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Plan de redressement des conseils de prud’hommes : urgence ! Par Alexandra Sabbe Ferri, Avocat.
Parution : vendredi 25 août 2023
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"La qualité du service que rendent les conseils de prud’hommes au justiciable n’est pas satisfaisante, pas plus que leur fonctionnement. En première instance comme en appel, les délais sont trop longs et les stocks augmentent en dépit des réformes du droit du travail qui ont réduit le volume des contentieux." Cour des comptes, juin 2023...

Dans ses observations définitives de juin 2023, la Cour des comptes dresse un bilan alarmant de la situation des conseils de prud’hommes.

Elle invite le ministère de la justice à engager, sans délai, un plan de redressement à partir de neuf recommandations.

Le constat est sans appel : "la qualité du service que les conseils de prud’hommes rendent au justiciable n’est pas satisfaisante, pas plus que leur fonctionnement".

Il résulte de l’analyse documentée et précise des 2 principaux indicateurs de performance retenus :
- délai moyen de traitement des affaires ;
- délai théorique d’écoulement du stock des procédures.

En bref, selon la Cour des comptes, les réformes successives depuis 2008, et surtout 2016, ont eu pour conséquence de réduire le nombre de nouvelles affaires introduites devant les conseils de prud’hommes, mais « n’ont guère amélioré ses performances. »

Cette observation est pudique dès lors que les chiffres et explications fournis démontrent une dégradation persistante de la justice prud’homale, en dépit des réformes.

En tant qu’avocat plaideur au conseil de prud’hommes depuis 2004, j’en suis une observatrice consternée.

C’est en raison de l’augmentation préoccupante des délais judiciaires dans nos dossiers et, de ce fait, des réticences de plus en plus marquées de nos clients à engager un contentieux prud’homal, que nous avons décidé d’agir.

Notre action vise à mettre en cause de façon systématique la responsabilité financière de l’État au titre des retards de justice, afin de l’inciter à mettre en œuvre rapidement un plan de redressement efficace, sous peine de voir lourdement augmenter, pour lui, le coût de ces retards injustifiables.

Car, l’effet pervers du dysfonctionnement de la justice prud’homale est de conduire au déni de justice, c’est-à-dire à la réduction de l’accès à la justice, droit fondamental s’il en est, puisqu’il est le garant du respect des droits et obligations des employeurs et des salariés et donc de la bonne régulation du marché du travail.

Et c’est essentiel de le souligner, l’impérieuse nécessité de disposer d’une justice prud’homale performante ne tient pas uniquement aux enjeux juridiques, d’accès au droit et d’accès à la justice, mais tout autant aux enjeux économiques.

La richesse de nos entreprises, et donc de notre économie, repose sur ses acteurs, c’est-à-dire sur l’ensemble des 26 millions de travailleurs du secteur privé. Or, comment réguler efficacement les relations de travail sans une justice prud’homale de qualité ?

Les 9 recommandations de la Cour des comptes, issues de ce rapport, m’ont séduite parce qu’avant d’envisager la moindre nouvelle réforme d’envergure aussi inutile que les précédentes si elle reste dans les cartons, elles visent à utiliser l’existant, mais à l’utiliser vraiment, pour le faire fonctionner correctement.

Les magistrats de la rue Cambon ne proposent pas une énième réforme. Ils recommandent de mettre en œuvre effectivement les précédentes réformes, de « manière coordonnée et volontariste ».

J’aime ce minimalisme, plein de bon sens, et je crois à son efficacité : la justice prud’homale est gangrénée par des aberrations de fonctionnement, dont j’ai découvert d’autres exemples dans ce rapport. Mettons-y déjà un terme avant d’inventer la nouvelle usine à gaz !

J’espère que les principaux intéressés, et disons-le, les principaux mis en cause par ce rapport qui ne sont pas les conseillers prud’homaux mais les services du ministère de la justice, sauront accueillir cette critique constructive et mettre en œuvre sans délai ce plan de redressement.

Pour finir cette tribune, je salue le travail des 13 482 conseillers prud’homaux qui font ce qu’ils peuvent, avec ce qu’ils ont, sans une rémunération décente à la mesure de leur investissement.

Alexandra Sabbe Ferri Sagan Avocats
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