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Les ressources prises en compte dans le cadre de l’aide sociale à l’hébergement. Par David Taron, Avocat.
Parution : vendredi 7 avril 2023
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L’aide sociale à l’hébergement revêt un caractère subsidiaire. Elle n’a donc vocation à se substituer au paiement d’une personne âgée accueillie en établissement que si et seulement si les ressources de cette dernière s’avèrent insuffisantes.
En adoptant une conception large de la notion de ressources, le législateur entend clairement solliciter en premier lieu les usagers.

La chose est parfois oubliée. Mais en matière d’aide sociale, le principe est celui de la subsidiarité : ne sont aidées que les personnes qui en ont réellement besoin. Sur le plan des principes, il est postulé que chaque individu doit subvenir à ses propres besoins, que ce soit par son travail ou son patrimoine.

Aussi, la prestation d’aide sociale n’intervient-elle qu’en dernier recours, une fois le constat fait que le demandeur ne peut satisfaire le besoin au titre duquel l’aide est sollicitée.

L’aide sociale à l’hébergement des personnes âgées en établissement ne fait pas exception à ce principe.

Il faut ici rappeler que ces frais d’hébergement couvrent les dépenses générales d’administration, d’accueil hôtelier, de restauration, d’entretien et d’animation de la vie sociale de l’établissement qui ne sont pas liées au niveau de perte d’autonomie des personnes accueillies [1]. Ce tarif, à la charge de la personne âgée, est arrêté chaque année par le président du conseil départemental pour une partie des établissements pour personnes âgées, principalement ceux habilités à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale.

La participation de la personne âgée est donc fixée par rapport à un niveau de dépenses.

L’aide sociale à l’hébergement, versée par le conseil départemental, est accordée si et seulement si la personne âgée (et ses obligés alimentaires, sujet non traité dans cet article) ne dispose pas des ressources suffisantes pour faire face au niveau de dépenses induit par ses frais d’hébergement.

L’article L113-1 du Code de l’action sociale et des familles s’avère à cet égard parfaitement limpide en disposant que :

« Toute personne âgée de soixante-cinq ans privée de ressources suffisantes peut bénéficier, soit d’une aide à domicile, soit d’un accueil chez des particuliers ou dans un établissement ».

Une fois ce rappel opéré, la question se pose de savoir comment est calculée la participation de la personne âgée et, par ricochet, ses ressources. Car c’est bien évidemment en fonction des ressources qu’est fixée la contribution aux frais d’hébergement.

L’article L132-1 du Code de l’action sociale et des familles fixe un principe assez simple en disposant que :

« Il est tenu compte, pour l’appréciation des ressources des postulants à l’aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire ».

Le législateur distingue ainsi les flux financiers du capital.

Simple dans son énoncé, cette règle donne lieu à un abondant contentieux dans la mesure où il s’avère difficile d’avoir une approche uniformisée des ressources d’une personne âgée, ce d’autant plus que revenus à prendre en compte ne sont pas nécessairement ceux qui doivent être déclarés auprès de l’administration fiscale [2].

Néanmoins, des principes directeurs peuvent être dégagés.

Pour la clarté de l’exposé, nous distinguerons le cas des revenus en tant que tels de celui du capital non productif de revenu.

Chacun l’aura compris, le présent article n’a pas pour objet de présenter les charges devant être déduites des ressources à prendre en compte.

1. La prise en compte des revenus.

Il s’infère de la lecture de l’article L132-1 du Code de l’action sociale et des familles que, pour l’appréciation des revenus du demandeur, il est tenu compte :

Comme a pu le juger la Cour administrative d’appel de Paris, le législateur

« a entendu tenir compte, pour apprécier les ressources des personnes demandant l’aide sociale, des seuls revenus périodiques, tirés notamment d’une activité professionnelle, du bénéfice d’allocations ou rentes de solidarité instituées par des régimes de sécurité sociale ou des systèmes de prévoyance et des revenus des capitaux mobiliers et immobiliers » [3].

Les notions de revenu d’activité et de pension peuvent être aisément appréhendées. Il en va différemment des sommes placées, de certaines aides à caractère social, des revenus locatifs ou bien encore des dividendes.

Ainsi, s’agissant des comptes épargnes (livret A, livret d’épargne populaire, etc.), seuls les revenus issus des placements - les intérêts - sont pris en compte dans l’appréciation des ressources. La jurisprudence est bien établie sur ce point [4].

Précisons que le capital, en lui-même, ne peut pas être pris en compte dès lors qu’il est productif de revenus.

Concernant certaines allocations à caractère social, une attention particulière doit être portée à l’allocation adulte handicapée (AAH) et aux allocations logement. Il pourrait s’inférer du caractère social de telles aides une obligation de les neutraliser lors du calcul des ressources.

Tel n’est pas le cas, ce qui est parfaitement logique quand on rappelle que : l’AAH constitue indubitablement un revenu ; les allocations logements visent précisément à couvrir les frais d’hébergement.

La jurisprudence confirme également que ces allocations doivent être prises en compte au titre des ressources du demandeur de l’aide à l’hébergement [5].

Enfin, les loyers perçus au titre de la location d’un bien doivent être pris en compte. Mais, il ne doit pas s’agir du montant brut des loyers. Comme a pu le juger le Conseil d’Etat récemment :

« S’agissant en particulier des loyers que la personne perçoit, le président du conseil départemental doit les prendre en compte dans son appréciation du montant des ressources de l’intéressé pour leur montant net des charges supportées par le propriétaire pour leur perception, à l’exception de celles qui contribuent directement à la conservation ou à l’augmentation du patrimoine, telles que, le cas échéant, les remboursements du capital de l’emprunt ayant permis son acquisition » [6].

