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Les professionnels du droit exerçant sous la forme de sociétés commerciales de droit commun sur la sellette.
Parution : jeudi 12 octobre 2023
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La loi Macron du 6 août 2015 a permis, aux avocats, notaires, administrateurs ou mandataires judiciaires et aux commissaires de justice de se regrouper, pour l’exercice de leur profession, au sein de n’importe quel type de société autre que celle conférant aux associés la qualité de commerçant.

Cette mesure ouvrait ainsi la possibilité aux professionnels du droit de constituer une société civile, une SARL (société à responsabilité limitée), une SA (société anonyme), une SAS (société par actions simplifiée) ou une SCA (société en commandite par actions) de droit commun.

Cette souplesse n’aura toutefois été que de courte durée.

Le 9 février 2023, le gouvernement a publié au journal officiel une ordonnance n°2023-77 visant à améliorer la lisibilité et la cohérence des dispositions applicables aux professions libérales.

Si les apports de cette réforme sont multiples, l’ordonnance énonce notamment que les SARL, les SA, les SAS et les SCA de droit commun existantes ou nouvellement créées pour l’exercice de la profession concernée seront également soumises à la réglementation des SEL (société d’exercice libérale).

Les sociétés pourront toutefois conserver leur dénomination sans avoir à la compléter par l’appellation des sociétés d’exercice libéral (SELARL, SELAS, etc.)

Malgré cette exception parfaitement anecdotique, il est évident qu’un tel alignement de régime revient à supprimer de facto les sociétés commerciales de droit commun exerçant une profession juridique ou judiciaire.

La réforme prendra effet au 1ᵉʳ septembre 2024.

À un an de cette échéance, on fait le point sur ces changements.

1 – Une responsabilité des associés augmentée.

La responsabilité des professionnels du droit ayant la qualité d’associé au sein de société de droit commun va être élargi avec la réforme.

On fait le point sur les deux principales sociétés : les SARL auxquelles on va appliquer le régime des SELARL et les SAS auxquelles on va appliquer le régime des SELAS.

SARL/SELARL.

Pour les deux structures d’exercice, la responsabilité des associés est limitée à leurs apports en capital social.

Néanmoins, en cas de faute, les associés de la SELARL s’exposent à un risque plus élevé dès lors que :
- Seul le gérant de la SARL peut voir sa responsabilité personnelle engagée, en cas de faute de gestion,
- Tous les associés de la SELARL peuvent voir leur responsabilité personnelle engagée en cas de faute professionnelle.

Avec la réforme, ce sont donc l’ensemble des associés de la SARL qui pourront voir leur responsabilité engagée en cas de faute.

SAS/SELAS.

La responsabilité des associés de SELAS est plus étendue que celle des associés de SAS :
- La responsabilité des associés d’une SAS est limitée au montant des apports effectués au capital social, de sorte que leur patrimoine personnel est totalement protégé.
- L’ensemble du patrimoine des associés d’une SELAS, c’est-à-dire notamment leurs biens personnels, est exposé aux aléas de l’activité.

Il résulte ainsi de la réforme que les professionnels du droit qui seront associés d’une SAS de droit commun répondront des actes professionnels qu’ils accompliront, comme dans les SEL, sur l’ensemble de leur patrimoine.

2 – Une rigidité pour le dirigeant d’un SAS sur le plan social et fiscal.

Le changement le plus important s’opèrera également sur le plan social et fiscal.

En effet, dans une SAS, le dirigeant peut choisir soit de percevoir une rémunération en sa qualité de dirigeant, soit d’être payé uniquement sur la distribution des dividendes.

S’il perçoit une rémunération, il devra s’acquitter des cotisations sociales.

En revanche, s’il choisit uniquement de se rémunérer sur les dividendes, il sera exonéré du paiement de toute cotisation sociale.

Dans une SELAS, le dirigeant dispose du même choix initial, mais s’il opte pour la seule distribution des dividendes, il sera malgré tout être soumis au paiement de cotisation sociale sur la partie qui excède 10% du montant cumulé suivant.

D’un point de fiscal, les dividendes soumis aux cotisations sociales sont imposables à l’impôt sur le revenu.

Le régime de la SELAS peut ainsi s’avérer beaucoup moins intéressant, et à tout le moins beaucoup moins flexible, que celui de la SAS de droit commun pour un professionnel du droit.

La réforme apportera ainsi son lot de bouleversements pour les professionnels du droit qui ont cru pouvoir bénéficier, sur le long terme, du régime de droit commun, parfois plus favorable à leur exercice.

Sur le volet de la responsabilité, le régime de la SEL qui s’appliquera n’apparait pas pouvoir être contourné.

En revanche, sur le plan social et fiscal, il pourrait s’avérer opportun pour les associés des SAS de créer une SPFLP (société de participations financière de profession libérale), qui aurait la qualité de holding.

Un tel montage permettra en effet d’échapper au paiement des cotisations sociales et des impôts afférents puisque les dividendes entre la SAS (soumis au régime de la SEL) et la SPFLP ne sont pas soumis aux cotisations sociales et que lors de la distribution des dividendes de la SPFPL aux bénéfices des professionnels de droit, il n’y aura pas non plus de charges sociales à payer.

Olivier Castellacci - Associé NMCG Avocats