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L’assurance chômage des agents contractuels des institutions de l’Union Européenne, originale et méconnue. Par Charles-Edouard Poncet, Avocat.
Parution : mercredi 25 octobre 2023
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Les agents non-fonctionnaires des institutions de l’Union Européenne constituent une population d’environ 15 000 personnes et bénéficient d’une assurance chômage atypique. L’existence de cette assurance est méconnue, son caractère complémentaire avec l’assurance chômage de chaque Etat membre est unique et suppose une coopération entre la Commission européenne et les services nationaux compétents en matière d’emploi et de chômage - en France Pôle Emploi - agissant dans le cadre de leur législation (I).

Un arrêt de principe Melchior de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a été nécessaire pour rappeler aux services nationaux compétents en matière d’emploi et de chômage la nécessité d’une coopération loyale (II).

En France, la mise en œuvre par Pôle emploi, nécessite le plus souvent l’application complémentaire des règlements européens de coordination en matière de sécurité sociale (III).

I. L’assurance chômage des « autres agents » (agents contractuels non-fonctionnaires) des institutions européennes.

Les personnels concernés (autres agents au sens du statut des personnels de l’UE) représentent 25% des 60 000 agents employés par les institutions et agences européennes [1].

Les institutions de l’Union Européenne sont le Parlement européen, qui dispose de services à Bruxelles, à Strasbourg et au Luxembourg, le Conseil européen à Bruxelles, le Conseil de l’Union européenne à Bruxelles et au Luxembourg, la Commission européenne qui emploie des personnels à Bruxelles, au Luxembourg et dans ses représentations diplomatiques (dans toute l’UE et dans les pays tiers), la Cour de justice de l’Union européenne au Luxembourg, la Banque centrale européenne à Francfort, et la Cour des comptes européenne au Luxembourg.

A ces institutions, l’article 1er bis du statut, ajoute les personnes nommées dans les « agences » de l’UE (sans que cette liste soit exhaustive : Frontex à Varsovie, l’agence Européenne du Médicament à Amsterdam, l’Agence Européenne de l’Environnement à Copenhague…), le Comité économique et social européen à Bruxelles, le Comité européens des régions à Bruxelles, le médiateur de l’Union européenne à Strasbourg, le contrôleur européen de la protection des données à Bruxelles, la Banque européenne d’investissement au Luxembourg.

L’assurance s’applique à tous les personnels qui résident dans un Etat membre.

Ce sont donc tous les services nationaux compétents en matière d’emploi et de chômage qui doivent mettre en œuvre la coopération avec la Commission pour rendre effective la couverture d’assurance chômage des « autres agents » (non fonctionnaires) employés par les institutions européennes.

Les règles de l’assurance chômage des « autres agents » de l’Union Européenne.

La protection en cas de perte d’emploi est visée à l’article 96 du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes, établi par le règlement (CEE, Euratom, CECA) N° 259/68 du Conseil, du 29 février 1968, fixant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés, et instituant des mesures particulières temporairement applicables aux fonctionnaires de la Commission (JO L 56, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) No 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004 (JO L 124, p. 1, ci-après le « RAA »).

Article 96 :

