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L’expertise en stratégie environnementale et droit du vivant, outil de crise au service d’une gouvernance internationale. Par Laure Singla, Environnementaliste expert.
Parution : jeudi 7 décembre 2023
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Quand Josep Borrell, représentant des affaires étrangères de l’UE indiquait le 8 mai 2020 que « La covid-19 a détruit le modèle de gouvernance mondiale, et l’Union européenne devra jouer un rôle clé dans la reconstruction de l’ordre international », il actait d’une part l’émergence de ces nouvelles typologies de risques environnementaux et d’autre part, que 2020 serait l’année bascule pour une refondation des modes actuels de gouvernance. Mais cette refondation pose une vraie problématique. D’ordre sécuritaire et plus largement sociétal.

Au delà de la gestion des risques sanitaires majeurs qui doit être revue sous l’angle transversal, notamment en prenant compte des retours des praticiens de terrains et en élargissant des dispositifs existants comme celui des NRBC.

Depuis 2020, la société internationale a pu réfléchir à la place laissée aux nouveaux risques environnementaux connus et à venir. Et au delà au mode de gouvernance à retenir. Si le confinement a créé un effet « papillon » en mettant un arrêt brutal aux modes de gouvernances actuels, les phénomènes climatiques actuels et futurs qui balayent la planète et la gestion des ressources naturelles mondiales notamment l’eau vont nécessairement et inéluctablement faire basculer toutes les sociétés vers un nouveau modèle de gouvernance.

En 2023, se pose la question de savoir sur quels socles va t-on pouvoir rattacher le futur mode de gouvernance internationale. Le défi est inédit, un peu déroutant mais surtout possible à relever.

Inédit car la dialectique instaurée depuis 1945 entre la notion d’État et celle de société reste à repenser sur les modes de consommation, de participation au pouvoir.

Possible à relever si on met de côté les habitudes quelque peu élitistes pour véritablement entrevoir avec pragmatisme un autre mode de gouvernance, reposant sur une véritable démocratie environnementale au service de l’Humanité.

Partant de ce constat actuel, les gouvernants devront apprendre à réfléchir en terme sécuritaire, tant sur le plan juridique que technique. Et faire coexister cette sécurité sous un nouvel angle, d’interactions techniques, juridiques et administratives pour permettre une cohérence au sein du pouvoir décisionnel. Cet axe de pensée nécessaire apportera à moyen terme prospérité et perénnité aux États car « La prospérité d’une nation ne consiste pas seulement dans ses richesses matérielles mais dans la droiture de leur gouvernance ». Ainsi elle mettrait fin à la gouvernance actuelle mondiale perçue comme un « acquis, un ensemble de règles et mécanismes de contrôle repérables, soit comme une activité bornée aux fonctions accomplies dans le cadre des activités multilatérales ».

La covid-19, en paralysant la société internationale, a changé les paradigmes et a permis l’émergence des prémices de cette future gouvernance. Les prémices de cette gouvernance internationale environnementale, où le principe de sécurité environnementale sera au cœur des décisions et non aux abords, pourraient reposer sur l’expertise en stratégie environnementale et Droit du Vivant, garante d’une sécurité technique et juridique transversale.

Cette expertise serait alors au service d’une une autre vision stratégique, permettant la refondation des modes de gouvernance actuels.

I. L’expertise en stratégie environnementale et Droit du Vivant au service d’une refondation des modes de gouvernance actuels.

L’Environnement est une matière complexe, dense et riche, transversale et en mutation permanente. Mais force est de constater que l’état de l’art en 2023 repose sur une réalité désolante : les stratégies environnementales mondiales actuelles ne sont axées que sur la préservation, la protection et non sur une véritable stratégie d’anticipation des risques. Si sur le plan assurantiel, mondial, on calcule le risque, et on le budgétise, sur le plan technique et opérationnel, on se prête peu à l’exercice pratique et mises à part les exercices à grande échelle, aucun territoire ne se prépare vraiment à des problématiques d’envergure.

