Village de la Justice www.village-justice.com

Plagiat d’une œuvre : voici quelques actions que vous auriez dû faire avant. Par Harison Koffi, Juriste.
Parution : mardi 26 septembre 2023
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/plagiat-une-oeuvre-voici-quelques-choses-que-vous-auriez-faire-avant,47341.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Le plagiat d’une création constitue un fait dont sont victimes plusieurs créateurs d’œuvres de l’esprit.
Face à cela, beaucoup de victimes sont démunies. Généralement, elles se rendent compte qu’elles ne se sont pas préparées convenablement à y faire face. La seule issue est de crier au vol, sans avoir d’éléments pertinents pour soutenir leur cause.
Il est donc utile de savoir, dans cette situation, ce que l’on aurait dû faire avant.

Lors d’un appel à projet de spot publicitaire organisé par une société, votre proposition n’est pas retenue. Et pourtant, vous retrouvez quelques jours plus tard votre proposition de spot diffusée sous le nom de ladite société, avec des améliorations mineures : vous criez au scandale mais n’avez pas d’éléments pertinents pour vous défendre.

Vous rencontrez un potentiel partenaire à qui vous présentez le format d’une émission télévisée ou radiophonique, mais il déclare ne pas en être intéressé. Or, quelques jours plus tard, vous remarquez que votre format d’émission télévisée ou radiophonique est repris par ce dernier : vous n’aviez prévu aucun élément pour soutenir votre cause.

Vous avez commencé à écrire le scénario d’un film. Avant de l’avoir achevé, vous le montrez à un ami. Quelques temps plus tard, le scénario de votre film est achevé par votre ami et une œuvre audiovisuelle est réalisée et comporte votre scenario inachevé. Vous êtes furieux, mais ne savez pas comment dire au monde que vous êtes le vrai auteur de cette partie du scénario.

Un mot va briser vos espoirs : prouvez le !

Les situations dans lesquelles des personnes sont victimes de plagiat sont variées. Cela peut être l’"œuvre" d’un partenaire, d’un inconnu, voire d’un proche. Dans ce cas, le défi est de prouver que l’on est le vrai auteur de l’œuvre.

Selon les lois sur le droit d’auteur, la qualité d’auteur d’une œuvre n’est reconnue qu’à son créateur. Généralement, il s’agit de la personne physique qui a conçu et réalisé l’œuvre. C’est cette qualité qui fait attribuer, à titre originaire, le droit d’auteur à une personne.

Dans le cas exceptionnel de l’œuvre collective, le droit d’auteur, droits patrimoniaux comme droits moraux, est attribué à titre originaire, à la personne morale qui a pris "l’initiative et la responsabilité" de la création de l’œuvre collective.

Personne morale comme personne physique auteures ne sont pas à l’abri du plagiat.

Malheureusement, prises au dépourvu, elles n’ont généralement pas pu prendre les mesures idoines pour faire face à cette situation. La seule issue est de crier au vol, sans avoir d’éléments pertinents pour soutenir leur cause.

Il est donc utile de savoir ce qu’on aurait dû faire dans cette situation.

Mais avant tout, c’est quoi vraiment le plagiat ?

Le mot "plagiat" ne figure pas dans la plupart des lois sur le droit d’auteur. Les atteintes au droit d’auteur sont toutes regroupées sous un seul vocable : contrefaçon.

Et pourtant, le terme "plagiat" est couramment utilisé dans le milieu des créateurs
d’œuvres de l’esprit.

Mais, le mot "plagiat", tel qu’utilisé la plupart du temps, renvoie à une certaine forme de contrefaçon, notamment en une appropriation frauduleuse de la paternité de l’œuvre d’autrui.

Par ailleurs, Le Larousse le définit comme l’« acte de quelqu’un qui, dans le domaine artistique ou littéraire, donne pour sien ce qu’il a pris à l’œuvre d’un autre » [1].

Partant de cette définition, il est, au sens du droit d’auteur, une forme de violation du droit à la paternité de l’auteur.

Le plagiat a été rendu plus facile avec le développement technologique.

Ce développement technologique a rendu la reproduction et la circulation massives des œuvres plus aisées. Avec cette masse d’œuvres disponibles et circulant, il est très facile de s’attribuer, en passant, la paternité d’une ou deux œuvres.

Mais, le plagiat n’est pas inhérent à l’évolution technologique, ni au modernisme. Il a, en effet, toujours existé.

Dans la Rome antique par exemple, certains ont argué en être victimes.

C’est le cas du poète romain Martial qui mentionna implicitement le plagiat lorsqu’il déclarait que Fidentinus se faisait passer pour l’auteur de certaines de ses œuvres.

Dans certains de ses épigrammes, il affirmait ceci : « ta renommée me rapporte, Fidentinus, que tu récites mes œuvres en public comme étant de toi. Si tu veux bien dire que mes vers sont de moi, je te les enverrai gratis » [2]. A cette époque, le plagiaire était considéré comme un voleur [3].

Cette idée n’a pas changé, même si ce n’est pas le terme admis en la matière.

