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Une école citoyenne de la médiation et de l’accès au droit : l’association Amely.
Parution : jeudi 29 février 2024
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L’association Amely promeut l’accès au droit et la médiation depuis 30 ans. Implantation locale, travail au plus près des territoires et des préoccupations des gens, intervention et formation à l’amiable en milieu scolaire : voici ses piliers pour œuvrer à rapprocher au quotidien les citoyens de la Justice.
Sabine Morel, Directrice de l’association, lui prête ici sa voix pour la présenter au Village de la Justice.

Village de la Justice : Votre association œuvre depuis 1989 pour l’accès au droit et la médiation, notamment. Concrètement, cela passe par quels moyens ?

Sabine Morel : « L’association Amely [1] traite les conflits de la vie quotidienne sur la Métropole de Lyon par le biais de l’accès au droit et de la médiation citoyenne :

Sabine Morel, Directrice d’Amely

Les juristes informent sur les droits et obligations, aident à la rédaction de courriers de nature juridique et orientent vers les professionnels adaptés à la situation de l’usager (avocat, notaire, etc.) ; ils sont aussi formés à la médiation pour proposer ce moyen de règlement amiable du conflit aux usagers, c’est d’ailleurs une des spécificités d’Amely : l’articulation entre accès au droit et médiation avec l’accès au droit comme point d’entrée pour promouvoir la médiation quand elle est envisageable.

C’est une de nos spécificités : l’accès au droit comme point d’entrée pour promouvoir la médiation.

Nous assurons aussi des permanences d’accès au droit spécifiques au plus près des besoins : par exemple, sur un des territoires de la Métropole par exemple, des permanences d’accès au droit sont assurées avec l’objectif de proposer une entrée neutre pour les femmes victimes de violences conjugales qui ne portent pas plainte, en étroite collaboration avec une association d’aide aux femmes victimes spécialisée.
Nous assurons également des permanences d’accès au droit au plus près des sans-abris, au sein de trois accueils de jours qui les reçoivent, et aussi auprès d’un CCAS ; en partenariat avec les travailleurs sociaux.

Notre association perçoit des subventions pour assurer ses permanences gratuites pour les personnes, de la part de l’État (politique de la ville), des communes, de la métropole et de la justice ; AMELY est d’ailleurs labellisée « Point-justice » et fait partie du conseil d’administration du Conseil Départemental d’Accès au Droit (CDAD) du Rhône. »

V.J : S’agissant de l’accès au droit justement : cela passe aussi par une meilleure compréhension du droit et de la justice. Langage clair, legal design par exemple sont-ils des outils que vous connaissez et qui font partie de vos sources pour améliorer cet accès ?

S.M : « Les permanences d’accès au droit effectuées par les juristes d’Amely permettent aux usagers de pouvoir décrypter les droits accordés ou non par les administrations et autres démarches nécessitant des courriers et/ou la constitution de dossiers juridiques. L’accès au droit contribue ainsi à "gommer" le sentiment d’inégalité et/ou de discrimination que peuvent avoir certains usagers fragilisés et ayant un sentiment d’impuissance (chômeurs, femmes seules, immigrés…). Ce sentiment découle du fait de la méconnaissance qu’ils ont des textes juridiques ou des démarches à accomplir. Le fait d’expliquer et de mettre ainsi à leur portée le « jargon »juridique permet ainsi d’atténuer le sentiment de disqualification en raison de sa différence d’origine, sociale, ethnique ou culturelle. Ainsi l’identification du problème permet de savoir quels outils permettront de lutter contre les inégalités. Les juristes s’adaptent constamment pour permettre aux usagers de comprendre mieux ce qui leur arrive et y répondre ; nous connaissons ces outils et les utilisons quelques fois mais pas la majorité du temps.