« 1. L’ancien agent contractuel se trouvant sans emploi après la cessation de son service auprès d’une institution des Communautés européennes et
a) qui n’est pas titulaire d’une pension d’ancienneté ou d’une allocation d’invalidité à charge des Communautés européennes,
b) dont la cessation de service n’est pas consécutive à une démission ou à une résiliation du contrat pour motif disciplinaire,
c) qui a accompli une durée minimale de service de six mois,
d) qui est résident dans un État membre,
bénéficie d’une allocation mensuelle de chômage dans les conditions déterminées ci-après.
Lorsqu’il peut prétendre à une allocation de chômage au titre d’un régime national, il est tenu d’en faire la déclaration auprès de l’institution dont il relevait, qui en informe immédiatement la Commission. Dans ce cas, le montant de cette allocation vient en déduction de celle versée au titre du paragraphe 3.
2. Pour bénéficier de l’allocation de chômage, l’ancien agent contractuel :
a) est, à sa demande, inscrit comme demandeur d’emploi auprès des services de l’emploi de l’État membre où il établit sa résidence ;
b) remplit les obligations prévues par la législation de cet État membre incombant au titulaire des prestations de chômage au titre de cette législation ;
c) est tenu de transmettre mensuellement à l’institution dont il relevait, qui la transmet immédiatement à la Commission, une attestation émanant du service national de l’emploi compétent, précisant s’il a ou non satisfait aux obligations et conditions fixées aux points a) et b).
La prestation peut être accordée ou maintenue par la Communauté, malgré le fait que les obligations nationales visées au point b) ne sont pas remplies, en cas de maladie, d’accident, de maternité, d’invalidité ou de situation reconnue comme analogue, ou de dispense par l’autorité nationale compétente de satisfaire à ces obligations.
La Commission fixe, après avis d’un comité d’experts, les dispositions qu’elle estime nécessaires pour l’application du présent article.
3. L’allocation de chômage est fixée par référence au traitement de base acquis par l’agent contractuel au moment de la cessation de son service. Cette allocation de chômage est fixée à :
a) 60% du traitement de base pendant une période initiale de douze mois,
b) 45% du traitement de base du treizième au vingt-quatrième mois,
c) 30% du traitement de base du vingt-cinquième au trente-sixième mois.
En dehors de la période initiale de six mois au cours de laquelle la limite inférieure définie ci-après s’applique tandis que la limite supérieure ne s’applique pas, les montants ainsi définis ne peuvent être inférieurs à 878,64 euros ni supérieurs à 1 757,28 euros. Ces limites sont adaptées de la même manière que la grille des traitements figurant à l’article 66 du statut, conformément à l’article 65 du statut.
4. L’allocation de chômage est versée à l’ancien agent contractuel à compter du jour de la cessation de son service pour une période maximale de trente-six mois et en tous cas n’excédant pas le tiers de la durée effective du service accompli. Si, toutefois, au cours de cette période, l’ancien agent contractuel cesse de remplir les conditions prévues aux paragraphes 1 et 2, le versement de l’allocation est interrompu. L’allocation est de nouveau versée si, avant l’expiration de cette période, l’ancien agent contractuel remplit à nouveau les conditions précitées sans avoir acquis le droit à une allocation de chômage national.
5. L’ancien agent contractuel bénéficiaire de l’allocation de chômage a droit aux allocations familiales qui sont prévues à l’article 67 du statut. L’allocation de foyer est calculée sur la base de l’allocation de chômage dans les conditions prévues à l’article 1er de l’annexe VII du statut.
L’intéressé est tenu de déclarer les allocations de même nature perçues par ailleurs soit par lui-même, soit par son conjoint, ces allocations venant en déduction de celles à verser en application du présent article.
L’ancien agent contractuel bénéficiaire de l’allocation de chômage a droit, dans les conditions prévues à l’article 72 du statut, à la couverture des risques de maladie sans contribution à sa charge.
6. L’allocation de chômage et les allocations familiales sont payées par la Commission en euros. Aucun coefficient correcteur ne s’applique à cet effet.
7. Tout agent contractuel contribue pour un tiers au financement du régime d’assurance contre le chômage.
Cette contribution est fixée à 0,81% du traitement de base de l’intéressé, après un abattement forfaitaire de 798,77 euros, compte non tenu des coefficients correcteurs prévus à l’article 64 du statut. Cette contribution est déduite mensuellement du traitement de l’intéressé et versée, augmentée des deux tiers restant à charge de l’institution, à un Fonds spécial de chômage. Ce Fonds est commun aux institutions et celles-ci versent chaque mois à la Commission, au plus tard huit jours après le paiement des rémunérations, leurs contributions.
L’ordonnancement et le paiement de toute dépense découlant de l’application du présent article sont effectués par la Commission selon les dispositions du règlement financier applicable au budget général de l’Union européenne.
8. L’allocation de chômage versée à l’ancien agent contractuel demeuré sans emploi est soumise au règlement (CEE, Euratom, CECA) n° 260/68 du Conseil du 29 février 1968 portant fixation des conditions et de la procédure d’application de l’impôt communautaire établi au profit des Communautés européennes.
9. Les services nationaux compétents en matière d’emploi et de chômage, agissant dans le cadre de leur législation nationale, et la Commission assurent une coopération efficace afin d’assurer une bonne application du présent article.
10. Les modalités d’application adoptées conformément à l’article 28 bis, paragraphe 10, s’appliquent au présent article, sans préjudice des dispositions établies au paragraphe 2, dernier alinéa du présent article.
11. Un an après l’instauration du présent régime d’assurance contre le chômage, et ensuite tous les deux ans, la Commission présente au Conseil un rapport sur la situation financière de ce régime. Indépendamment de ce rapport, la Commission peut saisir le Conseil de propositions d’adaptation des contributions prévues au paragraphe 7 si l’équilibre du régime l’exige. Le Conseil statue sur ces propositions dans les conditions prévues au paragraphe 3
 ».

