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[Congo] Problématique de l’usage commercial du nom de l’époux de la commerçante après divorce. Par Venance Imbela Belemo.
Parution : mardi 12 décembre 2023
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Cet article consiste à étudier la notion de l’usage commercial du nom de l’époux de la commerçante après le divorce en droit positif congolais. Il nous a paru opportun d’appréhender d’abord le concept du nom dans le cadre de droit civil. Le nom est un élément de l’identification de la personne et revêt trois caractères fondamentaux.
Le nom est immuable, imprescriptible et incessible. Vu sous l’angle commercial, il est un élément obligatoire du fonds de commerce et possède une valeur pécuniaire.

Introduction.

Loin d’être hermétiquement renfermé sur soi, l’homme est par essence imprégné d’ouverture monumentale vers la transcendance, le cosmos et vers les êtres humains. Il est, pour ainsi clarifier, congénitalement intersubjectif ou altruiste car appelé à vivre en interaction perpétuelle avec ses semblables. Cependant, l’harmonie au sein de ces relations sociales ne peut être que tributaire du respect des normes tant incitatives qu’obligatoires édictées par les autorités compétentes.

Ces règles couvrent les aspects multiples de nos sociétés contemporaines, c’est dans cette perspective que le commerce, activité humaine remontant aux temps immémoriaux, s’est vu progressivement dotée d’une forte règlementation dans le but ultime de rendre son exercice agréable au sein de chaque société.

Force est de signaler par ailleurs que nous n’avons pas la prétention d’aborder une étude exhaustive sur l’ensemble des normes régissant l’activité commerciale. Notre approche se veut restrictive, elle consiste à appréhender la notion de l’usage du nom commercial de l’époux de la commerçante dans le contexte particulièrement délicat de divorce. Ainsi tenterons-nous, tant faire que ce peut, de relever les questions pertinentes qui émaillent les contours juridiques de cette thématique.

Le principe de Droit au sujet de divorce est sans équivoque. Le divorce a comme effet direct la dissolution du mariage. Celle-ci, poursuit les prescrits de l’article 478 du Code de la famille congolais, produit des effets tant sur la personne des époux que sur leur patrimoine. Il ressort donc substantiellement de ce dispositif normatif que même l’usage de nom de l’époux de la femme commerçante doit tomber caduc.

C’est alors que surgit avec acuité voulue cette question :

Est-ce que dans le contexte des affaires ou la logique commerciale ne peut pas pousser la femme divorcée à conserver le nom de son mari ? Telle est la question qui résume la préoccupation majeure de cette réflexion.

Pour mieux cerner cette étude avec clarté juridique appropriée en rapport avec le droit congolais, il nous a paru impérieux de le scinder en trois sections majeures. La première section sera axée, à titre de prolégomènes, sur l’analyse de la théorie juridique du nom en droit civil congolais. Disons que cette partie se pose donc comme tremplin juridique susceptible de rendre plus crédible et plus perceptible la deuxième section. Cette dernière s’évertuera donc à examiner la notion de nom dans la perspective commerciale et dans son usage par la femme divorcée.

Quant à la troisième section, elle sera consacrée à l’appréciation critique où nous tenterons de ressortir les bien-fondés et les risques de l’usage du nom du conjoint par la femme après le divorce.

I. Analyse de la théorie juridique du nom en droit civil congolais.

Cette section se veut tripartite. Nous nous pencherons donc à étudier de manière respective la définition du nom et son importance, ses caractères inhérents et sa nature juridique en droit congolais.

A. Aproche définitionnelle du concept et son importance.

Rappelons au préalable qu’aux termes de l’article 56 de la loi n° 16/008 du 15 juillet 2016 modifiant et complétant la Loi n° 87-016 du 1er août 1987 portant Code de la famille, « tout congolais est désigné par son nom composé d’un ou de plusieurs éléments qui servent à l’identifier. Le prénom, le nom et le post-nom constituent les éléments du nom ».

