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[Ma thèse en 5 000 caractères] La fibre cambiaire de la monnaie de papier : Expertise juridique des émissions fiduciaires de la Banque de France non-privilégiée (1800-1803). Par Vincent Gobin, Docteur en Droit.
Parution : jeudi 29 juin 2023
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Cette thèse d’histoire du droit, rédigée entre 2017 et 2022 d’après l’exploitation des archives de la Banque de France, cherche ainsi à résoudre la question suivante : En quoi les modalités du régime cambiaire permettent-elles aux premières émissions de la Banque de France de constituer une monnaie de papier en l’absence de toute consécration légale ?

Étudier la dimension juridique des premiers billets émis par la Banque de France c’est remonter à la racine de notre actuelle monnaie légale.

Entre sa fondation en 1800 et l’obtention de son monopole (ou privilège d’émission) trois ans plus tard, cet organisme financier appelé à devenir une banque centrale n’est encore qu’une société privée. L’imposant capital réuni par son actionnariat lui permet toutefois d’émettre des volumes significatifs de titres payables au porteur et à vue.

Le ressort de ces émissions réside dans l’escompte des effets de commerce, c’est-à-dire dans l’acquisition, par la Banque, de créances à terme qu’elle solde comptant sous déduction du taux invariable de 0,5% par mois.
Cette matrice articule deux flux : celui des effets admis et celui des billets émis. Les premiers se conçoivent comme des obligations personnelles, tandis que les seconds vont circuler comme signes de paiement entre les mains de l’élite commerçante et financière de la capitale.

Cette dynamique situe une activité de crédit au fondement d’une émission fiduciaire. La crédibilité de cette monnaie de papier s’adosse ainsi au portefeuille de traites détenues par la Banque, dont les recouvrements (à 60 jours maximum) répondent de sa solvabilité à court-terme.
Pour autant, les deux types de papiers en présence constituent pareillement des titres cambiaires ; à savoir des instruments dérivés du contrat de change. De telles promesses font transiter l’argent sans maniement d’espèces, en vertu d’un régime dérogatoire au droit commun des obligations. En dépit de ‘‘l’impression monétaire’’ que les billets de 500fr et 1 000fr suggèrent à leurs premiers usagers, ils demeurent, sur le plan juridique, de véritables créances sous seing privé – sans aucune certification de valeur étatique.

Cette thèse d’histoire du droit, rédigée entre 2017 et 2022 d’après l’exploitation des archives de la Banque de France, cherche ainsi à résoudre la question suivante : En quoi les modalités du régime cambiaire permettent-elles aux premières émissions de la Banque de France de constituer une monnaie de papier en l’absence de toute consécration légale ?

L’originalité de cette étude consiste à expertiser sous un jour juridique une monnaie éminemment factuelle, reposant sur une matrice dite réaliste. Dans le référentiel bâti par les économistes, le réalisme monétaire correspond à l’acceptation spontanée d’un instrument de paiement par les marchés. Cette accréditation informelle repose sur une logique économique viable, comme c’est le cas lorsque la délivrance des titres croise l’acquisition de créances escomptées.
Cette dynamique dépasse le substantialisme monétaire (accréditation endogène du signe d’après sa valeur marchande intrinsèque), et s’oppose au nominalisme qui voit le souverain ‘‘nommer’’ la monnaie ; soit l’accréditer en vertu de son autorité légale.

Cette utile catégorisation conduit trop souvent à établir une partition entre les deux sciences : aux juristes les émissions nominalistes, certifiées par la loi (telles que les assignats de la Révolution) ; aux économistes les émissions réalistes (ou libres) accréditées par un processus financier. Or, le droit n’est jamais entièrement absent du phénomène monétaire. La norme se révèle au contraire indispensable à la stabilité des équilibres d’intérêts sur lesquels reposent l’acceptation d’un signe libre. Les mécanismes juridiques mobilisés sont seulement plus implicites, et se déploient en dehors de la sphère du droit monétaire : en l’occurrence sur le terrain du droit du change. La crédibilité des billets délivrés à l’escompte dépend ainsi des usages cambiaires – interprétés par la doctrine, amendés par la législation commerciale et partiellement consacrés par la jurisprudence.

Aussi faut-il appréhender, dans un premier temps, l’escompte bancaire comme une matrice d’émission cambiaire. Démonter l’orfèvrerie de cette activité, dans les murs de la Banque, permet d’observer combien ce processus offre de sécurité et à quel point sa pratique est maîtrisée, dès l’ouverture de l’établissement. Il est vrai que la Banque de France, loin d’être une pure création, succède étroitement à la Caisse des comptes courants fondée quatre ans plus tôt.
Après quoi, il convient de caractériser les émissions en cause comme une véritable monnaie de fait. Le phénomène monétaire sous-jacent se manifeste par l’universalisation des créances du commerce, dont chacune devient impersonnelle en se transposant dans le billet qui la remplace. L’observation de la réception de ces titres porte en effet à conclure que cette circulation fiduciaire autonome vis-à-vis de l’État – sans en être foncièrement indépendante – s’assimile factuellement à la monnaie.
Une monnaie de papier dont la fibre juridique est de nature cambiaire…

NDLR : si le sujet de cette thèse vous intéresse, n’hésitez pas à contacter son auteur via l’onglet "Profil", en commentant son article et/ou à vous rendre dans les différents points où est conservée la version de soutenance :

  • Bibliothèque interuniversitaire Cujas (Paris, 5e arr.) ;
  • Bibliothèque Martial Lapeyre (Fondation Napoléon) ;
  • Archives de la Banque de France (Paris, Ier arr.).

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Docteur Vincent Gobin, Historien du droit des affaires.