Cette stratégie de l’attente pour réagir se matérialise dans la gestion territoriale des ressources naturelles comme l’eau, les sols et sous-sols arables. Et a atteint ses limites avec la période canicule qui a touché l’Europe cet été 2023.

La France n’a rien anticipé et plus d’une centaine de communes ont été privées d’eau pendant plus de 10 jours. Qu’en sera t-il demain si ces phénomènes s’amplifient ? Pour l’agriculture, la faune et la flore locale, et les habitants ?

Pour établir un lien de confiance entre les citoyens et leur Etat, il convient de limiter les défiances en voyant les choses autrement, par une autre vision du Territoire, basée sur une autre répartition des responsabilités des fonctions supranationales. Reposant pour reprendre les termes de Mireille Delmas-Marty sur une « refondation » des modes de gouvernance actuels pour créer un nouveau mode de gouvernance environnemental, fondé sur des expertises en stratégie environnementale et Droit du Vivant.

Pourrait alors être retenue à moyen terme la notion d’intérêt général de l’Humanité des ressources naturelles qui seraient au cœur des prises de décisions internationales, et amèneraient une transition environnementale douce, cohérente et sécuritaire. Pour tout le monde.

Ce nouveau mode de gouvernance s’appuierait sur les notions de pater familias, de contrat de mandat environnemental mondial, et d’accompagnement expertal auprès des acteurs territoriaux.

A. L’expertise en stratégie environnementale et Droit du Vivant , socle d’une refondation des gouvernances.

Le but et les principes originaires établis dans le chapitre I, article 1 de la Charte des Nations-Unies du 26 juin 1945 demeurent : « 1. Maintenir la paix et la sécurité internationales … ; 2. Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde ; 3. Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d’ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion ; 4. Être un centre où s’harmonisent les efforts des nations vers ces fins communes ».

Transposée à la transition environnementale, la sécurité liée aux enjeux environnementaux entre donc dans le champ d’application de l’article premier de ladite charte. Et la refondation pourrait reposer sur un cercle de gouvernance.

1- Une refondation reposant sur une expertise environnementale circulaire.

L’expertise en stratégie environnementale et Droit du Vivant reposerait sur la proposition d’un « cercle » de gouvernance environnemental, soutenue dans une thèse française soutenue en 2016 qui a remis à jour la proposition du juriste arabe Ibn Khaldun du VIème siècle.

L’avantage de ce cercle réside dans le fait qu’il pourrait permettre à tous les États de pouvoir croître et décroître durablement pour se réinventer sans cesse.

Les ondes de choc provoquées par des « crises » seraient alors vite absorbées. Cette mouvance perpétuelle caractérisée par la symbolique du cercle resterait alors le socle stable et évolutif d’un nouveau rapport des États avec leur environnement et leur ressources naturelles.

Cette idée reprise à nouveau en 2018 par une économiste anglaise serait bénéfique pour l’économie mondiale. La réorganisation des pouvoirs passerait alors par la nécessité de gérer les violences nées des conflits autour des risques environnementaux. Pour « gouverner les violences », quel qu’elles soient, il deviendrait alors nécessaire de moderniser les rapports entre les Etats et leur population. L’outil de l’expertise en stratégie environnementale serait alors nécessaire. Celui de la médiation environnementale serait un excellent complément. Pour dépasser le clivage de « juste cause » ou « cause juste », faire un pont entre les citoyens et l’Etat pour renouer avec le dialogue.

2- Une refondation reposant sur une expertise environnementale de mandat.

L’expertise en stratégie environnementale et Droit du Vivant reposerait ensuite sur la réinvention du contrat de mandat sous l’angle environnemental. Ce dernier pourrait reposer sur le principe de légitimité environnementale locale. Les représentants locaux devront connaître la réalité endémique de leur commune. Un territoire ne pouvant offrir que ce dont il dispose. Un droit au permis de construire pourrait alors être assujetti à la réalité endémique des ressources naturelles disponibles sur le territoire sollicité. La question immigratoire se poserait naturellement non plus sous l’angle des droits de l’Homme, mais de celui du droit de l’environnement et des ressources naturelles locales.

