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Les enjeux du choix d’une marque intégrant une indication géographique. Par Colombe Dougnac, CPI.
Parution : lundi 28 août 2023
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Une marque ne peut être constituée exclusivement d’une indication géographique. Néanmoins, aucun texte n’empêche en tant que tel qu’une marque soit composée, entre autres éléments, d’une indication géographique. Colombe Dougnac vous informe sur les enjeux de l’enregistrement et de l’usage d’une marque intégrant une indication géographique en France ainsi qu’à l’international.

Une marque ne peut être constituée exclusivement d’une indication géographique, dans la mesure où ces dernières doivent rester dans le domaine public et laissées à la libre disposition de tous, sous réserve du respect du cahier des charges associé au produit ou service relavant de cette appellation.

Cependant, aucun texte n’empêche en tant que tel qu’une marque soit composée, entre autres éléments, d’une indication géographique. Au-delà de répondre aux conditions « classiques » du droit des marques imposées par l’article L711-2 du code de la propriété intellectuelle, le choix d’un tel signe implique néanmoins certaines contraintes supplémentaires quant à son enregistrement et son usage en France ainsi qu’à l’international.

Lorsqu’une société cherche à protéger à titre de marque une étiquette, et que le produit bénéficie d’une appellation, cette dernière apparait généralement sur l’étiquette et est par conséquent comprise au dépôt de la marque semi-figurative.

Il est à noter que l’insertion de cette mention au sein d’une marque verbale ou semi-figurative ne confère ni droit supplémentaire, ni protection additionnelle, ni monopole d’usage sur ce terme.

Le principe : la possibilité de déposer une marque incluant une appellation.

L’une des conditions, afin que le signe ne soit pas considéré comme trompeur ou susceptible de détourner ou d’affaiblir la notoriété de l’appellation, est que les produits désignés au dépôt d’un signe comprenant une indication géographique soient strictement limités dans la classe d’intérêt aux « produits bénéficiant de l’AO ou de l’IG en question ».

De plus, lorsque le déposant envisage des projets à l’international, il convient également d’anticiper cette restriction dans le libellé choisi en s’assurant de :

Enfin, il n’est pas possible d’inclure une appellation au sein d’une marque déposée pour produits autres que ceux bénéficiant de l’appellation ou encore pour d’autres produits, y compris lorsque l’appellation serait utilisée comme composant ou ingrédient d’un produit autre.

Les limites à la reprise d’une appellation au sein d’une marque.

Plusieurs situations doivent être envisagées selon la manière dont l’appellation est reprise au sein du signe déposé et selon la nature des produits ou services désignés.

L’évocation d’une appellation pour désigner des produits relevant de cette appellation.

S’il n’est pas interdit de reprendre une appellation au sein d’une demande de marque, il semblerait qu’à la lumière des récentes décisions, la reprise de l’appellation doit être faîte dans son intégralité et à l’identique, sans jeu de mot ou évocation, afin de ne pas affaiblir sa notoriété, et ce même si la marque désigne des produits relevant effectivement de cette appellation et dont les produits seraient conformes au cahier des charges.

En effet, aux termes de l’article L.722-1 du code de la propriété intellectuelle, tout atteinte portée à une indication géographique en violation de la protection qui lui est accordée par le droit de l’Union européenne ou la législation nationale constitue une contrefaçon engageant la responsabilité de son auteur.

Plusieurs récentes décisions ont été rendues en la matière et illustrent cette limite :

En l’espèce, selon la Cour, le consommateur serait susceptible d’établir un lien suffisamment direct et univoque entre la marque et l’appellation, laquelle serait reproduite de manière non identique aux dispositions du cahier des charges et susceptible d’affaiblir son attractivité et sa notoriété.

Selon une jurisprudence constante, la notion d’évocation recouvre une hypothèse dans laquelle le signe utilisé pour désigner un produit incorpore une partie d’une indication géographique protégée (IGP) ou d’une AOP, de sorte que le consommateur, en présence du nom du produit en cause, serait amené à avoir à l’esprit, comme image de référence, la marchandise bénéficiant de cette indication ou de cette appellation.

Cette position a été récemment confirmée par le Directeur de ’INPI concernant une demande de marque française COGNAPEA.

L’évocation d’une appellation pour désigner des produits ne relavant pas de cette appellation.

L’appellation bénéfice d’un périmètre de protection plus large que le droit des marques.

En effet, l’article 103 2) du Règlement européen 1308/2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles, prévoit que les usurpations, imitations ou évocations sont interdites même si l’origine véritable du produit ou du service est indiquée, et ce même si la dénomination est utilisée sous forme de traduction ou accompagnée d’une mention telle que « genre », « type », « méthode », « façon », « imitation », « goût », « manière » ou d’une expression similaire » écartant un éventuel doute sur la qualité et l’origine des produits.

Ainsi, contrairement au droit des marques, la preuve d’un risque de confusion n’est pas requise en matière d’appellation. Il a été ainsi jugé dans les décisions ci-dessous référencées, que les signes faisant référence à une appellation et ainsi y portant ne pouvaient être appropriés à titre de marque, et ce même sans apporter la preuve d’un risque de confusion :

Il en a été de même en début d’année pour l’Office du Tourisme du Luberon Monts de Vaucluse qui a été condamnée pour usage illicite de l’expression « Cœur de Provence » pour promouvoir les vins ou domaines viticoles du Luberon et du Ventoux, ne bénéficiant donc pas de l’une des AOP contenant le terme Provence, pour atteinte aux AOP Côtes de Provence, Les baux de Provence, Coteaux Aix en Provence et Coteaux Varois en Provence (TJ de Nanterre, 23 janvier 2023).

La protection de la marque incorporant une indication géographique à l’international.

Il est à noter que la mention d’une indication géographique est susceptible à l’international, lorsque la marque initiale est étendue à l’étranger, d’exposer le déposant à des risques de refus d’enregistrement, en particulier sur des marchés où l’appellation est reconnue en tant que marque collective ou en marque simple lorsque la protection ou la défense de l’appellation ne peut être envisagée à titre autonome.

Ainsi, la reprise d’une appellation au sein d’un signe peut être bloquante pour l’enregistrement de la marque, et ce même si le signe respecte les conditions de reproduction et de désignation des produits et services, dans les cas suivants :

La reprise d’une indication géographique au sein d’une marque n’est donc pas sans conséquence, et il convient de les anticiper en amont et avant tout dépôt et/ou exploitation.

Colombe Dougnac, Conseil en Propriété Industrielle, Conseil Européen en Marques, Dessins et Modèles Novagraaf, Bordeaux. Novagraaf - Conseils en Propriété Intellectuelle Brevets - Marques - Dessins & Modèles [->https://www.novagraaf.com/fr]