Doivent dès lors être retranchés les frais liés à la gestion du bien (frais d’agence) ainsi que la taxe foncière.

Concernant enfin les dividendes, leur prise en compte ne fait aucun débat … à condition qu’une distribution ait été opérée [7].

Pour être complet, il convient de préciser que certains revenus sont expressément exclus du calcul de la participation de la personne âgée.

Il s’agit :

On peut le constater, à quelques exceptions près, tous les revenus ont vocation à intégrer la base de calcul servant à déterminer le montant de la participation de la personne accueillie en établissement.

2. La prise en compte du capital.

L’article R132-1 du Code de l’action sociale et des familles fixe ici la règle suivante :

« Pour l’appréciation des ressources des postulants prévue à l’article L132-1, les biens non productifs de revenu, à l’exclusion de ceux constituant l’habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50% de leur valeur locative s’il s’agit d’immeubles bâtis, à 80% de cette valeur s’il s’agit de terrains non bâtis et à 3% du montant des capitaux ».

Un premier constat s’impose : la valeur de la résidence principale n’est pas prise en compte dans les ressources du demandeur. En revanche, précisons que si cette résidence est louée, le loyer, lui, sera intégré dans les ressources (voir supra).

Cette observation faite, il apparaît que le pouvoir réglementaire a prévu une évaluation fictive des actifs du demandeur. Pour reprendre la formulation utilisée par la Cour administrative d’appel de Paris, s’agissant des capitaux non placés, le pouvoir réglementaire a « prévu d’évaluer fictivement les revenus que l’investissement de ces capitaux serait susceptible de procurer au demandeur » [12].

S’agissant des capitaux mobiliers, sont essentiellement visés les comptes courants. Il s’agit en effet d’actifs non productifs de revenus. Dès lors, seuls 3% du montant des sommes placées sur un compte courant doivent être prises en compte dans l’appréciation des ressources du postulant à l’aide sociale.

Concrètement, une personne détenant 10 000 euros sur un compte courant verra ses ressources augmentées de 300 euros dans le cadre du calcul de l’aide sociale à l’hébergement.

Outre les comptes courants, sont aussi concernés les contrats d’assurance-vie. Comme l’a jugé le Conseil d’Etat, un tel contrat « se caractérise notamment par une créance que détient le souscripteur à l’égard d’un assureur qui s’oblige à lui verser, en cas de vie, un capital ou une rente ». Il doit, par conséquent, être considéré comme un bien non productif de revenu [13].

La question de la prise en compte de la valeur des biens immobiliers est, pour sa part, plus délicate.

Les taux retenus par le pouvoir réglementaire - 50 et 80% de la valeur locative - invitent à s’interroger d’ailleurs sur l’opportunité de conserver un bien quand une admission en établissement d’hébergement est prévue. En l’absence de location, la personne âgée sera en effet fortement pénalisée puisque seront fictivement intégrés dans ses ressources des sommes importantes.

Une autre question se pose qui est celle de la fixation de la valeur locative du ou des bien(s).

S’il appartient au demandeur de déclarer cette valeur locative, il est possible que les services du conseil départemental manifestent leur désaccord au sujet de cette déclaration.

La jurisprudence, pour sa part, semble se contenter de la valeur locative cadastrale figurant sur l’avis de taxe foncière. Cette solution présente l’avantage indéniable de la simplicité [14].

Chose intéressante, s’agissant de biens situés à l’étranger et pour lesquels le demandeur n’a transmis aucune information permettant de déterminer une valeur locative, le Conseil d’Etat a jugé que le conseil départemental pouvait, par défaut, appliquer le taux de 3% précité à la valeur estimative de l’immeuble [15].

En retenant une conception large de la notion de ressource, le législateur a entendu donner son plein effet au principe de subsidiarité de l’aide sociale. Ce n’est donc qu’en cas d’impécuniosité avérée que le conseil départemental interviendra pour prendre en charge les frais d’hébergement d’une personne âgée.

David Taron Avocat au Barreau de Versailles

[1Article R314-179 du Code de l’action sociale et des familles.

[2CE, 6 novembre 2009, n°090570.

[3CAA Paris, 30 avril 2021, n°19PA00430.

[4Voir, pour exemple : CAA Paris, 15 octobre 2020, n°19PA00269 : « doivent être pris en compte les intérêts des capitaux placés sur son livret A, 14,42 euros, son plan d’épargne logement, 28,85 euros ».

[5CAA Paris, 22 juin 2020, n°19PA00328.

[6CE, 1er mars 2023, n°451981.

[7CE, 26 février 2020, n°424379.

[8Article L132-2 du Code de l’action sociale et des familles.

[9Article L344-5 du Code de l’action sociale et des familles.

[10Article L132-3 du Code de l’action sociale et des familles.

[11Article L199 I septies du Code général des impôts.

[12CAA Paris, 15 février 2021, n°19PA00430.

[13CE, 7 juin 2010, n°321577.

[14TA Grenoble, 20 mars 2023, n°2102366.

[15CE, 9 juillet 2019, n°422162 : au sujet du revenu de solidarité active, pour lequel l’article R132-1 s’applique également.

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