Georges Vedel s’amusait à dire que « la représentation n’a pas de légitimité propre. Au contraire de ce qu’avait soutenu Montesquieu, l’élection ne se justifie point parce qu’elle serait un bon système de désignation des gouvernants par des gouvernés incapables de décisions éclairées mais excellant dans l’art des bons choix de personnes. La légitimité de la représentation tient idéalement au mandat impératif, concrètement aux substituts de celui-ci [...]. A la lettre la représentation n’est qu’un pis-aller qui peut tourner à la mystification si des constructions arbitraires dispensent les gouvernants de ce devoir d’identification ou du moins de « ressemblance » avec les gouvernés. Ou encore si une hypostase, telle l’abstraite Nation, se substitue au peuple comme détenteur de la souveraineté. Tout cela est bien connu ».

La légitimité telle que proposée dans ce cercle de gouvernance reposerait sur la notion de représentation et démocratie directe. Cette autre vision du mandat, à mi-chemin entre le mandat impératif et le mandat représentatif, renouerait ainsi appel au XXIème siècle, avec la notion plus générale de peuple « éclairé », comme dans la Grèce antique, et serait fondée sur une représentation intégrant le savoir-faire et être de l’ensemble des citoyens du territoire avant toute chose. Elle serait aussi fondée sur le principe de partage « juste et équitable » des ressources naturelles, au sens du Protocole de Nagoya du 29 octobre 2010.

Car la représentation du peuple « ... n’est pas un pis-aller, un ersatz de démocratie directe. Elle est la pierre angulaire de la démocratie […]. Tous ceux qui ont insisté sur le rôle constitutif de la coupure entre le représenté et son représentant ont mille fois raison ».

Cette autre vision du mandat s’apparente aux dispositions de l’article 21 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui énonce que : « Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis. Toute personne a droit à accéder, dans des conditions d’égalité, aux fonctions publiques de son pays .La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote ».

B. L’expertise en stratégie environnementale, socle d’une refondation du rôle des acteurs.

L’investigation expertale amène à la conclusion de la nécessaire refondation du rôle des acteurs institutionnels qui passe par un modèle transformatif du modèle mondial actuel onusien. Les États membres et non membres des Nations-Unies auraient en effet, au nom du contrat de mandat environnemental, un rôle de gestionnaire environnemental, nouveau.

1- L’expertise environnementale, outil d’excellence de « pater familias » au service de l’intérêt général de l’Humanité.

En mettant en lumière l’expertise en stratégie environnementale, outil d’excellence, au service de l’intérêt général de l’Humanité, les États deviendraient gestionnaires « pater familias » des ressources naturelles de leur territoire. L’expert proposerait la reconnaissance du caractère fragile et rare des ressources naturelles locales, qui sont des res communes de l’Humanité, pour permettre une gestion raisonnée, parce que raisonnable de ces dernières. A partir de ce constat expertal, chaque entité (collectivité, commune) pourrait alors devenir le gardien de ses ressources et au-delà, être une sentinelle juridique, bienveillante, soumise aux dispositions d’un contrat de mandataire environnemental.

Quand Mireille Delmas-Marty énonçait en 2007 qu’il fallait « résister contre la déshumanisation, responsabiliser les titulaires de pouvoir et anticiper sur les risques à venir » à travers le droit et son rôle à jouer, on pourrait alors transposer cette vision sur le plan environnemental pour permettre aux États de mieux se responsabiliser en anticipant les risques environnementaux encourus.

Car il faut être pragmatique : la spéculation économique environnementale des ressources naturelles est une réalité internationale, génératrice d’insécurité juridique exponentielle. La crise de la Covid-19 est la première crise pandémique du XXIème siècle. Si nous ne changeons pas de regard, il y en aura d’autres. La crise des périodes de phénomènes climatiques comme les canicules, les sécheresses agraires, ou les inondations extrêmes sont autant d’enjeux pragmatiques qu’il faudra relever. Et nous en sommes capables.

