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Première analyse de la loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants. Par Zakaria Garno, Professeur.
Parution : mardi 20 février 2024
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Voici une première approche de la loi numéro 2024-120 du 19 février 2024 [1] visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants.

Introduction.

La proposition de loi (adoptée par l’Assemblée nationale le 6 février 2024) visait à renforcer la protection du droit à l’image des enfants, particulièrement face aux comportements de certains parents exposant leurs enfants sans retenue sur les réseaux sociaux. Cette évolution législative répond aux préoccupations croissantes liées à l’exposition médiatique des enfants, notamment sur les plateformes en ligne.

Cette analyse juridique examinera ainsi les principales dispositions de la loi n° 2024-120, promulguée le 19 février 2024 qui marque une étape significative dans la protection du droit à l’image des enfants en France, les obligations qu’elle impose aux parents, ainsi que les droits accordés aux enfants, dans un contexte où la diffusion excessive d’images d’enfants sur les réseaux sociaux présente des risques significatifs pour leur vie privée.

Elle approfondira les dispositions clés de cette loi, examinant de près les modifications apportées au code civil et à la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Ce faisant, elle mettra en lumière les implications juridiques de cette avancée législative pour la protection des droits des enfants dans le contexte numérique contemporain.

1. Notion de "Vie privée" pour un enfant.

La loi n° 2024-120 introduit une modification importante à l’article 371-1 du Code civil, reconnaissant explicitement le droit à la vie privée de l’enfant. L’article 1 de la loi n° 2024-120 consacre en effet le respect de la vie privée de l’enfant en l’incluant parmi les obligations des parents. Cette inclusion souligne la nécessité de préserver la sphère personnelle de l’enfant, ajoutant une couche de protection légale contre toute atteinte à sa vie privée. Cette modification élargit le champ de protection de la vie privée de l’enfant, intégrant cette dimension parmi les obligations des parents. Ainsi, la vie privée de l’enfant est désormais un élément essentiel qui doit être préservé dans le cadre de l’autorité parentale.

Englobant le droit à l’image.

L’extension de la protection de la vie privée pour inclure le droit à l’image reflète une reconnaissance de la valeur de l’image de l’enfant en tant qu’élément essentiel de sa vie privée. Désormais, la vie privée de l’enfant englobe non seulement la confidentialité des informations personnelles mais aussi la représentation visuelle de l’enfant.

Protection contre une exposition excessive ou inappropriée.

La définition de la vie privée comme incluant le droit à l’image souligne l’objectif de prévenir toute exposition excessive ou inappropriée de la vie personnelle de l’enfant. Cette approche proactive vise à contrer les risques potentiels liés à la diffusion non autorisée d’images d’enfants.

Équilibre avec l’autorité parentale.

En intégrant la protection de la vie privée et du droit à l’image dans le cadre de l’autorité parentale, la loi établit un équilibre entre les droits de l’enfant et les responsabilités parentales. Les parents sont désormais légalement tenus de respecter et de garantir la vie privée de leur enfant, tout en continuant d’exercer leur autorité parentale de manière éducatrice.

2. Notion de "Droit à l’image".

La loi n° 2024-120 rétablit l’article 372-1 du code civil, spécifiant que le droit à l’image de l’enfant est exercé en commun par les deux parents (Article 2). Cette disposition souligne la nécessité d’un consensus parental lorsqu’il s’agit de décisions relatives à l’utilisation et à la diffusion des images de l’enfant.

Exercice commun par les deux parents.

L’article 2 précise que le droit à l’image de l’enfant est exercé en commun par les deux parents. Cette approche renforce la responsabilité partagée des parents dans la protection du droit à l’image de l’enfant, soulignant l’importance d’une prise de décision concertée.

Définition du droit à l’image.

La définition du droit à l’image (Article 2) met en avant le contrôle exercé par les parents sur l’utilisation et la diffusion de l’image de l’enfant. Les parents ont le pouvoir et la responsabilité de décider comment l’image de leur enfant est utilisée, créant ainsi un mécanisme clair de protection contre toute utilisation non autorisée ou inappropriée.

3. Protection plus importante pour l’enfant que pour un adulte.

La loi n° 2024-120 distingue clairement la protection accordée aux droits des enfants en matière de vie privée et de droit à l’image, soulignant une approche renforcée par rapport à celle des adultes.

Intégration dans le cadre de l’autorité parentale.

L’intégration de la protection de la vie privée et du droit à l’image dans le cadre de l’autorité parentale indique clairement que la protection accordée aux droits des enfants diffère de celle accordée aux adultes. La vie privée et le droit à l’image des enfants sont considérés comme des éléments spécifiques nécessitant une approche distincte et renforcée.

Reconnaissance de la vulnérabilité des enfants.

La loi n° 2024-120 souligne explicitement la vulnérabilité particulière des enfants face à une exposition médiatique préjudiciable. Cette reconnaissance renforce l’idée que les droits des enfants nécessitent une protection spécifique, prenant en compte leur développement émotionnel, psychologique et social.

Protection proactive contre les risques numériques.