En plus de la formation continue technique, nos juristes participent à des réunions d’analyse des pratiques assurées par un intervenant extérieur afin de perfectionner l’approche du public, la gestion des émotions, l’approche de compréhension mutuelle. »

V.J : Concernant la médiation, vous intervenez notamment en milieu scolaire : quel est le but ? Diriez-vous que vous “acculturer” ainsi les enfants et les adolescents à l’amiable ? Quel recul avez-vous à l’heure actuelle sur ces interventions, est-ce une réussite  ?

S.M : « La médiation scolaire par les pairs est un outil proposé aux élèves pour les aider à résoudre des conflits qui surgissent entre eux. Les élèves médiateurs sont volontaires et aident des camarades en conflit à rechercher des solutions au cours d’entretiens et de rencontres. Ce processus éducatif repose sur l’apprentissage par les élèves de techniques de communication et de résolution des conflits. Il leur permet de travailler sur une autre approche de la relation facilitant ainsi une diminution des tensions et un climat scolaire plus serein.

« La médiation scolaire participe à ancrer dès le plus jeune âge une culture de la médiation. »

En plus de travailler à une gestion apaisée des conflits entre élèves, la médiation scolaire participe à ancrer dès le plus jeune âge une culture de la médiation. Cela permet non seulement de travailler sur l’ambiance en général de l’établissement scolaire mais aussi dans le cadre d’un processus éducatif, d’intervenir auprès des élèves plus particulièrement touchés par la précarité et les difficultés sociales engendrant des difficultés relationnelles entre eux :

On peut considérer que c’est une réussite dans la mesure où nous allons fêter les 30 ans de la médiation scolaire à Amely le 21 mars 2024 !
Nous intervenons auprès de plus en plus d’établissements (67 par an actuellement) sur la région Auvergne Rhône Alpes ; 766 médiations ont été recensées et finalisées dans les établissements scolaires en 2022/2023, et les "élèves médiateurs" sont près de 1 500.

Nous avons aussi développé d’autres actions en milieu scolaire complémentaires autour du vivre ensemble (gestion de conflits, citoyens, prévention du harcèlement). »

V.J : Travaillez-vous en partenariat avec les professionnels du droit : avocats, magistrats, médiateurs… ou autres ?

S.M : « Nous travaillons en partenariat avec les professionnels du droit, notamment dans le cadre de notre investissement au sein du Conseil départemental d’accès au droit du Rhône, où les ordres des avocats, des notaires, et des huissiers sont représentés mais aussi les autres associations intervenant sur le champ de l’accès au droit et de l’aide aux victimes ; nous travaillons également dans le cadre aussi de l’accès au droit assuré au sein des Maisons de Justice avec les partenaires y intervenant (conciliateurs, défenseurs des droits, avocats, services de probation,etc., ou encore sur les quartiers avec les partenaires locaux : centres sociaux, travailleurs sociaux, équipements de quartier, etc. »

V.J : D’autres associations de ce type existe-t-elle en France ?

S.M : « Oui, nous faisons d’ailleurs partie depuis 2006 du réseau national d’accès au droit et de médiation (RENADEM) qui regroupe des structures portant comme nous l’accès au droit et/ou la médiation citoyenne : Droits d’urgence (Paris), Maison René Cassin (Béziers), Maison des services au public (Mairie de Pessac), Cité et Médiation (Rennes), ASMAJ (Marseille). »

Propos recueillis par Nathalie Hantz, Rédaction du Village de la Justice

[1Retrouvez son site ici.

[2En 2022, sur 6083 personnes reçues, 19,9% des demandes relevaient du droit du travail, 12,9% du droit de la famille,11% du droit de l’habitat, 4,1% du droit pénal, 38,6% du droit social et administratif dont 23% de droit des étrangers, 13,5% du droit de la consommation

[3Formation initiale de 5 journées puis 6 mois sur le terrain avec les équipes déjà en plac.

[437,2% relèvent des conflits de voisinage, 23,9% de conflits locataires/propriétaires, 10% de conflits dans les relations de famille, 23% des conflits de petite consommation, 3% de conflits dans les relations de travail