La principale originalité de cette assurance est d’être complémentaire de la couverture nationale de l’assurance chômage de l’Etat de résidence de l’agent. Cet Etat doit être membre de l’UE. L’assurance ne s’applique pas à un agent qui résiderait dans un Etat non-membre.

L’agent ayant perdu son emploi doit donc remplir les conditions permettant son indemnisation dans son pays de résidence et ce n’est que si l’indemnisation est en deçà des prestations prévues par l’article 96, qu’il peut demander à la commission d’assurer le complément.

En pratique afin de bénéficier de la couverture chômage, l’ancien agent doit présenter une déclaration de perte d’emploi, huit jours après la fin de son contrat, à l’institution européenne dont il relevait. Il est prévu que ce document mentionne sa résidence dans un État membre de l’UE (avec son adresse) et confirme son statut de demandeur d’emploi.

L’ancien agent est tenu, par ailleurs, dans un délai de trente jours après la fin de son contrat, de s’inscrire comme demandeur d’emploi auprès des services compétents et de leur demander les prestations chômage, lorsque la législation du lieu de résidence le prévoit. Il doit également soumettre au service national d’emploi une attestation de son inscription comme demandeur d’emploi et la renvoyer au plus vite à l’institution, dont il relevait à la fin de son contrat.

L’ancien agent a pour obligation de se soumettre à tous les contrôles requis par la législation de son lieu de résidence pour bénéficier de l’allocation chômage. Enfin, il est tenu, à partir du deuxième mois après la fin de son contrat, de faire remplir une attestation mensuelle, par les services d’emploi de son lieu de résidence, qui précise son statut de demandeur d’emploi, confirme le fait qu’il s’est soumis aux contrôles requis par la législation nationale et s’il a droit aux prestations chômage de son lieu de résidence.

le montant de l’allocation chômage par référence au traitement de base de l’agent, au moment de la cessation de service est de 60% du traitement de base pendant une période initiale de douze mois ; 45% du traitement de base du treizième au vingt-quatrième mois ; 30% du traitement de base du vingt-cinquième au trente-sixième mois.

II. L’arrêt de principe Melchior de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE).

L’aspect complémentaire de couverture contre le risque chômage des « autres agents » de l’Union Européenne suppose une coopération loyale des services nationaux compétents en matière d’emploi et de chômage de l’Etat de résidence et la Commission.
Cette coopération a rencontré (et rencontre toujours) des réticences dans la mise en œuvre.

