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Solarisation et végétalisation des toitures et parcs de stationnement : quelles obligations au 1er janvier 2024 ? Par Nicolas Maillard, Avocat.
Parution : jeudi 4 janvier 2024
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Le (très attendu) décret n°2023-1208 du 18 décembre 2023 relatif à l’obligation d’installations solaires et de végétalisation des toitures des bâtiments et parcs de stationnement a été publié au Journal officiel le 20 décembre 2023.

Le gouvernement aura pris son temps pour prendre ce décret d’application de la loi « Climat et résilience » datée 22 août 2021, mais il n’aura pas laissé plus d’une semaine de fêtes de Noël aux porteurs de projets et aux collectivités instructrices pour s’imprégner d’un nouveau dispositif extrêmement complexe, applicable dès le 1er janvier 2024.

Un décryptage du texte s’impose.

1. Quelles sont les nouvelles obligations assignées aux maîtres d’ouvrage ?

C’est l’article L171-4 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) [1], qui crée l’obligation, pour certains bâtiments ou parties de bâtiments, d’intégrer :

Ce dispositif est complété par l’article L111-19-1 du Code de l’urbanisme, qui précise que les parcs de stationnement extérieurs de plus de 500 mètres carrés associés aux bâtiments ou parties de bâtiment auxquels s’applique l’obligation prévue à l’article L171-4 du Code de la construction et de l’habitation ainsi que les nouveaux parcs de stationnement extérieurs ouverts au public de plus de 500 mètres carrés doivent intégrer sur au moins la moitié de leur surface :

Si lesdits parcs comportent des ombrières, celles-ci intègrent un procédé de production d’énergies renouvelables sur la totalité de leur surface.

L’obligation de solarisation ou de végétalisation est réalisée en toiture du bâtiment ou sur les ombrières surplombant les aires de stationnement dans les proportions suivantes :

Le décret du 18 décembre 2023 précise que les obligation de solarisation des bâtiments peuvent s’effectuer sur les ombrières des parcs de stationnement associés auxdits bâtiments, sous la condition expresse que les parkings respectent les obligations de l’article L111-19-1 du Code de l’urbanisme. La couverture d’au moins 50% des parcs de stationnement par des ombrières photovoltaïques devra permettre de respecter au moins en partie les obligations liées aux bâtiments.

2. Quels sont les bâtiments ou travaux concernés par ces obligations ?

L’obligation de solarisation ou de végétalisation de la toiture s’applique :

Symbole de la complexité du système mis en place par le Gouvernement, c’est la loi APER du 10 mars 2023 [2], qui a étendu à partir du 1er janvier 2025 le champ d’application de l’article L171-4 du CCH et donc cette obligation de solarisation ou de végétalisation de la toiture aux bureaux présentant une emprise au sol de plus de 500 m², aux bâtiments administratifs, aux hôpitaux, aux équipements sportifs, récréatifs et de loisirs, ainsi qu’aux bâtiments ou parties de bâtiments scolaires ou universitaires.

Le décret du 18 décembre 2023 apporte plusieurs précisions, s’agissant des bâtiments et travaux concernés par cette obligation :

3. Quels sont les cas d’exemption prévus ?

Sous réserve d’une décision motivée de l’autorité compétente en matière d’urbanisme, tout ou partie des obligations en matière de solarisation ou de végétalisation des toitures ne s’appliquent pas dans les cas suivants [7].

Les obligations de l’article L171-4 du CCH ne s’appliquent pas aux constructions et extensions ou rénovations lourdes de bâtiments ou parties de bâtiments qui, en raison de contraintes patrimoniales, ne permettent pas l’installation des procédés de dispositifs prévus par les textes, notamment si l’installation est de nature à aggraver un risque ou présente une difficulté technique insurmontable.

Sur ce point, le décret du 18 décembre 2023 précise que les travaux réalisés dans les abords d’un monument historique, dans le périmètre d’un site patrimonial, dans un site classé, à l’intérieur d’un parc national ou portant sur un immeuble classé au titre des monuments historiques ou protégé en application des articles L151-18 et L151-19 du Code de l’urbanisme sont exonérés de l’obligation de solarisation et de végétalisation, sauf décision contraire de l’administration.

Pour rappel, dans ces secteurs, l’autorisation d’urbanisme demeure soumise à l’avis de l’Architecte des Bâtiments de France (ABF), émis dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation d’urbanisme.

Pour les parcs de stationnement concernés par ces protections, la dispense sera automatique s’agissant de l’installation d’ombrières photovoltaïques, mais ces parcs resteront soumis à l’obligation de végétalisation sous réserve de l’accord ou de l’autorisation de l’autorité compétente [8].