Nous devons donc établir ensemble un nouveau lien social, environnemental, par le biais de ce contrat de mandat, pour donner à nos Etats, nos entités locales, régionales, le statut de gardiens des ressources naturelles, pour une stabilité juridique interne environnementale. Et au-delà même, le statut de résistant contre la déshumanisation et la précarité environnementale mondiale qui arrive. Et l’expertise en stratégie environnementale est un de ces moyens, conventionnel comme judiciaire, au service de tous les territoires qui peuvent y avoir recours. Le bon sens au service de l’humanité. Les Etats auront alors en charge de pourvoir à une meilleure stabilité juridique internationale, au travers d’un mode opératoire de développement économique, basé sur une gestion environnementale raisonnée. Au sens de raisonnable et de sécuritaire.

Ici, l’expert devra investiguer pour proposer une stratégie environnementale ciblée, adaptée à la réalité géomorphologique, anthropique du territoire concerné. En plaçant l’intérêt endémique, économique, sécuritaire, de l’Humanité au cœur des préoccupations environnementales locales, l’expert placera alors les gouvernants au cœur de leurs propres actions et de leurs responsabilités.

Ces stratégies sécuritaires anticipatives pour les populations locales et périphériques seront de véritables moratoires environnementaux, dont dépendra toute la gestion locale, reposant sur les principes de la dynamique des milieux endémiques, de la rareté et de la fragilité de leur ressources naturelles.

En ce sens, l’expertise en stratégie environnementale entre bien dans les dispositions des articles 11, 14, 19 et 20 du Protocole de Nagoya du 29 octobre 2010, portant sur la coopération transfrontalière, les conditions d’échange, les clauses et codes de conduite.

2- L’expertise environnementale, outil au service du principe d’équité environnementale.

En France, l’expertise en stratégie environnementale et Droit du Vivant est embryonnaire car elle est avant tout un processus expertal transversal complexe. Et les retours de terrains démontrent aujourd’hui qu’aucun administré, aucun élu ne connaissent véritablement tous les enjeux environnementaux de leur territoire, que ce soit en ressources eau, sols, sous-sols....

Ils le découvrent grâce à l’expert. Ce même expert sera inéluctablement amené à constater les carences d’un territoire et ses conséquences. De ses conclusions, seront alors pensés ou repensés les processus fondateurs de la notion même d’équité environnementale territoriale.

L’outil expertal se veut donc pragmatique, adaptable à chaque territoire. La méthodologie expertale sera identique mais les conclusions différentes au regard des enjeux d’équité environnementale par territoire, qui ne sont actuellement pas définis, quelque que soit le territoire expertisé.

Cette typologie d’expertise crée ainsi un effet « entonnoir inversé », en partant de la responsabilisation de la sphère locale vers celle de la sphère régionale, nationale et mondiale, en proposant une cartographique endémique visant à valoriser les ressources locales, socle de l’approche inter-générationnelle territoriale. A l’inverse de ce qui existe à l’échelle mondiale.

Et sans le savoir, cet outil expertal va donc entrer dans les enjeux de gestions des mouvements de migrations, d’urbanisme, pandémies futures, crises climatiques, énergétiques.

Pour constater qu’entre la sphère locale et la sphère mondiale, se trouvent les sphères régionale et nationales, en mouvance perpétuelle. Tel un cercle.

Cette expertise va donc avoir un pouvoir régulateur, sécuritaire et bienveillant au service d’un principe d’équité environnemental qui va remettre l’État et tous les acteurs locaux au cœur de l’approche inter-générationnelle et de son mode de gouvernance. Mais aussi plus proches des réalités endémiques territoriales et des usagers.

Connaître son territoire, en termes de mémoire territoriale des risques, signifie avant tout connaître son histoire, ses enjeux de sécurité juridique qui restent liés à la gestion des ressources naturelles locales. L’histoire de l’Egypte ancienne rappelle qu’aucun territoire n’est à l’abri d’un abandon après l’épuisement de leurs ressources naturelles, notamment en eau.