Au-delà de la méconnaissance technique d’un dispositif visant une population restreinte à l’échelle du traitement de masse des demandeurs d’emploi, cette assurance complémentaire impose aux Etats membres, de prendre en compte les périodes travaillées sous l’assurance visée à l’article 96 du statut pour déterminer l’admissibilité à l’assurance chômage nationale et de servir, le cas échéant, des prestations d’assurance sans avoir perçu de cotisations, celles-ci étant perçues uniquement au profit du fonds social du chômage européen.

Un arrêt de principe Melchior [2] du 4 février 2015 de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a rappelé aux services nationaux compétents en matière d’emploi et de chômage la nécessité d’une coopération loyale avec la Commission.

Les faits à l’origine du litige Melchior permettent de bien comprendre la problématique. Les faits rapportés de façon simplifiée sont issus des considérants de l’arrêt.

Mme Melchior, de nationalité belge, a occupé différents emplois en qualité de travailleur salarié en Belgique avant de travailler à la Commission des Communautés européennes à Bruxelles, du 1er mars 2005 au 29 février 2008, en qualité d’agent contractuel.

Par décision du 5 mars 2008, l’ONEM (le Pôle Emploi belge) lui a refusé le bénéfice des allocations de chômage, qu’elle avait sollicité le 1er mars 2008, au motif qu’elle ne justifiait pas avoir accompli 624 journées de travail au cours des 36 mois précédant sa demande, l’ONEM refusant de prendre compte la période pendant laquelle l’intéressée avait travaillé à la Commission.

Après avoir obtenu le bénéfice de l’allocation de chômage prévue par l’arrêté royal belge du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, pour une durée de 12 mois à partir du 1er mars 2008 et occupé divers emplois en Belgique entre le 20 août 2008 et le 13 juillet 2009, Mme Melchior a de nouveau introduit une demande d’allocations de chômage qui a été rejetée par une décision de l’ONEM en date du 26 août 2009 au motif, encore, qu’elle ne prouvait pas avoir accompli 624 journées de travail au cours des 36 mois précédant ladite demande, à savoir au cours de la période allant du 14 juillet 2006 au 14 juillet 2009.

Pour déterminer le nombre de journées de travail accomplies, l’ONEM ne retenait que les périodes correspondant à ces divers emplois. Il refusait, d’une part, de prendre en compte la période d’activité accomplie au service de la Commission comme une période de travail effectué à l’étranger, au sens de l’article 37, paragraphe 2, de l’arrêté royal, et, d’autre part, d’assimiler, sur le fondement de l’article 38, paragraphe 1, 1°, sous a), du même arrêté, la période de chômage indemnisée comme une période de travail.

Mme Melchior a contesté la décision de l’ONEM devant le Tribunal du travail de Bruxelles qui, par jugement du 14 février 2012, a annulé ladite décision, déclaré l’intéressée admissible au bénéfice des allocations de chômage à compter du 14 juillet 2009 et condamné l’ONEM au paiement des allocations échues à compter de cette date.

L’ONEM a interjeté appel de ce jugement devant la Cour du travail de Bruxelles, à laquelle elle a demandé de réformer celui-ci et de rétablir la décision de l’ONEM du 26 août 2009.

La Cour du travail de Bruxelles a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour de Justice de l’Union Européenne une question préjudicielle visant à savoir si les jours travaillés au sein des institutions européennes étaient assimilables aux jours travaillés de droit commun.

« Le principe de coopération loyale et l’article 4, paragraphe 3, TUE, d’une part, l’article 34, paragraphe 1 de la Charte, d’autre part, s’opposent-ils à ce que pour l’admissibilité au bénéfice des allocations de chômage, un État membre refuse :

  • de prendre en compte des périodes de travail effectuées comme agent contractuel au service d’une institution de l’Union européenne établie dans cet État membre, en particulier lorsque, tant avant qu’après la période d’occupation comme agent contractuel, des prestations ont été accomplies comme travailleur salarié en vertu de la réglementation dudit État membre ;
  • d’assimiler les journées de chômage indemnisées dans le cadre du RAA à des journées de travail alors que les journées de chômage indemnisées conformément à la réglementation dudit État membre bénéficient d’une telle assimilation ? »

L’arrêt Melchior répond sans ambiguïté : les journées travaillées par un contractuel au sein d’une institution européenne doivent être prises en compte pour déterminer l’admissibilité à l’assurance chômage nationale.

