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Financement des ONG : la transparence, indispensable paramètre pour les donateurs. Par Christian Renaud.
Parution : mercredi 29 novembre 2023
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Toujours aussi indispensables en parallèle de l’action publique, associations et ONG humanitaires sont désormais scrutées à la loupe : leur financement et l’utilisation de leur budget se doivent d’être exemplaires. Cette bataille pour leur crédibilité est aujourd’hui vitale.

« Un tri s’impose entre les ONG qui tiennent leurs engagements et d’autres, aussi opaques qu’opportunistes. Sans oublier les "faux nez", ces organisations derrière lesquelles on trouve un gouvernement, une idéologie, une organisation religieuse ou un lobby industriel », écrivaient en 2004 Thierry Pech et Marc-Olivier Padis [1] dans l’ouvrage de référence sur le sujet, intitulé Les Multinationales du cœur (éditions du Seuil). Trois ans plus tard, la France se dotait d’un baromètre de la transparence, via la fondation Prometheus, qui n’a pas manqué d’épingler de grands noms tels que Greenpeace [2].

Depuis, les choses ont changé, le secteur s’est assaini, même si les ONG et les associations doivent toujours convaincre de leur bonne gouvernance : désormais, pour être crédible, il faut jouer la carte de la transparence, à la fois financière et sur l’impact réel des actions entreprises auprès des bénéficiaires. Et cela, les grandes ONG comme les plus modestes l’ont bien compris. Car la réussite des levées de fonds en dépend.

Labels et critères de transparence.

En France, plusieurs certifications viennent attester de la transparence et de la conformité de l’action des structures à but non lucratif. C’est par exemple le cas du label Ideas qui mettent en avant la gouvernance, la gestion financière et le suivi de l’efficacité des activités des associations et autres ONG.

« Nous essayons d’aider les grandes associations à améliorer leurs pratiques, précise Suzanne Chami [3], déléguée générale d’Ideas. Elles peuvent ainsi convaincre plus facilement les entreprises et les philanthropes qui sont rassurés par le label, et aller chercher des ressources nouvelles ».

En 2022 par exemple, l’association Pour un Sourire d’Enfant (PSE) obtient à nouveau le label Ideas, après avoir été labellisée une première fois en 2018.

« C’est une étape importante dans la mise en œuvre d’amélioration continue de nos pratiques, souligne Thomas Valleteau [4], secrétaire général de l’association PSE. Le Label Ideas atteste du professionnalisme et de l’éthique de nos équipes - bénévoles comme salariés - et renforce la confiance de nos parties prenantes. Il nous inscrit au sein d’un collectif d’associations et de partenaires partageant les mêmes valeurs de transparence et de recherche d’impact auprès des bénéficiaires ».

Un impact qui se doit de perdurer, tant ses bénéficiaires - les enfants de Thaïlande vivant dans les décharges à ciel ouvert - sont encore dans le besoin.

En interne, bon nombre d’associations et d’ONG ont mis en place des indicateurs et des critères pour rendre compte de leur souci de conformité. Ce sont les fameux KPI - acronyme de Key Performance Indicators, pour Indicateurs clé de performance (ICP) - qui mesurent l’efficacité des dispositifs mis en place et les objectifs atteints.

Ils font partie du vocabulaire des entreprises commerciales et ont été adoptés par organismes non lucratifs, afin de garantir la transparence des levées de fonds.

« Nous avons des KPI comme dans n’importe quelle organisation, explique par exemple Fanny Fernandes [5], directrice exécutive de l’ONG Life. Ils traitent essentiellement du rapport entre les moyens et les résultats, comme le budget exact alloué à l’achat d’un certain nombre de colis, le nombre de personnes ayant gagné un accès à l’eau potable du fait de notre action, etc... ».