Et c’est dans cette réflexion que pourrait se mettre alors en place au XXIème siècle, une démarche expertale visant à la fois à lier le droit à la préservation des ressources naturelles à celui de la préservation de l’Homme. L’expertise entrant dans une approche responsable, humaniste, anticipative et inter-générationnelle, pouvant répondre au phénomène de globalisation des dommages environnementaux, retenu par les traités-cadre à partir de la Déclaration de Stockholm de 1972.

L’expertise en stratégie environnennementale et Droit du Vivant reste une expertise transversale de haut niveau, prenant en compte le cadre réglementaire. Ainsi que les autres sources (soft law et le jus cogens, au sens de l’article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités). Rappelons que la notion de « jus cogens » a été définie en droit international, comme « une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des États dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère ». Son caractère supra international consacré s’est ensuite imposé à toutes normes internationales. Sa consécration a été effectif sur le plan du droit international pénal. Les tribunaux arbitraux internationaux ont contribué à préciser sa définition et ses effets. Les juridictions européennes l’ont, à leur tour, consacré en droit international humanitaire, en établissant un principe de compétence universelle. La déclaration de Stockholm proclamant que « l’homme a devoir solennel de protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations présentes et futures » a fait émerger la notion de droit aux générations futures mais également celle de responsabilité environnementale au sens large, définie par le préambule de la Charte mondiale de la Nature. En matière environnementale, ce principe est devenu une norme de jus cogens, assorti d’une force exceptionnelle établie par la jurisprudence de la Cour Internationale de Justice dans l’affaire Gabcikovo Nagyramos. Mais antérieurement à la jurisprudence de la cour, d’autres textes ont démontré la force contraignante du droit international de l’environnement.

Pour que l’expertise repose sur un principe, encore faut-il que ce dernier soit une règle de droit positif, conventionnel, repris dans un texte normatif pour être générateur d’un pouvoir contraignant. S’il n’est mentionné que dans un préambule, ou que ses termes ne sont pas suffisamment contraignants, il ne devient pas règle de droit mais simple inspirateur. Comme le principe de précaution, mentionné dans la plupart des conventions internationales mais en préambule ou en des termes non contraignants. A l’exception de l’OMC, qui l’a revêtu d’un statut de règle coutumière internationale. Et dans la protection de la mer où il est devenu effectif.

II. Une refondation reposant sur une expertise en stratégie environnementale sécuritaire.

L’expertise en stratégie environnementale et Droit du Vivant repose sur le croisement expertal entre savoirs, pouvoirs et vouloirs nommé par Mireille Delmas-Marty « la refondation des pouvoirs ». Car pour que les savoirs soient mieux diffusés, il est nécessaire de revoir la vision traditionnelle des pouvoirs et du vouloir commun.
L’expertise permettra de relever ce défi environnemental, en investiguant sur le croisement expertal entre les savoirs traditionnels et contemporains d’un Territoire, des pouvoirs en place, et un vouloir commun. L’expertise reposet alors sur quatre étapes.

A- Les étapes expertales.

La première étape expertale repose sur l’état de l’art. La seconde étape consiste à l’analyse des désordres constatés. La troisième étape recherche l’origine des désordres constatés. La quatrième émet la conclusion et les pistes de réflexions sur une gouvernance environnementale "partagée".

1- L’état de l’art et l’analyse des désordres environnementaux.

L’état de l’art et l’analyse des désordres environnementaux constatés mettront inéluctablement en avant les carences de gouvernance. Notamemnt sur des territoires frontaliers, et transfrontaliers , qui demeurent souverains de leur propre ressources naturelles et gestionnaires des ressources naturelles frontalières. Mais ces carences, qui s’apparentent en désordre, doivent être catalysées en opportunités (angle expertal positif) pour permettre de réfléchir à la qualité de gestionnaire « pater familias », et à la mise en place d’une obligation de moyen et de résultat de gestion raisonnée, au sens de responsable, d’équitable, d’adaptée et d’équilibrée.

