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Réemploi des éléments de scénographie et règlementation ERP : le défi juridique du secteur de la culture. Par Elisabeth Gelot, Avocate.
Parution : mercredi 4 octobre 2023
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La transition vers l’économie circulaire du secteur de la culture s’accélère, avec une part croissante de réemploi des éléments de scénographie (matériaux mais aussi éléments d’aménagement ou de décoration et mobiliers). On rappellera notamment le projet de décret AGEC [1] qui devrait être prochainement publié et qui augmente la part de mobiliers de scénographie de réemploi à acquérir pour l’Etat et les collectivités.

Mais cette accélération est aujourd’hui freinée par des considérations techniques, logistiques, économiques mais aussi juridiques.

L’un des freins majeurs à la massification du réemploi des éléments de scénographie est aujourd’hui sans conteste la réglementation ERP [2] (Établissements Recevant du Public).

Les obligations qu’elle fixe, mais aussi les responsabilités qu’elle implique sont problématiques à plus d’un titre :

Cet article vise à clarifier pour partie ces enjeux, pour permettre aux acteurs concernés de travailler à lever ce frein. Nous y traiterons des points suivants :

1 - Règlementation ERP - Quelles obligations s’agissant des matériaux et éléments mis en œuvre ?

Toutes les règles sont destinées à assurer la sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP). Ces mesures ont pour but d’assurer la sécurité des personnes, de favoriser l’alerte et l’intervention des secours et de limiter les pertes matérielles.

Parmi ces règles, il est notamment prévu que :

«  Les matériaux et les éléments de construction employés tant pour les bâtiments et locaux que pour les aménagements intérieurs doivent présenter, en ce qui concerne leur comportement au feu, des qualités de réaction et de résistance appropriées aux risques courus. La qualité de ces matériaux et éléments fait l’objet d’essais et de vérifications en rapport avec l’utilisation à laquelle ces matériaux et éléments sont destinés. Les constructeurs, propriétaires, installateurs et exploitants sont tenus de s’assurer que ces essais et vérifications ont eu lieu ».

Or ces qualités de réaction et de résistance sont déterminées en fonction d’une multitude de facteurs, parmi lesquels :

Que l’on soit clairs… il est donc pratiquement impossible d’inventorier les critères de classement au feu par matériaux ou famille de matériaux, le règlement de sécurité dans les ERP prévoyant des mesures selon la variabilité et la combinaison de ces facteurs.

2 - Quelles possibilités de recourir aux mesures de compensation ou d’adaptation dans le cadre du réemploi de matériaux ou éléments ?

En pratique les matériaux de réemploi induisent deux principaux risques :

Pour réduire ces deux risques, le recours à des mesures de compensation semble une solution adéquate, permettant d’éviter la réalisation de nouveaux essais ou l’exclusion de tout réemploi.

Or il existe deux types de mesures de « compensation » lorsqu’une exigence du règlement de sécurité ne peut être satisfaite :

Les mesures de « compensation » prévues par le règlement : elles sont spécifiques à chaque hypothèses … et sont impossibles à recenser ;
Les mesures d’adaptation, notamment en atténuation permettant de recourir à des mesures de compensation, qui peuvent être décidées, soit par l’autorité chargée de la délivrance du permis de construire, soit par l’autorité de police dans les autres cas, et après avis de la commission de sécurité compétente. Ces mesures ne sont donc pas directement prévues par le règlement de sécurité, mais sont décidées au cas par cas.

Au vu de la rédaction actuelle du règlement ERP, force est donc de constater que le recours aux mesures de compensation reste selon nous une stratégie « au cas par cas » et non une solution généralisable pour tous les recours aux matériaux de réemploi.

3 - Qui est responsable en cas d’accident ?

L’introduction de matériaux de réemploi interroge généralement de nombreux acteurs sur leur responsabilité, notamment en cas d’accident.

On rappellera que le réemploi ne crée pourtant pas de régime de responsabilité particulier (puisqu’il n’y a pas de responsabilité « déchet »), et s’inscrit donc dans le cadre de la responsabilité classique.

Il induit en revanche selon les cas des « risques » supplémentaires de survenue d’un dommage, puisqu’il peut introduire de l’aléa (puisque la performance d’un matériau d’occasion peut varier en fonction de son historique et de son processus de préparation au réemploi), et que les fournisseurs n’apportent pas les mêmes informations et garanties que les professionnels qui commercialisent des produits neufs.

De manière générale, retenez que :

En cas de manquement, les acteurs concernés s’exposent à trois types de responsabilités :

Pour limiter les risques en termes de responsabilité, il est indispensable :

Elisabeth Gelot Barreau de Lyon Avocate en droit de l'économie circulaire

[1Anti-Gaspillage et pour une Economie Circulaire.