Village de la Justice www.village-justice.com

Guide juridique de la cession d’officine de pharmacie. Par Emmanuel Boukris, Avocat.
Parution : jeudi 1er février 2024
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/guide-juridique-cession-officine-pharmacie,48672.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Ce guide a vocation à donner les grandes lignes d’une cession de fonds de commerce d’officine de pharmacie. Les éléments donnés le sont à titre indicatifs. Il est indispensable de se faire accompagner d’un professionnel du droit dans ces étapes.

1. Définition et composition du fonds de commerce d’officine de pharmacie.

Le fonds de commerce d’officine de pharmacie est l’appellation juridique d’une pharmacie.

Le fonds repose sur la clientèle que vous avez développée depuis votre installation, et sur l’ensemble des éléments nécessaires à l’exercice de votre activité de pharmacien.

Il est composé de deux types d’éléments :

2. Les négociations - la lettre d’intention.

Les parties vont d’abord se mettre d’accord sur les modalités de vente qu’ils peuvent matérialiser au sein d’une lettre d’intention. Celle-ci est facultative.

Exclusivité : il s’agit ici de s’assurer que les parties s’interdisent de signer tout accord ou de poursuivre toute discussion ou négociation avec des tiers pendant une période déterminée.

Prix de cession : le prix est convenu entre les parties. Afin de satisfaire à l’article L141-5 du Code de commerce, les parties doivent ventiler le prix de cession, c’est-à-dire indiquer quel est le prix des éléments incorporels d’une part, et quel est le prix des éléments corporels d’autre part.

Éléments cédés :

Clause de non-rétablissement/non concurrence du vendeur : il peut être judicieux, afin d’empêcher au vendeur de faire concurrence à l’acquéreur, de prévoir une clause de non-rétablissement et de non-concurrence dans un secteur déterminé et pour une durée déterminée.

Reprise du personnel : dans les entreprises de moins de 250 salariés, il est obligatoire pour l’acquéreur de reprendre le personnel employé à la date de cession. Il est possible pour les parties de convenir du contraire à charge pour le vendeur de faire son affaire personnelle de la rupture des contrats de travail de ses salariés avant la vente de l’officine, et de s’occuper des conséquences de cette rupture une fois celle-ci vendue.

3. La signature d’une promesse de cession sous conditions suspensives conventionnelles - dit acte 1.

Une fois les parties mises d’accord sur les modalités de vente de l’officine de pharmacie, elles vont conclure une promesse de cession sous conditions suspensives conventionnelles.

La promesse a trois objectifs. D’abord, conclure un acte juridiquement contraignant qui liera les parties. Ensuite, immobiliser l’officine au profit l’acheteur afin de lui en garantir l’exclusivité pendant une certaine période. Une indemnité d’immobilisation est généralement convenue en contrepartie de cette immobilisation. Enfin, permettre aux parties de lever les conditions suspensives de vente habituelles permettant la signature de l’acte de cession définitif.

Les conditions suspensives sont d’usage.

Notification du bailleur/obtention de son accord.

L’accord du propriétaire des locaux exploitant l’officine peut être obligatoire. En tout état de cause, le propriétaire doit être notifié du projet de cession. Les modalités de l’intervention du bailleur sont prévues au contrat de bail à l’article « cession ». Le plus souvent, il prévoit : la demande d’autorisation de cession de droit au bail par écrit ; la communication de la promesse de cession et de l’acte de cession en original ; le sort du dépôt de garantie ; l’obligation pour le vendeur de rester garant du paiement des loyers par l’acquéreur pendant, soit toute la durée du bail, soit une période de 3 ans à compter de la cession.

Purge du droit de préemption de la mairie.

Il est nécessaire d’obtenir la position écrite de la mairie concernant son droit de préemption du local exploité. À Paris, il n’y a pas de préemption de fonds de commerce par la mairie.

Obtention des autorisations administratives.

Dans l’hypothèse où des travaux pourraient être effectués, ou en l’absence d’autorisation ERP, etc. il peut être nécessaire d’obtenir les autorisations administratives préalables.

Obtention du prêt bancaire.

L’acquéreur du fonds peut avoir besoin de fonds afin de financer son acquisition. Un prêt bancaire est alors nécessaire. La promesse de cession fixe les modalités de ce prêt : montant, taux, durée. C’est sur la base de la promesse de cession que l’établissement bancaire accordera ou non son concours.