Il découle clairement de cet article que le nom est un élément de l’identification de la personne physique. Les propos de Kifwabala (2018:68) ne laissent planer aucun doute à ce sujet : « plusieurs éléments servent à identifier les personnes. Il s’agit particulièrement du nom, du domicile… ».

Le Code de la famille, note encore Kifwabala (2018:70), accorde une importance prépondérante à la conception authentiquement congolaise du nom et considère ce dernier comme « résumant la personnalité de chaque individu ». Ces précisions étant sommairement circonscrites, il est aisé de définir le nom en droit civil congolais et plus particulièrement en droit de la famille. Il est simplement « l’appellation identifiant toute personne et permettant son individualisation dans le groupe social ».

Nous plaçant dans la sphère du droit occidental, il y a lieu de souligner que le nom est constitutif de deux éléments : « le nom de la famille ou nom patronymique et le prénom. Le nom patronymique est un nom collectif transmis aux personnes descendant d’un même ancêtre par la ligne des males. Le nom est un nom individuel, destiné à distinguer des individus ayant le même nom de famille » (Kifwabala, 2018:71).

Au regard des prescrits de l’article 58 du Code de la famille, « les noms sont puisés dans le patrimoine culturel congolais. Ils ne peuvent en aucun cas être contraires aux bonnes mœurs ni revêtir un caractère injurieux, humiliant ou provocateur ».

B. Les caractères du nom.

Il convient de noter avec ampleur voulue que la loi reconnaît au nom, tout ensemble des caractères qui lui sont inhérents et qui sont subdivisés en trois catégories différentes. Le nom est immuable, imprescriptible et incessible [1]. A ce niveau, un bref commentaire s’avère utile.

Le caractère de l’immuabilité du nom renvoie à l’idée du non changement de nom en tout ou en partie et au refus d’opérer la modification de l’orthographe ni de procéder à l’inversion de l’ordre des éléments tel qu’il a été déclaré à l’Etat civil. Cependant, cette règle comporte l’exception. Le changement peut être accordé par le tribunal de paix ou le tribunal pour enfants du ressort de la résidence du demandeur pour un motif juste [2].

La jurisprudence abonde dans le même sens. Le Tribunal de Gombe (1994) a déclaré ce qui suit : « Le changement du nom peut être autorisé par le tribunal s’il est évident que le nom actuel est contraire aux bonnes mœurs ».

Disons que le même tribunal avait décidé conformément à l’article 64 du Code de la famille que « l’on peut changer le nom pour juste motif se rapportant aux convictions religieuses et au caractère injurieux manifestement prouvé » (Tribunal de paix de Gombe, 1999).

« La procédure de modification du nom est aussi possible lorsque la filiation paternelle est acquise après la filiation maternelle. Ici donc, le père a la latitude d’adjoindre un élément du nom choisi par lui. Toutefois, cela est subordonné au consentement de l’enfant s’il a plus de 15 ans » [3].

Quel sens revêt alors le caractère imprescriptible du nom ? Pour mieux saisir la portée juridique de ce caractère, il s’avère important de définir le concept de la prescription au regard de l’article 613 du Code civil congolais Livre III : « La prescription est un moyen d’acquérir ou de se libérer pour un laps de temps et sans les conditions déterminées par la loi ».

De ce qui précède, il est à comprendre que le sens de l’énoncée, « le nom est imprescriptible » signifie que « le nom ne peut pas être soumis à la prescription ».

Autrement dit, il ne saurait être perdu par le non usage prolongé. Aussi, l’action ayant pour objet sa défense, de même que le droit d’obtenir satisfaction des actes constant, est incessible à l’action » (Kifwabala 2018 ;79).

Outre les deux caractères commentés, le nom se caractérise aussi par son aspect incessible, avions-nous déjà souligné. La valeur sémantique et juridique de ce caractère n’est que l’émanation du droit de la personnalité, note avec véhémence Kifwabala.

Le nom est incessible implique ainsi l’impossibilité de la céder entre vifs ni encore de le transmettre par testament. C’est dans cette optique que : « Toute convention se rapportant au nom est sans valeur au regard de la présente loi, hormis les règles relatives au nom commercial » [4].