En anticipant et en atténuant les risques liés à la diffusion excessive d’images d’enfants sur les réseaux sociaux, la loi adopte une approche proactive. Cela démontre une prise de conscience de la nécessité de protéger les enfants dans le monde numérique en évolution constante, où ils peuvent être plus vulnérables.

Contraste avec les droits des adultes.

En affirmant explicitement que la protection des droits des enfants est distincte et renforcée par rapport à celle des adultes, la loi établit un contraste clair. Les enfants sont reconnus comme nécessitant une protection particulière en raison de leur âge, de leur développement et de leur dépendance, justifiant ainsi une application plus stricte des règles et des sanctions en cas de non-respect de leurs droits.

4. Conséquences juridiques du non-respect des obligations pour les parents.

La loi n° 2024-120 prévoit des conséquences juridiques spécifiques en cas de non-respect des obligations liées à la vie privée et au droit à l’image des enfants.

Intervention du JAF (Article 3).

En cas de désaccord entre les parents sur la diffusion d’images de l’enfant, la loi confère au Juge aux Affaires Familiales (JAF) un rôle essentiel. Cette intervention judiciaire vise à résoudre les conflits en prenant en considération les intérêts de l’enfant. Le JAF peut interdire à l’un des parents de publier ou diffuser du contenu visuel de l’enfant sans l’autorisation préalable de l’autre parent. Cette mesure assure un mécanisme de résolution des conflits entre les parents, tout en protégeant la vie privée et le droit à l’image de l’enfant de manière équilibrée.

Délégation forcée (Article 4).

L’article 4 introduit la possibilité d’une délégation forcée de l’exercice du droit à l’image en cas de grave atteinte à la dignité de l’enfant. Cette mesure représente une réponse légale forte face à des situations exceptionnelles où la diffusion d’images pourrait avoir des conséquences graves sur le bien-être et la réputation de l’enfant. La délégation forcée peut signifier que le parent responsable de l’atteinte à la dignité perd temporairement le droit de décider de l’utilisation de l’image de l’enfant, laissant cette responsabilité à l’autre parent ou à une tierce partie désignée par le JAF.

Action de la CNIL.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) intervient en référé en cas d’atteinte aux droits des mineurs en matière de données à caractère personnel (Article 5). Cette disposition souligne la prise en compte de l’aspect numérique et de la protection des données dans le contexte des droits de l’enfant. L’intervention de la CNIL garantit une surveillance externe et indépendante, renforçant ainsi l’efficacité des mécanismes de protection prévus par la loi.

5. Procédure pour l’enfant en cas de non-respect de ses droits.

La loi no 2024-120 adopte une approche inclusive en n’imposant pas d’âge requis pour que l’enfant puisse engager une procédure en cas de non-respect de ses droits (Article 5).

Conditions.

L’enfant pourrait engager une procédure dans certaines conditions spécifiques. Le désaccord entre les parents ou la diffusion portant atteinte à sa dignité sont explicitement mentionnés comme motifs légitimes pour engager une procédure, renforçant la volonté de la loi de protéger l’enfant contre des situations potentiellement préjudiciables. Cette flexibilité dans les conditions permet à l’enfant d’avoir un recours juridique, notamment dans des circonstances où son bien-être est directement menacé.

Instance compétente.

Bien que la procédure ne soit pas explicitement détaillée, la référence au Juge aux Affaires Familiales (JAF) et à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) indique que ces instances pourraient être compétentes pour traiter les affaires impliquant des enfants. Le JAF, en tant qu’autorité spécialisée dans les questions familiales, est bien placé pour évaluer les situations complexes liées à la vie privée et au droit à l’image des enfants. L’inclusion de la CNIL suggère que, dans le contexte spécifique des données à caractère personnel, l’enfant pourrait également solliciter l’intervention de cette instance.

Protection des droits de l’enfant.

L’inclusion de l’enfant dans le processus judiciaire en tant qu’acteur potentiel renforce sa position en tant que sujet de droits. En lui offrant la possibilité d’engager une procédure, la loi reconnaît le rôle actif que l’enfant peut jouer dans la protection de ses propres droits. Cela reflète une évolution vers une approche plus participative, où les enfants ne sont pas simplement des bénéficiaires passifs de protection, mais des individus capables de faire valoir leurs droits.

Accompagnement adapté.

Bien que la procédure ne soit pas spécifiquement détaillée, il serait important que toute démarche entreprise par un enfant soit accompagnée d’un soutien adapté, éventuellement par des professionnels de la protection de l’enfance. Cela garantirait que l’enfant puisse exprimer ses préoccupations de manière informée et sécurisée, en tenant compte de son niveau de compréhension et de sa capacité à participer activement à la procédure.

Conclusion.

En conclusion, l’adoption de la loi n°2024-120 représente une avancée significative dans la protection des droits des enfants face à l’exposition médiatique, en équilibrant les responsabilités parentales avec la nécessité de préserver la vie privée et le droit à l’image des enfants dans un monde numérique en évolution constante. Cette démarche reflète une prise de conscience croissante de la nécessité d’adapter la législation pour répondre aux défis contemporains tout en plaçant les droits des enfants au cœur de cette évolution juridique.

Dr. Zakaria GARNO Professeur à l’Institut Euromed des Sciences Politiques et Juridiques University Euromed of FES / Legal Tech

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