Cette obligation, commune à tous les territoires, expertisée, serait alors le socle d’une future coopération technique et juridique, au nom de la préservation des res communes de l’Humanité. Pour leur propre intérêt et ceux de l’Humanité. Cette coopération ne remettrait pas en cause le principe de souveraineté permanente. Mais son analyse expertale serait gage d’une amélioration constante. Au service des usagers.

Or, la gouvernance actuelle reste un frein à cette expertise car d’une part, elle n’a pas de cahier de route, et d’autre part, elle ne prend pas en compte la réalité endémique d’un territoire.

D’autre part, cette typologie d’expertise n’est pas demandée et reste méconnue sur l’ensemble des territoires. Alors qu’elle reste le seul outil expertal de haut niveau indépendant, capable d’identifier la réalité endémique , économique et sécuritaire d’un territoire, pour ensuite croiser cette réalité avec la mémoire territoriale (savoirs), les moyens existants (pouvoirs) et les enjeux (vouloir) pour catalyser les désordres en opportunités.

L’astrophysicien et naturaliste Hubert Reeves avait d’ailleurs proposé de créer une stratégie environnementale du plaisir : « la source de plaisir la plus simple et la plus immédiatement accessible est sans doute le contact avec la nature, à la campagne, dans les champs et les bois, et même dans les jardins urbains, le vôtre peut-être... ».

Par le biais de l’expertise en stratégie environnementales et droit du vivant, les ressources naturelles deviendraient les nouvelles valeurs locales, avec le phénomène de globalisation mondiale.

2- La description des solutions et les conclusions possibles.

Les désordres constatés, devenant des catalyseurs, seront alors perçus comme un lien « intrinsèque » entre l’Homme et la Nature. Mireille Delmas Marty affirmait sur ce lien, en référence au préambule de la Charte française de 2005, que « les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l’émergence de l’humanité et que l’avenir et l’existence de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel ».

Ce lien intrinsèque et indissociable rejoint ainsi la pensée de l’astrophysicien et naturaliste, et plus généralement les dispositions de l’article 2 de la charte d’Humanité et Biodiversité du 21 septembre 2011, énonçant que « l’espèce humaine est un élément de la biodiversité [..] l’Humanité a donc la responsabilité de protéger le vivant, non seulement pour les avantages que nous en attendons mais aussi pour lui-même ».

L’expertise en stratégie environnementale et droit du Vivant intègre sous l’angle expertal le caractère interactif et évolutif. des ressources locales. Elle peut servir de socle à de nouveaux modes de gestion environnementales reposant sur le croisement des savoirs, pouvoirs et vouloirs locaux. Ainsi qu’à un Pacte Environnemental Futur (PEF). Propre à chaque territoire.

B. Les solutions expertales sécuritaires.

L’expertise en stratégie environnementale et droit du Vivant présente l’avantage indéniable de permettre à un territoire de connaître son passé, son présent et son avenir environnemental. Ce croisement expertal permet d’éclairer les causes du dommage environnemental et sa réparation, et la responsabilité environnementale qui en découle, personnelle ou collective, civile, pénale comme administrative.

1- Des solutions expertales visant une meilleure sécurité environnementale internationale.

L’expertise en stratégie environnementale et droit du Vivant reste dans la pratique liée à l’opposabilité internationale des accords internationaux. Et la réalité endémique.

Si l’esprit pionnier de la Convention sur la Diversité Biologique repose sur un engagement éthique des Etats et donc sans portée juridique non contraignante, les protocoles de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques, de Nagoya ou APA et le protocole additionnel de Nagoya–Kuala Lumpur ont permis un croisement réel entre les savoirs scientifiques et juridiques, les pouvoirs nationaux et internationaux et le vouloir international.