Il convient de préciser que ces caractères sus-évoqués ne concernent que le nom de la personne physique et ne peuvent pas être attribuables à son usage en droit commercial. On le verra dans le développement ultérieur, le nom en droit commercial préserve une particularité juridique fonctionnelle différente. Un autre point qui nécessite une analyse même superficielle sans pénétration profonde, c’est bien la notion de la nature juridique du nom.

C. La nature juridique du nom.

Il convient de noter que cette notion divise au paroxysme le monde juridique. L’unanimité du point de vue est quasiment difficile à ce point. Attestons avec Mulumba Katecny ce qui suit à ce propos : « Aborder l’étude de la nature juridique du nom, c’est embrasser la question la plus controversée en matière du nom » (Mulumba K., 1979 : 66)

Mulumba K., (1979 : 66) renchérit qu’ il y a de ceux qui estiment que le nom n’est qu’une simple institution de police judiciaire, mais d’autres préconisent l’existence d’un véritable droit au nom et « la qualifient soit d’un droit de propriété, soit de droit de personnalité ».

II. La notion de nom dans la perspective commerciale et dans son usage par la femme divorcée.

Cette section est considérée comme la clé de voute de notre étude. La démarche adoptée dans cette section est bipartite. Il sera premièrement donc question de circonscrire la notion au sein de la théorie générale sur le droit du commerce OHADA. Deuxièmement, nous allons nous appesantir sur la question spécifique de l’usage commercial du nom de l’époux de la commerçante après le divorce en contexte congolais.

A. Droit commercial Ohada et la théorie sur le fonds du commerce.

Il est donc utile de rappeler que la thématique de l’usage du nom commercial est une des matières relatives au droit commercial et fait partie intégrante de la notion du fonds de commerce.

Selon Jean-Bernard B., (2002:11), le droit commercial est « l’ensemble de règles qui se rapportent aux commerçants dans l’exercice de leur activité professionnelle ».

Quant au droit des affaires, il est manifestement plus vaste que le droit de commerce. Il englobe notamment les questions qui relèvent du droit public (Intervention de l’Etat dans l’économie), de droit fiscal, du droit du travail (place des salariés dans la société anonyme » (Yves G., 2003:1).

Ces considérations données, Boris M., at all (2009:1) enseignent que le droit des affaires peut être défini comme « l’ensemble des règles applicables aux entreprises ».

De ces deux définitions, il ressort très substantiellement que le droit commercial est antérieur au droit des affaires. S’agissant de la notion du commerçant, disons que l’acte uniforme consacre la conception objective du droit commercial par la maintenance de la définition classique en vertu de laquelle sont commerçants au regard des prescrits de l’article 2, « ceux qui accomplissent des actes de commerce, en font leur profession habituelle » [5].

Quant à la nation du fonds de commerce, il est à considérer selon la doctrine dominante comme regroupant « l’ensemble des éléments qui permettent d’attirer la clientèle ». Il regroupe ainsi « les éléments mobiliers, corporels et incorporels » [6].

Selon la jurisprudence, spécialement la Cour d’appel de Paris dans son arrêt en date du 04 octobre 2000, le fonds du commerce est défini comme un « ensemble d’éléments de nature à attirer la clientèle intéressée par le produit vendu ou la prestation offerte en vue de l’enrichissement de celui qui assure le risque d’une entreprise » (Dominique L., 2004 : 69). La clientèle et l’enseigne ou le nom commercial sont considérés comme « des éléments obligatoires du fonds de commerce » (Article 103 de AUDG).

Toutefois, à côté des éléments obligatoires, le fonds de commerce comprend aussi les éléments suivants : « Les installations, les aménagements et agencement, le matériel, le mobilier, les marchandises en stock, le droit de bail, les licences d’exploitations, les brevets d’invention, marque de fabrique, tout autre droit de propriété intellectuelle nécessaire à l’exploitation » [7].