Pour cette ONG - qui travaille principalement en Afrique et en Asie afin de garantir l’accès à l’eau, à l’alimentation et à l’éducation des communautés locales -, la question de la transparence financière est une question de confiance et de légitimité, intégrée comme pilier de l’action depuis ses débuts :

« Sur la traçabilité, nous respectons déjà un principe qui est, pour l’instant, de privilégier des campagnes de financements dédiées : des appels aux dons sont réalisés pour certains projets spécifiques par exemple. C’est contraignant, mais c’est le gage d’une meilleure transparence pour nos donateurs », explique ainsi Tarek Elkahodi, président de l’ONG Life, qui précise encore

« du strict point de vue réglementaire, nous avons évidemment recours aux services d’un commissaire aux comptes qui certifient nos comptes, sachant que nous avons limité au maximum l’acceptation du cash. Mais comme ce n’est pas toujours suffisant, nous avons recours en plus à des outils logiciels et aux services de sociétés spécialisées qui vont nous permettre de vérifier l’origine de certains dons, ceux supérieurs à 2 000 euros par exemple, afin de faire une "levée de doutes". Nous sommes également vigilants de la même façon sur la destination des fonds et donc sur la probité de nos partenaires ».

Si la gestion financière des ONG est désormais scrupuleusement analysée, c’est parce que de leur crédibilité et de leur transparence dépend leur efficacité : l’action humanitaire est impossible sans financements, mais les financements reposent sur la confiance des donateurs. Et certaines ONG comme Life ont donc choisi de prendre les devants. Leur crédibilité devant les bailleurs et les donateurs en dépend.

Vérification des ONG… et de leur personnel.

Face aux dérives des années 1990-2000 dans le fonctionnement de certaines organisations non gouvernementales, l’Union européenne (UE) a choisi de définir très clairement les limites et les contraintes de leurs activités, à travers ce que l’UE appelle « l’espace juridique des ONG », tout en laissant une certaine latitude à leurs responsables.

« Afin de dissiper toute préoccupation concernant le fait que des ONG pourraient ne pas consacrer une part de leurs ressources aussi importante qu’il est possible à la poursuite de leurs objectifs, écrit Jeremy McBride [6], à la tête du Conseil d’experts de l’UE sur le droit des ONG, il peut leur être imposé de divulguer la proportion de leurs dépenses engagées pour la collecte des fonds et les frais généraux administratifs. Cette disposition ne vise pas à fixer une limite particulière à ces dépenses engagées pour la collecte des fonds et les frais généraux administratifs, mais à garantir la transparence ».

Pour les instances européennes, l’objectif nº1 reste la transparence, Car certaines dérives persistent encore, y compris au sein d’ONG financées par des fonds publics : Magali Crochard, dirigeante d’une association du secteur médico-social, baptisée Entr’aide Vivre, vient ainsi de se faire épingler par le journal Marianne [7] pour des notes de frais abyssales sans rapport avec l’objet de l’association. Point problématique sur ce dossier particulier, les alertes transmises par des salariés de l’association ne semblent pas avoir été suivies d’effet.

La transparence - demandée aux ONG comme aux entreprises - doit aussi s’exercer sur les personnes, afin de garantir la vertu de ces dernières. Cette préoccupation spécifique en matière de conformité a été baptisée par les Anglo-saxons la KYC (Know Your Customer) : il s’agit de collecter les informations essentielles sur le personnel des ONG afin que les donateurs puissent être sûrs que dons et investissements soient bien fléchés.

Donateurs privés comme institutionnels peuvent désormais vérifier si les responsables apparaissent sur 4 listes : celle des sanctions mondiales, celle des entités criminelles, celle des sociétés et individus déchus et radiés par l’autorité de réglementation et celle des personnalités politiquement exposées (PPE) afin d’identifier les potentiels liens politiques. Si cette disposition est essentielle pour le financement des entreprises, elle est aussi valable pour le financement des ONG dont les responsables doivent montrer patte blanche.

Associations et ONG humanitaires sont très actives en ce moment, sachant qu’elles récoltent 40% de leurs dons annuels entre octobre et décembre.

Mais attention aux sollicitations dans la rue ou dans vos boîtes mail, auxquelles ont recours certaines associations douteuses.

Donner, c’est avant tout une question de confiance. Alors autant privilégier associations et ONG qui se battent pour faire reconnaître le bien-fondé et l’impact de leurs actions.

Christian Renaud Spécialiste consommation, communication, concurrence