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La médiation familiale en assistance éducative : nouvelle mesure pour les parents en conflit. Par Francine Summa, Avocate.
Parution : vendredi 2 février 2024
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La loi n°2022-140 du 7 février 2022 sur la protection de l’enfance a introduit la médiation familiale parmi les mesures mises à la disposition du juge des enfants si le conflit provient de leur mésentente. Les conditions de mise en application ont été précisées par le décret du Conseil d’Etat n°2023-914 du 2 octobre 2023 (1).

Cette mesure introduit le Juge aux affaires familiales (JAF) dans la procédure de protection judiciaire pouvant permettre de créer une symbiose positive dans la résolution du conflit par le processus de médiation où le médiateur pourra entendre l’enfant capable de discernement avec l’accord des parents (2).

Le Juge aux affaires familiales pourra homologuer un accord qui devra être rédigé par les Avocats conformément à la loi (3).

La médiation familiale dans la protection judiciaire va ainsi permettre de donner une chance supplémentaire aux parents de reprendre un retour à une vie familiale normalisée, après un parcours judiciaire pas toujours bien vécu, mais pourtant nécessaire et ce, dans l’intérêt de l’enfant.

1- Placer l’enfant au centre du débat.

« La protection de l’enfance vise à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant, à soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa sécurité, sa moralité et son éducation dans le respect de ses droits ».

Elle comprend :

Un conseil national de la protection de l’enfance a été créé en 2016 auprès du Premier Ministre afin d’assurer une coordination sur le plan national.

Un pacte pour l’enfance 2020-2022, a été suivi d’un plan contre les violences faites aux enfants 2023-2027.

La Direction de la protection judiciaire de la jeunesse est chargée du volet judiciaire.

Dans son rapport de 2020, le défenseur des droits a constaté l’absence de l’enfant dans les enquêtes le concernant et a demandé à ce qu’il soit tenu compte de son droit à la parole pour les questions le concernant.

La loi °2022-140 du 7 février 2022 a ainsi introduit la médiation familiale dans la procédure de protection de l’enfance, article 14 :

« lorsque le juge des enfants ordonne une mesure d’assistance éducative en application des articles 375-2 à 375-4, il peut proposer aux parents une mesure de médiation familiale, sauf si des violences sur l’autre parent ou sur l’enfant sont alléguées par l’un des parents ou sauf emprise manifeste de l’un des parents sur l’autre parent, et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder, dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat ».

Le décret du Conseil d’Etat n° 2023-914 du 2 octobre 2023 portant diverses dispositions en matière d’assistance éducative a créé l’article 1189-1 du Code de procédure civile :

« La médiation familiale ordonnée par le juge des enfants en application de l’article 375-4-1 du Code civil a pour objet d’aider les parents à mettre fin à leur conflit concourant à la situation de danger pour l’enfant.
Le médiateur familial désigné par le juge doit être titulaire du diplôme d’Etat mentionné à l’article R451-66 du Code de l’action sociale et des familles ou, à défaut, justifier d’une formation à la pratique de la médiation relative au conflit parental emportant danger pour l’enfant.
Pour les besoins de la médiation, il peut, en accord avec les parents, entendre l’enfant qui y consent, sous réserve du respect de l’intérêt de celui-ci.
Par dérogation à l’article 131-12, l’accord issu de la médiation peut être homologué par le juge aux affaires familiales saisi par les parents en application de l’article 373-2-7 du Code civil
 ».

2- Les conditions de mise en œuvre de la médiation familiale.

Les conditions sont les mêmes qu’en procédure civile familiale : l’article 1189-1 du Code de procédure civile renvoie aux dispositions de la médiation familiale, avec la possibilité pour le juge de désigner une personne qualifiée non obligatoirement titulaire du diplôme d’Etat de médiation familiale. Il y a sans doute des personnes compétentes, psychologues, praticiennes de la protection judiciaire de l’enfance.

Attention toutefois à sortir de la protection judiciaire et de rentrer dans la médiation familiale, posture différente.

La faculté d’entendre l’enfant - avec l’accord des parents - montre l’importance donnée à l’enfant qui devrait pouvoir exprimer ses attentes devant ses parents.

Le cadre de la médiation, libre et confidentiel, avec l’écoute du médiateur devrait être une aide pour un enfant, enfoui sous les expertises psychologiques et administratives qui étouffent un petit garçon ou une petite fille séparés de ses parents, même si la séparation a été ordonnée pour le protéger, en cas de violences notamment.

Le processus de médiation pourra se dérouler jusqu’à l’obtention d’un accord qui sera homologué par le JAF.

3 - Le retour à un cours normal de la Justice civile familiale.

Il faut saluer l’incitation du législateur à faire sortir la famille de la Justice de la protection de l’enfance axée sur la séparation de l’enfant victime de son milieu familial dangereux pour sa santé et sa sécurité.

Si hélas, les situations sont souvent extrêmes et ne ressortent pas de la Justice familiale civile, en considération de l’augmentation des violences faites aux enfants dont beaucoup dans le cadre intra-familial, il arrive aussi qu’à l’occasion des séparations des couples qui se passent mal, le juge des enfants soit saisi.

Une fois la procédure de divorce avancée, les mesures provisoires faites - résidences séparées -, la vie reprend un cours régularisé qui permet de trouver des accords entre les parents pour les enfants.

La médiation familiale peut être ce pont vers un nouveau départ pour chacun.

Francine Summa, Avocate au barreau de Paris