Arrivé à ce point, un devoir impérieux nous incombe de fournir une brève analyse sur les éléments obligatoires du fonds du commerce.

En effet, « la clientèle est l’ensemble de ceux qui s’approvisionnent de manière habituelle chez le commerçant déterminé. Elle se démarque ainsi de l’achalandage considéré comme clientèle passagère dépourvue de fidélité au marchand ». Il faut comprendre qu’une précision s’impose à ce niveau, « la clientèle n’est pas un élément du fonds de commerce du même standard que les autres. Elle est un élément de valeur prépondérante du fonds de commerce et le résultat de tous les autres éléments » (Dominique L., 2004:69).

La clientèle est la condition fondamentale de l’existence d’un fonds de commerce. Autrement dit, l’existence d’un fonds de commerce n’est possible que si son « titulaire dispose d’une clientèle réelle et certaine » (Dominique L., 2004:71).

Par ailleurs, Dominique L., (2004:70), estime qu’il s’avère indispensable de souligner que le nom commercial s’appréhende comme « le nom sous lequel le commerçant déploie ses activités de commerce. Il peut s’agir de son nom patronymique, un prénom, un surnom ou même une dénomination de fantaisie ».

C’est dans cette même perspective que nous citerons Akwete et Yado (2002 : 205), corroborent cette thèse lorsqu’ils considèrent dans une terminologie qui leur est propre le nom commercial comme « la dénomination sous laquelle est connu et exploité un établissement commercial ». Notons en outre que dans son usage commercial, le nom fonctionne sous un mode assez diamétralement opposé à l’usage qui lui est consacré en droit civil.

Alors qu’il est à considérer comme un attribut de la personnalité en droit civil ayant les caractères d’immuabilité, d’incessibilité et d’imprescriptibilité, « le nom commercial est par nature soumis à la prescription et il est un élément du patrimoine » (Kifwabala, 2018:79).

Il est virtuellement « cessible comme élément du fonds de commerce ; c’est-à-dire susceptible d’être cédé en même temps que le fonds de commerce » (Kifwabala, 2018 : 80).

B. L’usage commercial du nom de l’époux de la commerçante divorcée.

Il faut vite noter que « le mariage est un acte civil, public et personnel par lequel un homme et une femme qui ne sont engagés ni l’un ni l’autre dans les liens d’un précédent mariage enregistré, établissent entre eux une union légale et durable, engendre dans le chef des époux des droits et devoirs réciproques » [8].

Il sied de comprendre que parmi cet ensemble complexe de droits et devoirs figure le droit pour la femme mariée de porter le nom de son mari. Pour être plus précis, c’est bien l’article 62 du Code de la famille qui consacre ce principe. Il est libellé de la manière suivante : « La femme mariée conserve son nom. Toutefois, pendant la dure du mariage, elle acquiert le droit à l’usage de nom de son mari. Dans ce cas, elle adjoint le nom de son mari au sien » [9].

Cette pratique n’est pas une innovation de la législation congolaise. En effet, l’idée de faire acquérir à la femme le nom de son mari remonte aux temps immémoriaux et bien répandue dans le monde occidental.

A titre illustratif, à Rome, le mariage se « constatait au moyen du nom du mari au génitif après celui de sa femme. Ainsi, Secunda Valeria mariée à Crassus se nomma Secunda Valeria Crassus » Akwete et Yado (2002:54).

S’il est vrai que le droit civil permet à l’épouse d’acquérir le nom de son mari, il n’en reste pas moins vrai que cette acquisition lui octroie la possibilité d’en faire usage dans tous les actes ayant trait à sa vie et donc même dans le domaine commercial. C’est ce qui explique juridiquement l’usage commercial du nom de l’époux par sa femme.

Somme toute, la femme a le droit de l’usage du nom de son mari dans les différents aspects de la vie quotidienne.