La CJUE rappelle en préalable que le statut des fonctionnaires des Communautés européennes, est un règlement du Conseil à portée générale obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre. En conséquence ce texte oblige les États membres dans toute la mesure où leur concours est nécessaire à sa mise en œuvre.

La CJUE mentionne ensuite qu’elle a déjà jugé, dans l’arrêt My [3], à propos de la coordination des régimes de retraite au sein de l’UE qu’une réglementation nationale devait prendre en compte les années de travail qu’un ressortissant de l’Union a accomplies au service d’une institution de l’Union aux fins de l’ouverture d’un droit à une pension de retraite anticipée au titre du régime national. Dans l’ordonnance Ricci et Pisaneschi [4], la cour a précisé qu’il en était de même en ce qui concerne l’ouverture d’un droit à une pension de retraite ordinaire.

Pour statuer ainsi, la cour a relevé qu’une réglementation nationale refusant de prendre en compte les années travaillées au sein d’une institution de l’UE était susceptible de décourager l’exercice d’une activité professionnelle au service de ces institutions, dans la mesure où, en acceptant un emploi auprès de l’une de celles-ci, un travailleur ayant précédemment été affilié à un régime de pension national risquait de perdre la possibilité de bénéficier, au titre de ce régime, d’une prestation de vieillesse à laquelle il aurait eu droit s’il n’avait pas accepté cet emploi.

La cour a considéré que de telles conséquences ne pouvaient être admises au regard du devoir de coopération et d’assistance loyales qui incombe aux États membres à l’égard de l’Union et de faciliter à celle-ci l’accomplissement de sa mission.

Ainsi, une réglementation nationale refusant de prendre en compte les années travaillées au service de l’Union Européenne serait donc susceptible de dissuader les travailleurs résidant dans cet État membre d’exercer dans une institution de l’Union un emploi dont la durée réglementairement limitée les place dans la perspective de devoir s’insérer ou de se réinsérer à terme sur le marché du travail national, dès lors que, du fait de cet emploi, ils risquent de ne pas totaliser le nombre de journées de travail requis par cette réglementation pour percevoir des allocations en cas de chômage.

Par ces motifs, la cour (troisième chambre) a dit pour droit :

L’article 10 CE, en liaison avec le régime applicable aux autres agents des Communautés européennes établi par le règlement (CEE, Euratom, CECA) no 259/68 du Conseil, du 29 février 1968, fixant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés, et instituant des mesures particulières temporairement applicables aux fonctionnaires de la Commission, tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, s’oppose à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, interprétée en ce sens que, pour l’admissibilité au bénéfice des allocations de chômage, ne sont pas prises en compte les périodes de travail accomplies en qualité d’agent contractuel au sein d’une institution de l’Union européenne établie dans cet État membre et ne sont pas assimilées à des journées de travail les journées de chômage ayant donné lieu au versement d’une allocation de chômage en application du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes, alors que les journées de chômage indemnisées en vertu de la réglementation dudit État membre bénéficient d’une telle assimilation.

L’arrêt Melchior rappelle donc avec fermeté qu’une réglementation nationale d’assurance chômage ne peut pas refuser de prendre en compte pour l’admissibilité au bénéfice des allocations de chômage, des périodes de travail accomplies en qualité d’agent contractuel au sein d’une institution de l’Union européenne.

III. L’application en France par Pôle Emploi.

En France, il faut distinguer deux cas de figure selon que (cas 1) l’institution européenne a son siège en France (délégation de l’Union Européenne, Parlement de Strasbourg, Médiateur Européen) ou bien -ce qui est le cas le plus courant (cas 2), dans un autre Etat membre.

