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Indemnisation des délais excessifs de justice : combien pouvez-vous obtenir en réparation ? Par Frédéric Chhum, Avocat et Mathilde Fruton Letard, Elève-Avocate.
Parution : mardi 13 février 2024
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Tout justiciable qui a subi des délais excessifs avant d’obtenir une décision de justice est en droit de se faire indemniser par l’État.

1) Quel fondement ?

L’article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme prévoit que :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un Tribunal Indépendant et impartial ».

L’exigence ainsi posée d’un « délai raisonnable » est particulièrement impérieuse en matière de conflits du travail, ainsi que la Cour Européenne des Droits de l’Homme a eu l’occasion de l’indiquer à plusieurs reprises.

L’article L141-1 du Code de l’organisation judiciaire dispose :

« L’Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice ».

Il faut entendre par déni de justice non seulement le refus de répondre aux requêtes ou le fait de négliger de juger les affaires en état de l’être, mais aussi plus largement tout manquement de l’État à son devoir de protection juridictionnelle de l’individu qui comprend le droit pour tout justiciable de voir statuer sur ses prétentions dans un délai raisonnable [1].

La Cour de cassation a notamment précisé qu’une durée de procédure anormalement longue est constitutive d’un déni de justice [2].

À ce titre, lorsqu’un justiciable a subi des délais anormalement longs avant d’obtenir une décision de justice, il a le droit de se faire indemniser pour son préjudice.

La première chambre du Tribunal judiciaire de Paris a communiqué sa jurisprudence en matière de délais excessifs en matière sociale.

2) La jurisprudence de Tribunal judiciaire de Paris en matière d’indemnisation des retards de justice en droit du travail.

Elle considère qu’est estimé raisonnable le délai entre les étapes suivantes :

Devant le conseil de prud’hommes (CPH) :

En cas de radiation : délai entre la demande de réinscription et l’audience : 6 mois.

Pour chaque renvoi, 6 mois apparaît raisonnable (devant le CPH ou la cour d’appel).

Devant la cour d’appel :

Devant la Cour de cassation : 18 mois en tout.

Lorsque un ou plusieurs délais sont dépassés, le tribunal judiciaire additionne le temps total de dépassement et alloue environ 200 euros par mois de retard à titre de préjudice moral.

3) Exemple.

Par exemple, pour 50 mois de retard, le tribunal judiciaire peut allouer 10 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi par le justiciable.

En outre, il est également possible de se faire indemniser un préjudice financier lorsqu’il est démontré (perte de revenus, période de chômage importante, situation précaire, difficultés de paiement, …).

Ainsi, tout justiciable qui a subi des délais déraisonnables lors d’une procédure, a un intérêt à engager une action en responsabilité contre l’État pour obtenir l’indemnisation de son préjudice.

4) Quelle prescription ?

Cette action en responsabilité peut être engagée dans les 4 ans à compter du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle a été rendue la décision de justice finale de la procédure.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) Mathilde Fruton Letard élève avocate EFB Paris Chhum Avocats (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum

[1TGI Paris 6 juillet 1994, JCP 1994 I.3805, n°2.

[2Cass. Civ. 1ère, 14 mai 2014, n° 13-11.437.

[3Notamment article L1451-1 du Code du travail.