Purge des inscriptions et privilèges grevant le fonds de commerce.

Le plus souvent, lors de la création ou de la reprise de l’officine, les banques soutenant le projet souhaitent garantir leur financement par une inscription, généralement des nantissements de premier rang. L’officine est donc grevée d’inscriptions et privilèges à l’égard de créanciers du vendeur. Il est fondamental dans l’intérêt de l’acquéreur de purger ces inscriptions et privilèges et de désintéresser les créanciers inscrits. Cette purge peut intervenir soit par le paiement direct du vendeur aux créanciers inscrits avec ses deniers personnels, soit avec le prix de cession.

Enregistrement de la déclaration d’exploitation/autorisation du Conseil de l’Ordre des pharmaciens.

Il s’agit pour l’acquéreur de l’officine d’obtenir son inscription à la section A de l’Ordre des Pharmaciens. Cette inscription se fait soit par l’obtention d’une licence d’exploitation en cas de création d’officine, soit par l’enregistrement d’une déclaration d’exploitation, conformément à l’article L5125-9 du Code de la Santé Publique.

4. La signature de l’acte de cession réitératif sous seule condition suspensive réglementaire - dit acte 2.

Une fois l’ensemble des conditions suspensives conventionnelles réalisées, les parties signent l’acte réitératif constatant la réalisation des conditions suspensives conventionnelles et soumis à l’unique condition suspensive réglementaire d’obtention de l’agrément du Conseil de l’Ordre.

C’est cet acte qui est transmis au Conseil de l’Ordre afin d’obtenir son agrément.

5. Le dépôt du dossier devant le conseil de l’ordre.

À Paris, la réunion d’examen des demandes d’inscription en section A devant le Conseil de l’Ordre se tient une fois par mois. Il est nécessaire de déposer son dossier complet au plus tard deux mois avant cette date de réunion.

Les éléments exigés sont donnés par le Conseil de l’Ordre. Ils sont reproduits ici à titre indicatif.

Le dossier comporte quatre fichiers :

6. La signature de l’acte de cession définitif - dit acte 3.

Une fois l’agrément du Conseil de l’Ordre obtenu, les parties peuvent conclure l’acte définitif de cession.

Paiement du prix de vente.

Aux termes de l’acte définitif, l’acheteur paiera le prix de vente, et le vendeur livrera la chose vendue. Dans la mesure où le vendeur peut être débiteur de sommes vis-à-vis de créanciers, il est recommandé aux parties de confier la mission de séquestre à l’avocat rédacteur afin qu’il s’occupe du règlement des créanciers avec le prix de vente. Le prix de vente est séquestré durant la période d’opposition au paiement du prix (en moyenne 3 à 5 mois à compter de la vente définitive).

Obligations des parties.

L’acte définitif rappelle les différentes charges, conditions et obligations des parties à la vente de l’officine.

Par exemple, il appartient à l’acheteur de prendre en l’état le fonds, d’exécuter en lieu et place du vendeur le bail commercial, de s’acquitter des impôts contributions et taxes auxquels l’exploitation du fonds peut donner lieu etc. Pareillement, le vendeur s’oblige à libérer les fonds, résilier les contrats en cours, etc.

Données comptables.

Le vendeur met à la disposition de l’acheteur les derniers bilans de la société ainsi qu’un relevé des chiffres d’affaires mensuels pour l’année en cours.

7. Les formalités post acquisition.

Enregistrement de la vente.

Il est obligatoire de déclarer la vente auprès de l’administration fiscale et de s’acquitter des droits d’enregistrement. Ils sont de 3% du prix de vente du fonds pour la fraction du prix comprise entre 23 000 et 200 000 euros et de 5% pour la fraction du prix supérieure à 200 000 euros. Il incombe à l’acheteur de régler ces droits.

Publication de la vente.

Il appartient aux parties de publier la vente dans un JAL (journal d’annonces légales) et au BODACC (greffe du tribunal de commerce compétent).

Règlement des créanciers.

Une fois la vente publiée, les créanciers inscrits sur le fonds ou l’administration fiscale auront connaissance de la vente et solliciteront le règlement de leur créance. Il appartiendra alors au séquestre d’en régler les montants.

Emmanuel Boukris, Avocat Barreau de Paris www.emmanuelboukris.com