Cependant, la question la plus délicate est bel et bien la suivante : Que devient ce nom acquis lorsqu’il y a des circonstances particulièrement douloureuses qui empêchent les époux à continuer avec leur union ? En d’autres termes, nous nous posons la question de savoir si le divorce peut permettre à la femme de porter son nom acquis par ce lien ?

Pour mieux répondre à cette question, il est utile de dire un mot sur le divorce et les effets qui en résultent.

Selon l’esprit et la lettre des prescrits de l’article 538 du Code de la famille congolais, « la dissolution du mariage est tributaire soit de la mort de l’un des époux, soit du divorce, soit même du nouveau mariage du conjoint de l’absent ».

Selon Kifwabala (2018:328), le divorce est l’une des causes de la dissolution du mariage. A cet effet, il y a lieu de souligner que le divorce est « la dissolution du mariage du vivant des époux, à la suite d’une décision judiciaire rendue à la requête de l’un et de l’autre pour motif prévu par la loi ».

Il est bon de savoir que le divorce entraîne comme corolaires juridiques directs la dissolution du mariage suivi de ses effets pour l’avenir. C’est dans cette optique qu’il faut retenir que : les époux cessent d’être mari et femme et deviennent en principe complètement étrangers l’un et l’autre. Les devoirs de fidélité, secours et de vie commune cessent » (Kifwabala 2018 : 366).

En principe, ces effets concernent aussi le droit à porter le nom. Cela nous amène à noter avec Kifwabala (2018:366) que : « Le droit pour la femme d’user du nom de son mari disparaît ».

Eu égard à ce qui précède, nous sommes enclins à affirmer que la femme divorcée n’a plus en principe le droit d’user du nom de son ancien mari.

En Droit français, le principe est simple. En cas de divorce, les effets du mariage disparaissent y compris ce droit d’utiliser le nom marital. Concrètement lorsque nous lisons l’article 264 alinéa 1 du Code civil français, nous comprenons ce qui suit : « Chacun des époux perd l’usage du nom de son conjoint ».

Si le principe est le refus de porter le nom du mari après le divorce, est-ce que la même logique est susceptible d’être appliquée en droit commercial ? Cette question constitue, à coup sûr le socle, le noyau même de la problématique de cette étude.

C’est dans ce cadre que nous référant en droit comparé, notamment au droit français, il y aura lieu de remarquer que le même article 264 du Code civil français, mais à son alinéa 2 introduit une exception et un détail dérogatoire très remarquable.

Il prévoit ce qui suit : « L’un des époux peut néanmoins conserver l’usage du nom de l’autre, soit avec l’accord de celui-ci, soit avec l’autorisation du juge, s’il justifie d’un intérêt particulier pour lui ou pour les enfants ».

Il s’avère intéressant de noter que Kifwabala (2018 : 367), aborde dans la même perspective interprétative et reconnaît que le principe peut être dérogé. Au risque de nous reprendre, il note que : « Le droit pour la femme d’user du nom de son mari disparaît avec le divorce. Toutefois, elle peut continuer à porter le nom de son ancien époux et elle peut aussi le faire avec l’accord de ce dernier ».

Conformément aux textes des lois précités, et à la doctrine relevée, nous pourrions synthétiquement attester que la femme divorcée a la latitude de porter le nom de son ancien époux. Cette conservation peut être le fruit d’une autorisation expresse du mari et il est souhaité qu’elle soit dans ce cadre formalisée. Mais, toujours est-il que cette autorisation peut découler d’une décision du juge en cas d’intérêt légitime à la demande expresse de la conjointe. Lorsque l’on parle de l’intérêt légitime, il peut s’agir de l’intérêt des enfants mineurs de la durée longue du mariage ou pour des raisons professionnelles.

Il apparaît ainsi clairement que pour des raisons professionnelles, notamment le commerce, la femme divorcée peut continuer à user du nom de son mari avec accord ou avec l’autorisation du juge dans le but de conserver sa clientèle acquise.

C’est dans le même ordre d’idée qu’il convient de relever la jurisprudence de 2008.

En effet, la Cour d’appel de Reims a rendu le 27 février 2008, un arrêt concernant la possibilité pour une femme divorcée de réclamer a posteriori du divorce, sur le fondement de l’article 264 du Code civil français, le nom de son ancien conjoint.

Ici donc, la cour a estimé que cet article n’imposant pas de délai à la formulation de la demande, rien ne s’y opposait et donc autorisa le port de nom par l’ancienne épouse. Pour cette affaire, l’épouse avait continué après 25 ans de divorce à porter le nom de son premier mari alors, mieux elle s’était remariée. Cet arrêt est intéressant en ce qu’il autorise une telle demande après que le divorce soit déjà rendu.

Ces analyses liées à la première et seconde section ont élucidé avec clarté le point de vue en droit congolais et en droit comparé de l’usage du nom du conjoint par la femme divorcée. Cependant cette position ne serait être exemptée de critique. Nous pourrions donc nous attarder dans la dernière section à mettre en exergue nos avis personnels revêtant un caractère ambivalent, c’est-à-dire nous dégagerons les points positifs et les points faibles de cette problématique.

III. Appréciation critique.

Il faut à la hâte comprendre que dans cette dernière section, nous analysons les mérites du législateur, mais en critiquant certaines positions qui ne rencontrent pas nos points de vue.

A. Mérites du législateur.

La lecture attentive de l’article 330 du Code de la famille nous permet de comprendre que le mariage se veut être « l’acte civil, public et personnel par lequel un homme et une femme qui ne sont engagés ni l’un ni l’autre dans les liens d’un précédent mariage enregistré, établissent entre eux une union légale et durable, et qu’il engendre dans le chef des époux des droits et devoirs réciproques ».

C’est dans cet esprit, rappelons-le, que figure le droit parmi cet ensemble complexe de droits et devoirs pour la femme mariée de porter le nom de son mari. Et il faut le souligner, cela se concrétise par les prescrits de l’article 62 du Code de la famille lorsqu’il précise : « La femme mariée conserve son nom. Toutefois, pendant la durée du mariage, elle acquiert le droit à l’usage de nom de son mari. Dans ce cas, elle adjoint le nom de son mari au sien ».

Au regard de deux articles susmentionnés, nous ne pouvons pas ne pas reconnaître le mérite du législateur congolais. Car, il faut le noter sans équivoque que le port de nom d’un conjoint peut effectivement renforcer la cohésion familiale et la communion de vie conjugale.

Ensuite, lorsque le nom d’un conjoint a une grande réputation, c’est bien un bénéfice au plan commercial, et cela étant donné que la confiance et l’augmentation de la clientèle sont quasi-acquises.

Une question facile se veut être posée nonobstant les mérites pré-signalés. Le législateur avait-il bien pensé de laisser ou d’autoriser la femme de conserver le nom de son mari après le divorce ?

En lisant ainsi Kifwabala (2018:68) nous comprenons que : « La femme divorcée peut continuer à porter le nom de son ancien époux et peut le faire avec l’accord de l’homme ».

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de relever le point positif du fait que les deux législations (congolaise et française) reconnaissent au préalable le consentement de l’ancien mari afin que la femme divorcée ait l’autorisation de continuer à porter son nom dans ses activités commerciales.

Outre, ces points positifs, mieux ces mérites précités, il y a quelques faiblesses que nous avons remarquées ou constatées.

B. Faiblesses du législateur.

Il nous semble pour notre part que le port du nom du mari par la femme divorcée viole le principe de l’immuabilité du nom qui souligne qu’il n’est pas permis de changer de nom en tout ou en partie. Cependant, en portant le nom de l’homme avant et après le divorce, la femme introduit une perturbation monumentale dans son nom initial et ce faisant, cet acte se situe aux antipodes du caractère d’immuabilité du nom susmentionné.

En plus, le nom est l’expression ultime de l’identification et de l’individualisation de toute personne. En intégrant ainsi en partie le nom du conjoint à la sienne, la femme opère un acte d’aliénation de sa personnalité et de son individualité.

