Village de la Justice www.village-justice.com

Comment signifier ou notifier un acte judiciaire ou extrajudiciaire au sein de l’Union européenne ? Par Liliane Soares, Avocate.
Parution : mercredi 7 février 2024
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/comment-signifier-notifier-acte-sein-union-europeenne,48006.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Depuis le 1er juillet 2022, le Règlement (UE) 2020/1784 a instauré un nouveau cadre réglementaire pour la signification et la notification des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale au sein de l’Union européenne. Remplaçant le Règlement (CE) n°1393/2007, cette refonte vise à améliorer et accélérer le processus de transmission des actes entre les États membres, facilitant ainsi la coopération judiciaire transfrontalière.

À partir du 1er mai 2025, les États membres seront tenus d’utiliser un système informatique décentralisé pour la signification et la notification des actes, conformément aux dispositions du règlement. Ce système permettra une gestion centralisée et efficace des échanges d’actes entre les autorités compétentes des différents États membres, garantissant ainsi une meilleure coordination et une plus grande rapidité dans le traitement des affaires transfrontalières.

Conformément à ce règlement, les actes judiciaires et extrajudiciaires devront être signifiés ou notifiés par voie électronique, garantissant ainsi une transmission plus rapide et sécurisée. Ce changement s’inscrit dans une démarche visant à moderniser les procédures judiciaires et à faciliter l’accès à la justice pour les citoyens et les entreprises de l’UE.

Le champ d’application du règlement exclut explicitement les matières fiscales, douanières ou administratives, ainsi que la responsabilité des États membres pour des actes ou omissions liés à l’exercice de la puissance publique.

Ce règlement ne s’applique pas lorsque l’adresse du destinataire de l’acte n’est pas connue, ni lorsque la signification ou la notification est effectuée dans l’État membre du for à un représentant mandaté par le destinataire.

Il définit également les entités d’origine et les entités requises dans chaque État membre, chargées respectivement de transmettre et de recevoir les actes. Les États membres sont tenus de fournir à la Commission des informations sur ces entités.

Chaque État membre doit désigner un organisme central chargé de fournir des informations, de résoudre les difficultés éventuelles et de transmettre les demandes de signification ou de notification dans des cas exceptionnels.

La transmission des actes se fait via un système informatique décentralisé sécurisé, conformément aux normes interopérables telles que l’e-CODEX. Les actes électroniques ont la même valeur juridique que les actes papier.

Lorsque l’adresse du destinataire n’est pas connue, les États membres doivent fournir une assistance pour la trouver, soit en prévoyant des autorités désignées, soit en autorisant l’accès à des bases de données accessibles au public, soit en fournissant des informations détaillées via le portail européen e-justice.

Les actes judiciaires sont transmis directement entre les entités d’origine et requises, accompagnés d’une traduction dans la langue officielle de l’État membre requis, si nécessaire. L’entité requise envoie un accusé de réception dès réception de l’acte et procède à sa signification ou notification dans un délai d’un mois.

En cas de refus de réception de l’acte par le destinataire, celui-ci peut le faire dans un délai de deux semaines après la signification ou la notification, en indiquant les raisons de ce refus. L’entité requise en informe alors immédiatement l’entité d’origine et retourne l’acte avec les informations nécessaires.

Le texte concerne donc la manière dont les actes judiciaires et extrajudiciaires sont signifiés ou notifiés entre les États membres de l’Union européenne. Il établit des règles concernant la date de signification ou de notification, l’attestation de signification ou de notification, les frais associés à ces processus, ainsi que les différents moyens de transmission et de signification. Ces moyens incluent la voie diplomatique ou consulaire, la signification par les agents diplomatiques ou consulaires, la signification par les services postaux, la signification par voie électronique et la signification directe par des officiers ministériels ou des personnes compétentes. Le texte précise également que ces règles s’appliquent aux actes extrajudiciaires et établit des dispositions concernant leur transmission et leur signification.

Lorsqu’un acte judiciaire doit être remis à un défendeur dans un autre pays de l’Union européenne pour notification, et que le défendeur ne se présente pas, le tribunal doit attendre qu’il soit prouvé que la notification a été faite de manière adéquate et dans un délai raisonnable. Si cela n’est pas établi, le tribunal peut statuer sur la question.

Si une juridiction décide de statuer malgré l’absence de preuve de notification, certaines conditions doivent être remplies, notamment l’utilisation des méthodes prévues par la loi, un délai approprié, et des efforts raisonnables pour obtenir une confirmation de la notification. Dans les cas d’urgence, le tribunal peut prendre des mesures provisoires.

Si une décision est rendue contre un défendeur absent, le tribunal peut annuler la déchéance des délais de recours si le défendeur n’a pas eu la possibilité de se défendre à temps et si ses arguments semblent valables. Il est également question de la procédure pour la modification des formulaires associés au règlement et des modalités de mise en œuvre informatique du système décentralisé.

Enfin, le texte aborde la protection des données personnelles et des droits fondamentaux des personnes concernées conformément au droit de l’Union européenne.

La mise en place de ce système informatique décentralisé représente une avancée majeure dans le domaine de la coopération judiciaire au sein de l’UE. En favorisant l’utilisation des technologies numériques, les États membres contribuent à simplifier les procédures et à renforcer la confiance mutuelle entre les systèmes judiciaires nationaux.

En conclusion, le nouveau cadre réglementaire instauré par le Règlement (UE) 2020/1784 marque une étape importante dans la modernisation de la transmission des actes judiciaires et extrajudiciaires au sein de l’Union européenne. Grâce à l’utilisation de moyens électroniques et à la mise en place d’un système informatique décentralisé, les États membres renforcent leur coopération judiciaire et facilitent l’accès à la justice pour tous les citoyens et entreprises de l’UE.

Liliane Soares Avocate aux Barreaux de Paris et de Rio de Janeiro