Aujourd’hui encore, le plagiat est d’actualité. Il peut se réaliser soit expressément, soit implicitement.

De manière expresse, il est constitué par une affirmation claire de la paternité de l’œuvre de la part du plagiaire. C’est le cas lorsque ce dernier publie ou diffuse une œuvre dont il n’est pas l’auteur, en la signant avec son propre nom. Le plagiat, dans ce sens, est sans équivoque.

Les actes implicites qui sont susceptibles d’être qualifiés de plagiat naissent en réalité des situations équivoques. C’est le cas lorsque, sans toutefois déclarer expressément être l’auteur de l’œuvre, les conditions de sa diffusion ou publication peuvent laisser penser qu’une personne est l’auteure de l’œuvre, alors que ce n’est pas vraiment le cas.

C’est la conclusion à laquelle est parvenu le tribunal de commerce de Lyon, dans une décision du 16 mai 2017 [4].

Dans cette affaire, le tribunal avait jugé que

« si la mention de la société L’Atelier Lumière et de Monsieur Y. figure aux côtés de l’œuvre, il convient toutefois de relever que sa présence dans un onglet relatif aux projets de la société Les Eclaireurs, sur laquelle cette dernière ne dispose d’aucun droit et à la conception de laquelle elle n’a jamais participé, est de nature à créer une ambiguïté sur ladite paternité, constitutive d’une atteinte aux droits moraux de l’auteur ».

Bien évidemment, il s’agit du droit moral à la paternité de l’œuvre.

Ainsi, le plagiat est constitué, qu’il soit explicite ou implicite.

Par ailleurs, il n’est pas nécessaire que l’appropriation porte sur l’œuvre entière : un simple extrait d’une œuvre peut en effet être largement suffisant pour caractériser le plagiat.

Face à ce fait qui est souvent flagrant, les victimes sont parfois démunies à agir car elles n’ont pas suffisamment d’éléments pertinents pour soutenir leur cause devant le plagiaire ou le juge.

En fait, pour accuser une personne de plagiat en matière de droit d’auteur, il faut apporter la preuve que l’on est auteur de l’œuvre en question.

A ce titre, il existe plusieurs moyens de preuve dont certains sont plus efficaces.

Si vous avez été une fois victime de plagiat, voici quelques choses que vous auriez dû faire avant :

1. La divulgation de l’œuvre.

Par définition, la divulgation d’une œuvre est le fait de la faire connaitre, en premier, auprès du public. Elle est une stratégie qui a le mérite de faire peser la charge de la preuve sur le présumé plagiaire.

En effet, selon la plupart des lois sur le droit d’auteur, celui qui a divulgué une œuvre est présumé en être l’auteur [5]. Cette présomption est réfragable. Dès lors, lorsque c’est vous qui avez fait connaître l’œuvre la première fois, c’est au présumé plagiaire qu’il incombe la charge de la preuve de la qualité d’auteur.

2. Le dépôt probatoire.

Le dépôt probatoire est une procédure qui consiste, avant de montrer son œuvre à un tiers, à en déposer une copie auprès d’un organisme. Cette organisme donne une date de dépôt qui atteste que le déposant possédait l’œuvre à une certaine date. En cas de plagiat, vous pouvez démontrer que vous étiez le premier à détenir l’œuvre, même lorsqu’elle n’était pas encore connue du public. Il revient donc au présumé plagiaire de prouver qu’il était en possession de l’œuvre avant la date de dépôt. Ce dépôt peut se faire auprès d’un organisme de gestion collective ou un organe accrédité pour donner date certaine aux créations. Le dépôt probatoire est un véritable remède à la présomption de la qualité d’auteur qui naît de la divulgation.

3. L’accord de confidentialité.

Vous pouvez faire signer un accord de confidentialité à votre partenaire. En cas de plagiat, vous pouvez engager sa responsabilité. Cette action est intéressante et efficace contre l’exception de rencontre fortuite. Cette exception qui consiste pour le présumé plagiaire à déclarer qu’il n’a jamais eu connaissance de l’œuvre et que la similitude tient du hasard ne peut tenir s’il y a accord de confidentialité. Cet accord prouve plus ou moins que ce dernier a eu connaissance de votre œuvre.

Toutes ces actions tendent à prouver une seule chose : la paternité de l’œuvre, car, une fois que vous prouvez que vous êtes le « vrai père » de l’œuvre, le « faux père » est le plagiaire.

Harison Koffi, Juriste Spécialiste en droit d'auteur et droits connexes

[2Martial, Epigrammes, Paris, éd. Gallimard, 1992, Liv. I, LIII, LXII, LXVI.

[4TGI de Lyon, Ch. 3 cab 3 C, jugement du 16 mai 2017, L’Atelier Lumière et M. X. / Les Eclaireurs et M. Y.

[5Par exemple, selon l’art.36 de la loi ivoirienne sur le droit d’auteur, "L’auteur de l’œuvre est, sauf preuve contraire, la personne sous le nom de laquelle l’œuvre est divulguée".

Comentaires: