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Focus sur le mandataire judiciaire à la protection des majeurs.
Parution : mardi 6 février 2024
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Le décret n°2023-1379 du 28 décembre 2023, relatif aux conditions d’exercice des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, vient apporter des modifications significatives aux conditions d’accès à la profession.
Désormais, le Certificat national de compétence, autrefois requis, est remplacé par l’obtention d’une licence professionnelle délivrée par les universités à compter de 2025.

Subséquemment, ce décret vient abaisser la condition d’âge pour l’exercice de l’activité de délégué mandataire judiciaire à la protection des majeurs à 18 ans. Ces changements s’inscrivent notamment dans une démarche de professionnalisation accrue de cette activité.

Par conséquent, il convient de présenter le métier de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, en évoquant ses missions, son champ d’action, mais aussi les conditions d’exercice de cette profession et les lois qui la régissent, sans omettre les apports du décret du 28 décembre 2023.

1) La présentation de la fonction de MJPM.

La fonction de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, dit MJPM, fut instituée pour la première fois par la loi du 5 mars 2007 [1] portant réforme de la protection juridique des majeurs. Le MJPM est un professionnel assermenté chargé du suivi de personnes majeures sous mesures de protection judiciaire, également appelée majeur protégé, que le juge des tutelles leur confie dans le cadre d’un mandat judiciaire. Ces mesures de protection judiciaire étant, de la plus contraignante à la plus souple, la tutelle [2], la curatelle [3], la sauvegarde de justice [4], le mandat de protection future [5] et les mesures d’accompagnement judiciaire.

2) Les missions incombant aux MJPM et leurs champs d’action.

Les MJPM ont pour rôle d’exercer les mesures de protection des majeurs qui leur sont confiées par différents acteurs. Ces derniers peuvent être le juge des tutelles, en ce qui concerne les mesures de protection susmentionnées [6] ou la réalisation de l’inventaire des biens du majeur protégé [7]. Le conseil de famille lorsqu’il est désigné [8]. Le majeur dans le cadre du mandat de protection future [9]. Enfin, lors d’un conflit d’intérêt entre la personne protégée et la personne chargée de la mesure de protection, l’intervention des MJPM peut être sollicitée par soit le conseil de famille ou le juge des tutelles [10].

Le MJPM intervient sur décision du juge des tutelles lorsque la mesure ne peut être confiée à un membre de la famille ou un proche du majeur vulnérable, il est donc investi d’une pluralité de missions [11]. Il est chargé de garantir la protection des personnes, de défendre leurs droits, mais également de pourvoir à leurs intérêts, et d’assurer l’administration des ressources et biens de ces derniers.

Cela inclut un suivi administratif, patrimonial, et financier, notamment à travers la gestion des ressources, des revenus et du budget de la personne. De plus, le MJPM doit rendre compte de l’exercice effectif des mesures à l’autorité judiciaire. Enfin, il doit accompagner, conseiller, et informer le majeur protégé en tenant compte du degré d’altération de ses facultés.

Concernant le champ d’action du MJPM, celui-ci varie selon la nature de la mesure de protection du majeur en question. En effet, lorsqu’il s’agit d’une curatelle, le MJPM doit apporter une assistance au majeur protégé, tandis que dans le cadre d’une tutelle, il doit activement le représenter. Pour ce qui est de la mesure d’accompagnement judiciaire, le MJPM doit aider le majeur à retrouver une certaine autonomie de vie. En ce qui concerne le mandat de sauvegarde, le MJPM est simplement chargé d’effectuer certains actes déterminés par le juge.

3) Les différents modes d’exercice des MJPM et leurs responsabilités propres.

Le MJPM peut être une personne morale (association tutélaire ou un établissement d’hébergement) ou une personne physique, dans la plupart des cas, c’est la personne physique qui va incarner la personne morale.

Dès lors, dans le cas d’une personne physique, le MJPM peut exercer sous différents statuts, celui-ci peut exercer en milieu ouvert à titre individuel en tant que professionnel individuel [12] ou à titre de salarié d’un service mandataire associatif relatif à la protection des majeurs [13], mais peut également exercer en établissement hospitalier, social ou médico-social [14].

Le cumul de plusieurs modes d’exercice de l’activité de MJPM est autorisé dans deux cas distincts [15].

1) Une personne physique peut être déléguée d’un service mandataire ou préposée d’un établissement tout en exerçant à titre individuel en tant que mandataire judiciaire [16].

2) Une personne physique peut être déléguée d’un service mandataire et préposée d’un établissement simultanément, à condition de travailler à temps partiel pour chaque activité. Le temps total consacré aux deux activités ne doit pas dépasser un temps complet de travail, et elle doit informer chaque employeur de ce cumul d’activités [17].

Cependant en cas de préjudice entraînant un dommage pour la personne protégée, le MJPM peut être considéré responsable des fautes qu’il a commises dans l’exercice de ses fonctions. Ainsi, pour couvrir cela, les MJPM ont l’obligation de contracter une assurance en responsabilité civile [18].

À défaut, dans le cadre d’une action en responsabilité, celle-ci peut être dirigée contre le Mandataire [19] ou contre l’Etat [20] durant 5 ans à compter de la fin de la mesure de protection [21].

4) Les conditions d’accès à la fonction de MJPM.

Pour devenir MJPM, une multitude de conditions doivent être réunies dont certaines d’entre elles ont été récemment modifiées par le décret n°2023-1379 du 28 décembre 2023, relatif aux conditions d’exercice des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.

Selon le présent décret, pour exercer des mesures de protection des majeurs au titre du mandat spécial (dans le cadre d’une sauvegarde de justice, d’une curatelle ou d’une tutelle), il est désormais nécessaire d’acquérir l’obtention d’une licence professionnelle mention « activités juridiques : MJPM » délivrée par les universités à compter de septembre 2025 [22].

Concernant les mesures d’accompagnement judiciaire, une formation complémentaire valide attestant des compétences nécessaires à l’exercice de ces mesures est requise [23]. L’accès à cette formation est ouvert :

La durée et le contenu de la formation varient en fonction des qualifications et de l’expérience des individus concernés.

Par ailleurs, le décret précise que les personnes titulaires, au 1ᵉʳ janvier 2028, du Certificat National de Compétences (CNC) mention MJPM pourront continuer à exercer leurs fonctions au-delà de cette date, puisque l’actuel CNC sera délivré jusqu’à la fin de l’année 2027 [24].

De plus, le postulant doit présenter un casier judiciaire vierge et fournir plusieurs documents [25], mais également s’inscrire sur une liste de candidats, puis obtenir l’agrément du préfet et du procureur de la République pour être nommé et intégrer la liste des MJPM.

En ce qui concerne l’âge, le postulant doit avoir au moins 25 ans [26] (ou 21 ans dans certains cas, pour les délégués aux prestations familiales) mais cette condition est abaissée à 21 ans pour les agents des établissements de personnes âgées (EHPAD) ou d’aide à domicile [27], ainsi que pour les agents de foyer d’accueil médicalisé pour personnes handicapées [28].

Enfin, dès à présent, le décret réduit la condition d’âge pour exercer l’activité de délégué MJPM à 18 ans, contrairement à l’exigence antérieure de 21 ans [29].

Lors de leur prestation de serment, les MJPM doivent prononcer leur serment de la façon suivante :

« Je jure et promets de bien et loyalement exercer le mandat qui m’est confié par le juge et d’observer, en tout, les devoirs que mes fonctions m’imposent. Je jure également de ne rien révéler ou utiliser de ce qui sera porté à ma connaissance à l’occasion de l’exercice du mandat judiciaire » [30].

5) La saisine du MJPM.

Pour bénéficier d’un MJPM [31], il est nécessaire d’être une personne physique majeure présentant une altération momentanée ou durable de ses facultés corporelles et/ou mentales (déficiences, incapacités et limitations d’activité) nécessitant le placement sous une mesure de protection juridique.

La demande de protection aux fins de saisine d’un MJPM peut se faire par le majeur protégé lui-même ou par un proche ayant fait une requête à cet effet, mais aussi par un tiers professionnel réquisitionné suite à un signalement au procureur de la république. Par ailleurs, il faudra être muni d’un certificat médical circonstancié attestant de l’altération des capacités par un médecin expert désigné par le Procureur de la République, qui devra être ensuite transmis au juge des tutelles préalablement à l’audience.

L’accompagnement d’une personne par un MJPM est instauré à la suite d’une décision du juge des tutelles ordonnant la mesure de protection et désignant le mandataire.

Cette mesure dispose communément d’une durée de 5 ans [32], sauf s’il en est décidé autrement par une décision contraire, celle-ci devient d’ailleurs caduque en l’absence de renouvellement par le juge des tutelles [33]. La demande de renouvellement peut notamment être effectuée par l’un des intervenants pouvant être initialement à l’origine de la demande de protection, qu’il s’agisse du majeur protégé, de son entourage, du mandataire ou de tout professionnel.

Enfin, la personne protégée a la possibilité, à tout moment, de saisir le juge des tutelles pour obtenir le réexamen de sa mesure [34].

David Weber, Étudiant en Droit à l’Université Toulouse 1 Capitole

[1Loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs.

[2Art. 440 et s. C. civ.

[3Ibid n°2.

[4Art. 433 et s. C. civ.

[5Art. 477 et s. C. civ.

[6Art. L.471-1 CASF.

[7Art. 503 C. civ.

[8Art. 456, al 3 C. civ.

[9Art. 480 C. civ.

[10Art. 455 C. civ.

[11Art. R471-5-1 CASF *(liste non exhaustive).

[12Art. R471-2-1, 1°b CASF.

[13Art. R471-2-1, 1° CASF.

[14Art. D471-1, 2°a-b CASF.

[15Art. R471-2-1 CASF.

[16Art. R471-2-1, 1°a-b CASF.

[17Art. R471-2-1, 2° CASF.

[18Art. D472-6-1 ; Art. R472-6 ; Art. R472-6-2 ; Art. D472-5-2 CASF.

[19Art. 421 C. civ.

[20Art. 422 al 2 C. civ.

[21Art. 423 C. civ ; Sénat, proposition de loi N°371 (n° 253 rect., 252, 240) du 30/01/2024 ; rappel 12/10/2022 n° 21/00654.

[22Art. D471-2-2, 1° CASF ; Art. 1, décret n° 2023-1379 du 28/12/2023.

[23Art. D471-2-2, 2° CASF ; Ibid [22] * Art. 1 décret.

[24Art. 1, décret n° 2023-1379 du 28/12/2023.

[25Art. D472-5-2 CASF.

[26Art. D471-3 CASF.

[27Art. L312-1, 6° CASF.

[28Art. L312-1, 7° CASF.

[29Art. 1, décret n° 2023-1379 du 28/12/2023 ; Notice du présent décret.

[30Art. R471-2 CASF.

[31Référentiel des missions, des structures et dispositifs dans les champs de la santé et de l’autonomie, collectif MAIA du Val-de-Marne (2021), p53.

[32Art. 441 C. civ.

[33Art. 442 ; Art. 443 C. civ.

[34Art. 493-1-1 ; Art. 507 C. civ *exemple de la curatelle et de la tutelle.

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