Village de la Justice www.village-justice.com

Recyclage : vers un droit de préemption ? Par Thierry Charles, Docteur en droit.
Parution : jeudi 2 novembre 2023
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/recyclage-vers-droit-preemption,47723.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

À l’occasion des débats autour de la consigne, la question de l’accès privilégié à la matière est revenue sur le tapis. L’option de la « Règle du premier refus » (« Right of first refusal »), parfois aussi appelée « Droit de préférence », a été maintes fois évoquée dans ce contexte.

A l’occasion des débats autour de la consigne, la question de l’accès privilégié à la matière est revenue sur le tapis. L’option de la « Règle du premier refus » (« Right of first refusal »), parfois aussi appelé « Droit de préférence », a été maintes fois évoqué dans ce contexte.

Les récents appels à l’introduction d’un accès prioritaire aux plastiques recyclés, prennent également de plus en plus de place dans le débat public sur la proposition de règlement sur les emballages et les déchets. d’emballages (PPWR).

Or, s’il était mis en œuvre, ce droit de préemption ou droit d’accès prioritaire pourrait à terme être préjudiciable au développement des capacités de recyclage en Europe, en promouvant un contrôle monopolistique des polymères recyclés et en allant à l’encontre des principes du libre marché.

I - Quand le droit de préemption plane sur le recyclage.

Rappelons que le propriétaire d’un bien est a priori libre de le vendre à la personne qu’il souhaite. Le droit de préemption constitue une exception à cette règle et consiste à accorder un droit prioritaire d’achat à une personne physique ou morale.

L’utilisation du droit de préemption ne se limite pas à des domaines régis par la loi. On le trouve en effet dans nombre de relations « contractuelles » entre diverses parties.

En effet, le droit de premier refus est un droit contractuel de conclure une transaction commerciale avec une personne ou une entreprise avant que quiconque ne le puisse. Si la partie bénéficie de ce droit de refuser de conclure une transaction, le débiteur est libre d’accepter d’autres offres.

Appliqué à la reprise des bouteilles PET, il s’agirait de prévoir par exemple, dans le cadre du cahier des charges national de gestion de la consigne prévu par décret, un droit préférentiel pour accéder au PET recyclé des bouteilles pour les fabricants d’emballages qui se voient imposer des contraintes en termes d’incorporation.

Les droits de premier refus sont une caractéristique commune dans de nombreux autres domaines, de l’immobilier au sport, à la relation franchiseur-franchisé et au divertissement. Par exemple, une maison d’édition peut demander un droit de premier refus sur les futurs livres d’un nouvel auteur.

Le droit de premier refus est souvent prévu dans les accords de financement avec des investisseurs professionnels, tels que les fonds de capital-risque ou les fonds de « private equity ». Il vise à protéger leurs intérêts et à leur garantir un retour sur investissement minimum en cas de revente des actions.

Il peut par exemple prévoir un droit de premier refus sur les actions de l’entreprise, qui permet aux actionnaires de refuser la vente des actions à un tiers et de les acheter eux-mêmes.

Il peut également prévoir un droit de premier refus sur les actifs de l’entreprise, qui permet aux actionnaires de s’opposer à la vente de ces actifs à un tiers et de les acheter eux-mêmes.

Les clauses de droit de premier refus sont similaires aux contrats d’options dans la mesure où le titulaire a le droit, mais non l’obligation, de conclure une transaction qui implique généralement un actif. La personne bénéficie de ce droit à la possibilité d’établir un contrat ou un accord sur un actif avant que d’autres ne le puissent.

II - Droit de préemption et concurrence des droits.

Ainsi, un droit de premier refus est une sorte de « police d’assurance », garantissant qu’il ne perdra pas les droits sur un actif qu’il souhaite ou dont il a besoin.
Dans la plasturgie, alors que certaines échéances se rapprochent autour de la nouvelle loi européenne sur l’emballage (PPWR), les grandes manœuvres ont commencé afin de sécuriser les débouchés.

Revendiqué par certains donneurs d’ordre de la bouteille plastique pour boissons pour pallier d’hypothétiques difficultés d’approvisionnement en matières plastiques recyclées (MPR) « origine bouteille », un tel droit d’accès prioritaire permettrait un accès privilégié aux acteurs supportant les obligations d’écoconception et d’incorporation de recyclés.

Toutefois, dans le contexte de la chute accélérée de la demande en matériaux recyclés, cette revendication est surprenante alors qu’elle intervient au moment même où les donneurs d’ordre, au mépris de leurs engagements antérieurs, préfèrent les résines vierges importées (et bon marché) aux MPR en stock chez les régénérateurs.

Au surplus, le droit de préemption peut être perçu comme un instrument visant à restreindre la concurrence.

En effet, le droit de préemption est décrié en ce qu’il risque de dégrader la viabilité à court terme du recyclage mécanique et sa pérennité.

Thierry Charles Directeur des Affaires Publiques & Compliance (Polyvia) Docteur en Droit