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Cadres : pouvez-vous enregistrer votre employeur à son insu ? Par Avi Bitton, Avocat et Amira Sadok, Juriste.
Parution : lundi 5 février 2024
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Le cadre victime de harcèlement ou faisant l’objet d’un licenciement abusif peut-il enregistrer son employeur à son insu ?
Cette preuve est-elle recevable en justice ?

« Ce qui n’est pas prouvé n’est pas ».

Quelle preuve le cadre peut-il utiliser pour prouver les manquements de son entreprise ?

L’enregistrement de l’employeur est-il recevable en justice ?

1) Le principe : la liberté de la preuve.

Le principe est la liberté de la preuve : la loi n’impose pas aux parties de présenter un certain mode de preuve (écrit, ...).

Le salarié peut donc présenter tout type de preuve : sms, courriels, attestations, ....

2) La limite : la loyauté de la preuve.

Toutefois, la preuve doit être loyale pour être recevable.

Ainsi, certaines preuves illicites ou déloyales étaient traditionnellement écartées des débats par le juge, notamment les preuves obtenues par un procédé clandestin ou par un stratagème, tel un enregistrement à l’insu de l’employeur.

Néanmoins, la jurisprudence a récemment évolué et admet désormais des preuves illicites ou déloyales, dans certains cas, afin de tenir compte des difficultés par les salariés pour recueillir des preuves.

3) La preuve déloyale est admise si elle n’est pas disproportionnée.

Récemment, la Cour de cassation a considéré que l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraine pas nécessairement son rejet des débats.

En effet, le juge doit apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble en mettant en balance le droit au respect de la vie privée et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle, à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi [1].

Ainsi, l’enregistrement clandestin d’un employeur (ou ses représentants : DRH, supérieur hiérarchique,...) par un salarié peut être recevable si le salarié établit qu’il n’avait pas d’autres moyens de prouver les faits dénoncés (harcèlement moral ou sexuel, ...).

En pratique, il est recommandé aux salariés de consulter un avocat en droit du travail avant de réaliser des enregistrements clandestins, et a fortiori de les communiquer.

Avi Bitton, Avocat au Barreau de Paris, et Amira Sadok, Juriste Courriel: [->avocat@avibitton.com] Site: [->https://www.avibitton.com]

[1Cass. Soc., 10 nov 2021, n°20-12.263.