procédures collectives.

I. Résiliation d’un bail commercial pour non-respect des délais de paiement accordés par le juge.

A) Contexte de la décision de la Cour de cassation.

- Le bailleur de locaux commerciaux agit en référé contre son locataire en vue de l’acquisition de la clause résolutoire du bail pour défaut de paiement de loyers.

- Le juge des référés accorde des délais de paiement au locataire, à savoir le paiement de 20 031 euros en 24 mensualités, et suspend les effets de la clause résolutoire.

- Le locataire rembourse la somme totale de 20 000 euros sur 8 mois sans respecter les conditions d’échéancier définies dans l’ordonnance de référé (montants et dates d’échéances).

- Le bailleur demande l’expulsion du locataire pour non-respect de l’échéancier fixé dans l’ordonnance de référé, notamment sur le fondement du-non-paiement du solde de l’arriéré locatif s’élevant à 31 euros.

B) Fondements de la décision de la Cour de cassation.

La Cour de cassation juge, dans son arrêt du 26 octobre 2023, que la clause résolutoire du bail est définitivement acquise dès lors que les délais de paiement fixés dans l’ordonnance de référé passée en force de chose jugée n’ont pas été respectés.

En l’espèce, seulement 31 euros restés dus face à 20 000 euros déjà remboursés par le locataire.

La Cour de cassation estime que peu importe le montant minime restant dû par le locataire comparativement à l’importance de la dette initiale déjà remboursée, la clause résolutoire est acquise dès lors que le débiteur n’a pas respecté les échéances fixées judiciairement.

Aussi, la Cour juge que le non-respect des délais de paiement rend la clause résolutoire définitivement acquise sans que la mauvaise foi du bailleur à s’en prévaloir puisse y faire obstacle.

II. Que faut-il retenir de cette décision de la Cour de cassation ?

- Respect rigoureux des délais de paiement accordés par le juge.}

Le locataire doit impérativement veiller au respect des délais accordés par le juge, tant dans leurs montants (au centime près) que leurs dates (au jour près). À défaut, la clause résolutoire est acquise.

- La mauvaise foi du bailleur ne fait pas obstacle à l’acquisition de la clause résolutoire

Il est constant que pour mettre en œuvre la clause résolutoire le bailleur doit être de bonne foi sinon la clause ne produit pas ses effets.

Cet arrêt nous rappelle que le principe de bonne foi qui s’applique en matière contractuelle n’a pas d’équivalence en matière de décisions de justice.

Il ne faut donc pas confondre mise en œuvre d’une décision de justice et d’une clause résolutoire.

III. Pour aller plus loin : l’interdiction de la résiliation du bail en cas de procédure collective.

L’ouverture d’une procédure collective, suspend ou interdit les actions en résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une créance antérieure au jugement d’ouverture.

L’action du bailleur tendant à la constatation de la résiliation du bail sur le fondement d’une clause résolutoire est donc proscrite après l’ouverture d’une procédure collective.

Cette action est suspendue si elle est en cours d’instance au moment de l’ouverture de la procédure collective, uniquement si la clause résolutoire n’est pas définitivement acquise par l’effet d’une décision de justice ayant autorité de la chose jugée.

En conséquence, une entreprise qui se trouve en procédure collective ne pourra pas se voir imposer la résiliation du bail sur le fondement de l’acquisition de la clause résolutoire si cette dernière n’est pas définitivement acquise.

L’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire est donc un outil juridique très efficace pour éviter la résiliation imminente d’un bail en cas de difficulté du débiteur.

Marguerite Schaetz Avocate à la Cour Barreau de Paris [->mschaetz@edma-avocat.com] www.edma-avocat.com