Une lecture attentive de l’article 62 du Code de la famille laisse nettement comprendre que c’est pendant la durée du mariage que la femme doit acquérir le nom de son mari. Mais pas après le divorce. C’est pourquoi nous sommes en droit de noter que l’autorisation de la femme divorcée à continuer à porter le nom de son mari viole l’esprit et la lettre de l’article 62 du Code de la famille.

Conclusion.

Cette contribution a eu pour objet l’analyse relative à l’usage commercial du nom de l’époux de la commerçante après le divorce.

Trois sections majeures assorties d’une introduction générale ont pu constituer l’ossature de cette démarche scientifique.

La première section intitulée : « Analyse de la théorie juridique du nom en droit civil congolais » a dégagé les lignes maîtresses de la conception juridique congolaise gravitant autour de cette thématique. Analyse faite, il ressort très substantiellement qu’en droit de famille congolais, le nom est un élément constitutif de l’identification de la personne physique. A ce stade, le nom revêt trois caractères fondamentaux. Il est donc immuable, imprescriptible et incessible.

Cependant, dans la deuxième section, nos regards ont été focalisés sur l’étude du nom en droit commercial avec un penchant juridique particulier sur « la problématique de l’usage commercial du nom de l’époux de la commerçante après le divorce ». Considéré dans l’optique commerciale, le nom est un élément obligatoire du fonds de commerce avec la clientèle. Il possède une valeur pécuniaire et peut revêtir le caractère de cessibilité.

En plus, nous nous sommes évertués à démontrer que grâce au mariage qui crée les droits et les devoirs entre les époux, la femme peut porter le nom de son mari. Ce droit lui octroie la possibilité de l’utiliser même dans le domaine commercial. Après le divorce, la femme peut continuer à utiliser le nom de son mari pour des raisons commerciales ou autres, mais à condition d’obtenir l’autorisation préalable de son ancien époux ou celle du juge.

Quant à la dernière section, la troisième donc, baptisée « Appréciation critique », nous avons relevé que la problématique de l’usage du nom du conjoint par la femme a revêtu un caractère ambivalent, c’est-à-dire elle comporte des aspects positifs et ceux négatifs.

Réferences.

Acte uniforme OHADA relatif au droit de sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, AUSGIE en sigle
Akwete, P., et Yado, T., Ohada. Droit commercial général, Bruylant, Bruxelles, 2003.
BORIS, M. et alii, Le droit uniforme africain des affaires, Lexis Nexis, Paris, 2009.
Code civil congolais Livre III.
Code civil français.
Code de la famille Congolais.
Dominique Legais, Droit commercial et des affaires, 20ème édition, Dalloz, Paris.
Jean Bernard, B., Droit des affaires, commerçants, concurrence, distribution, 3ème édition, L.G.D.S., 2002.
Kifwabala, T., Droit civil congolais les personnes, les incapables, la famille, 2ème édition, PUL, Lubumbashi, 2018
Maquardt, Manuel des antiquités, Bruylant, Bruxelles, 2002.
Mulumba, K., Le droit au nom en droit zaïrois et en droit comparé, P.U.Z., Kinshasa, 1979.
Tripaix - Gombe, RC 2735/1X du 13 janvier 1994, Vol. 1, 1996 et RC 2993 du 20 2907 N, du 06 octobre 1996, pp. 74-75 et RC 2993 du 20 octobre 1994, inédit.
Yves, G., Droit des affaires Tome 1 in « Droit commercial général et société, 12ème édition » Economica, Paris, 2003.

Venance Imbela Belemo, Assistant à la Faculté de Droit à l'Université de Lubumbashi en RDC

[1Art. 58 du code de la famille Congolais.

[2Art. 58 du Code de la famille Congolais.

[3Art 59 du Code de la famille Congolais.

[4Art 69 du Code de la famille Congolais.

[5Article 103 de AUDG.

[6Article 103 de AUDG.

[7Article 105 de AUDG.

[8Art 330 du Code de la famille Congolais.

[9Art 62 du Code de la famille Congolais.