Felipe Cadena Garcia énonçait leur portée réellement contraignante à travers notamment leur objectif d’assurer une protection juridique sur les mouvements transfrontaliers d’organismes vivants modifiés. « Le Protocole additionnel établit un cadre large de régulation des principaux aspects qui caractérisent un régime de responsabilité et réparation. Il commence par définir le dommage comme un effet défavorable sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique, en tenant compte des risques pour la santé humaine, dommage qui doit être mesurable ou autrement observable et significatif. Selon le Protocole additionnel, le caractère significatif du dommage est caractérisé par une modification à long terme ou permanente, une ampleur des modifications qualitatives ou quantitatives qui nuisent aux éléments constitutifs de la diversité biologique, une réduction de la capacité qu’ont les éléments constitutifs de la diversité biologique de fournir des biens et des services et une ampleur de tout effet défavorable sur la santé humaine...l’élaboration du droit sur la responsabilité civile reste à la discrétion des États parties, y compris la détermination du type de responsabilité. En effet, en application de leur devoir d’adopter les mesures légales internes nécessaires pour appliquer le Protocole additionnel, les États aborderont la norme de responsabilité, c’est-à-dire s’il s’agit de responsabilité objective ou de responsabilité pour faute ».

2- Des solutions expertales visant une meilleure transversalité des protocoles.

Felipe Cadena Garcia indiquait que les protocoles participent directement à la construction de la responsabilité dans le droit international. « Cette norme est intéressante dans l’état actuel du droit international car le régime de responsabilité du Protocole additionnel ferait coexister des normes de responsabilité objective, basée sur l’occurrence d’un dommage et un lien de causalité avec l’organisme modifié, et des normes de responsabilité basées sur le comportement de l’opérateur et sa possible faute dans la commission d’un dommage ».Tout en dénonçant les limites des effets des protocoles : « ces progrès du Protocole additionnel n’impliquent toutefois pas une régulation de tous les aspects des dommages et de la responsabilité. Ainsi, il ne prévoit pas de normes sur le régime de preuves, ni sur le possible conflit de juridictions entre les parties à un différend, ni de dispositions sur les possibles conflits vis-à-vis de l’exécution d’une décision adoptée à l’étranger et à l’encontre d’une Partie au Protocole, ce qui renvoie à des règles externes et au droit international privé en vigueur... ». Il reconnaissait notamment qu’il existe des interrogations sur les terra nullius. « En outre, le Protocole additionnel établit qu’il s’applique au dommage survenu dans des zones situées dans les limites de la juridiction nationale des Parties. Cependant, on pourrait se demander quelles seraient les règles applicables aux dommages causés aux zones situées au-delà de la juridiction des États, tels que la haute mer, l’outre-espace, l’atmosphère et les zones polaires. Le Protocole additionnel paraît les exclure, malgré l’importance que ces dommages représentent dans le futur, et cela continuerait de faire l’objet de régimes particuliers et fait partie des développements que le droit international devra considérer dans son avenir ». L’auteur conclut qu’« il est important de relever l’importance du Protocole additionnel dans les efforts de la communauté des États pour développer le régime de responsabilité pour dommages environnementaux ».

L’expertise en stratégie environnementale et droit du Vivant incorpore le croisement entre savoirs, pouvoirs et vouloir en présentant un état de l’art pragmatique, les désordres et les moyens d’y remédier. Tout en incluant la capacité d’adaptation des milieux endémiques.

En conclusion, l’expertise en stratégie environnementale et droit du Vivant reste un outil embryonnaire, au service de tous les territoires. Il est une expérience qui va éclairer l’Humanité sur elle-même et permettre d’avancer. C’est un outil d’adaptation intelligente et résiliente au services des sociétés du XXIème siècle car « ce qui fait l’homme, c’est sa grande faculté d’adaptation » et « L’intelligence consiste à comprendre la nature du monde extérieur et à agir sur lui......telle est la nature de la vérité absolue, elle se manifeste sans être vue, elle produit ses effets sans mouvements, elle accomplit ses fins sans action ». Une autre vision des territoires est possible, autrement.

Laure Singla Environnementaliste expert PHD International environmental law Promotion François Molins, PDG fondateur SAS Juris Eco Conseil, Médiateur administratif et environnemental, Présidence du Cercle des Médiateurs Environnementaux & Administratifs, Expert près la CA de Montpellier et la CAA de Toulouse, Membre CEJICAM, CNEJAE, CEJC, CMEJ