Les obligations de l’article L171-4 du CCH ne s’appliquent pas aux constructions et extensions ou rénovations lourdes de bâtiments ou parties de bâtiments qui, en raison de contraintes architecturales ou techniques, ne permettent pas l’installation des procédés de dispositifs prévus par les textes, notamment si l’installation est de nature à aggraver un risque ou présente une difficulté technique insurmontable.

Sur ce point, le décret du 18 décembre 2023 précise que :

S’agissant de la contrainte technique, elle est établie lorsqu’aucun système de production d’énergies renouvelables ou de végétalisation ne peut être installé sans méconnaître les règles de sécurité prévues par le CCH. Le maître d’ouvrage devra justifier d’un argumentaire du maître d’œuvre auquel serait joint l’avis défavorable ou avec prescription de la commission de sécurité ou d’un contrôleur technique agréé ou de toute autre autorité compétente en matière de sécurité civile [11]

Les obligations de l’article L171-4 du CCH ne s’appliquent pas aux constructions et extensions ou rénovations lourdes de bâtiments ou parties de bâtiments pour lesquels les travaux permettant de satisfaire cette obligation ne peuvent pas être réalisés dans des conditions économiquement acceptables.

Sur ce point, le décret du 18 décembre 2023 renvoie la notion de « conditions économiquement inacceptables » à deux hypothèses principales :

Pour les EnR spécifiquement, les obligations ne seront pas applicables en cas de coût excessif des travaux engendrés par l’obligation. Ce caractère excessif sera prouvé par le dépassement d’un rapport fixé par arrêté entre le coût total des travaux liés au respect de ces obligations et le coût total de création ou rénovation d’un parc ne mettant pas en œuvre l’obligation d’implantation d’EnR ou pour les parcs existants, la valeur vénale du parc au jour de la demande d’exonération lorsque les travaux ne sont effectués que du fait du renouvellement du contrat portant sur le parc [15].

Il existe également une dispense spécifique à l‘obligation de végétalisation si les coûts totaux des travaux engendrés s’avèrent excessifs parce qu’ils sont renchéris par une contrainte technique [16]. Pour les parcs existants, les exceptions liées aux surcoûts « s’apprécient en prenant en compte les coûts engendrés par l’ensemble des obligations » (implantation d’EnR, végétalisation, installation de revêtements de surface) [17].

La procédure d’exemption :

Le maître d’ouvrage devra fournir une attestation à l’autorité compétente en matière d’urbanisme, accompagnée des pièces justifiant le bénéfice de l’exemption.

Le Code de l’urbanisme est ainsi modifié pour tenir compte de ces nouvelles obligations dans le cadre des demandes d’autorisation d’urbanisme :

4. Quel est le délai d’application de ce nouveau dispositif ?

Les obligations précitées s’appliquent aux bâtiments et parcs de stationnement faisant l’objet de demandes d’autorisations d’urbanisme déposées à compter du 1er janvier 2024, et aux bâtiments ou parties de bâtiments, lorsque la date d’acceptation des devis ou de passation des contrats relatifs aux travaux de rénovation est postérieure au 1er janvier 2024.

Ces obligations s’appliquent également aux parcs de stationnement faisant l’objet d’un contrat de concession de service public, d’une prestation de services ou d’un bail commercial portant sur la gestion de ces parcs dont la conclusion ou le renouvellement intervient à compter du 1er janvier 2024.

Nous ne pouvons que regretter l’entrée en vigueur d’un dispositif aussi complexe et technique dès le 1er janvier 2024, eu égard aux demandes d’urbanisme prêtes à être déposées en ce début d’année et des services chargés de les instruire. Nous ne pouvons que recommander de se faire accompagner, et de faire auditer toute autorisation d’urbanisme par un conseil juridique.

Nicolas Maillard Avocat au barreau de Lyon Urbanisme - Environnement - Immobilier https://www.linkedin.com/in/nicolas-maillard-04353b63/

[1Texte créé par l’article 101 de la Loi n° 2021-1104 dite "Climat et résilience" du 22 août 2021.

[2Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.

[3Nouvel art. R171-32 CCH.

[4Nouvel art. R171-33 CCH.

[5Nouvel art. R111-25-7 Code de l’urbanisme.

[6Nouvel art. R111-25-1, I Code de l’urbanisme.

[7Art. L171-4 IV CCH.

[8Nouvel art. R111-25-10 Code de l’urbanisme.

[9Nouveaux art. R171-38 à R171-40 CCH.

[10Nouveaux art. R111-25-9 et R111-25-11 Code de l’urbanisme.

[11Art. R171-42 CCH.

[12Art. R171-36 CCH.

[13Art. R171-37 CCH.

[14Nouvel article R111-25-11 du Code de l’urbanisme.

[15Nouvel article R111-25-14 du Code de l’urbanisme.

[16Nouvel article R111-25-13 du Code de l’urbanisme.

[17Nouvel article R111-25-18 du Code de l’urbanisme.

[18Nouvel article R424-17-1 du c. urb.

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