Dans le premier cas, qui correspond exactement à l’arrêt Melchior, où la demanderesse résidait en Belgique et travaillait au sein de l’Union Européenne à Bruxelles, la mise en œuvre ne présente pas de difficulté de principe. Les jours travaillés dans l’institution européenne sise en France doivent être assimilés à des jours travaillés en France sous assurance.

Dans le second cas, où l’agent travaillait, par exemple, à Bruxelles, puis est rentré en France après la perte de son emploi, il convient de se référer à la fois aux règles nationales qui régissent l’assurance chômage et aux règlements européens de coordination de la sécurité sociale : le règlement (CE) n° 883/2 004 et ses règlements d’application (CE) n°5987/ 2009 et 988/2009, applicables à l’assurance chômage, objets d’une circulaire Unedic N°2010-23 du 17 décembre 2010.

Cette réglementation repose sur deux principes :

1/ Les périodes accomplies à l’étranger doivent correspondre à des périodes d’assurance en France. Lorsque la réglementation en vigueur dans un Etat membre prévoit que le bénéfice des prestations ou la durée du versement de celles-ci est subordonné à l’accomplissement d’une période d’assurance, d’emploi ou d’activité non salariée, toute période d’assurance, d’emploi ou d’activité non salariée accomplie dans un autre Etat membre doit être prise en considération (Règl. (CE) n° 883/2004, art. 61 1.).

Ainsi, toute période attestée par l’Etat d’emploi comme une période d’assurance peut être prise en compte pour le calcul de l’affiliation par l’Etat compétent pour l’instruction des droits. Cette attestation s’exprime sous la forme d’un imprimé spécifique U1, émis par le service compétent dans l’état d’origine, qui atteste que le travailleur a été salarié dans un emploi couvert par une assurance chômage.

Une difficulté peut apparaitre à ce stade si le service national en charge de l’emploi dans l’Etat membre du siège de l’institution européenne considère, à rebours de l’arrêt Melchior que les périodes travaillées au sein de l’Institution concernée ne sont pas couvertes par une assurance chômage. Cela peut arriver, le statut des contractuels européens étant méconnu par ces services.

2/ La dernière période d’activité salariée doit avoir été accomplie en France. En vue de l’ouverture de droits à l’aide au retour à l’emploi (ARE), la totalisation des périodes n’est possible que si la dernière activité professionnelle correspond à une période d’activité relevant du champ de l’assurance chômage conformément aux articles L5422-13 et suivants du Code du travail. (Règl. (CE) n°883/ 2004, art. 61 2).

Cela signifie concrètement que le demandeur d’emploi doit au préalable, travailler au moins une journée, en France, les salaires obtenus étant alors utilisés pour le calcul des droits. Afin d’éviter toute suspicion de fraude, il est recommandé de travailler quelques semaines chez un employeur non susceptible de complaisance, comme une agence d’intérim ou un employeur sans lien familial avec le demandeur d’emploi.

Cette dernière exigence ne s’applique pas aux travailleurs ayant la qualité de frontaliers. Dans ce cas, le traitement de ces dossiers relève du cas 1 évoqué supra.

Conclusion.

Le cas des contractuels des institutions européennes est méconnu, original et… complexe.

Il soulève en pratique des réticences dans la mise en œuvre de la part des services nationaux en charge de l’emploi.

Le motif de ces réticences, au-delà d’une méconnaissance d’un dispositif concernant un nombre limité de personnels, est sans doute à rechercher, comme le soulevait le gouvernement Belge dans sa défense dans le cas Melchior dans le fait que « le régime de l’assurance chômage est fondé en Belgique sur un principe de solidarité qui implique le versement préalable de cotisations ».

De fait, le financement de l’Etat membre concerné par le service du premier niveau de prestations qui lui incombe, n’est pas visé dans les textes.

Le fond chômage de l’UE n’évoquant comme dépenses que les versements complémentaires et non les versements de base prévus par les législations nationales.

Charles-Edouard Poncet, Avocat au barreau des Hauts-de-Seine