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Traduction et droits d’auteur. Par Jane Kochanski, Expert traducteur.
Parution : mardi 17 janvier 2023
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Dans le cadre d’une traduction, nous pouvons nous poser la question de la situation des traducteurs et notamment qui est le/la propriétaire de la traduction et la protection offerte pour la création de la version traduite.

Prenons l’exemple d’une traduction littéraire, une œuvre juridique à traduire du français vers l’anglais, lors de la traduction le traducteur travaille sur sa propre création. La version traduite sera une œuvre à part entière nécessitant une protection sur le plan juridique. Le traducteur dans ce cas deviendra l’auteur de sa création et de ce fait sera protégé par le droit d’auteur.

Alors, lorsque vous terminez un travail de traduction et peu importe le secteur d’activité, vous pouvez souvent vous poser la question à qui appartient ce travail. Il s’agit certes d’un travail dérivé car la traduction nécessite une version source, mais ce travail sera protégé en tant que création.

Après tout, une traduction, bien qu’elle soit dérivée d’un document source, est en soi une œuvre originale et le traducteur aura besoin d’une protection juridique pour l’œuvre traduite, qui existe en tant que création originale. Parfois, une traduction peut prendre plusieurs semaines à compléter, si elle concerne une tâche complexe ou la traduction d’œuvres, elle peut nécessiter un nombre important d’heures de travail et de mise en œuvre par le traducteur pour produire la traduction finale.

En vertu de la loi sur le droit d’auteur et la protection offerte par le code de la propriété intellectuelle, le principe est que l’auteur est propriétaire de l’œuvre. Si vous travaillez en tant que traducteur indépendant, en tant qu’auteur, vous serez le propriétaire de l’œuvre traduite. Cependant, si vous travaillez pour une agence de traduction, l’agence employeur restera le propriétaire de cette traduction qui sera protégée en conséquence.

Donc, en tant que traducteur, vous avez créé une œuvre originale qui est admissible au droit d’auteur. Ceci est important car, le plus souvent, une révision de la traduction sera nécessaire. Une fois la traduction terminée la version traduite est transmise en post-édition. Le post-éditeur quant à lui révise le projet dans la phase de post-édition et aura également le droit d’auteur pour sa révision, qui est considérée comme un droit superposé sur la traduction initiale.

En outre, en tant que traducteur, vous avez également le droit d’être identifié pour votre travail en tant que droit moral. Ce droit est distinct du droit d’auteur et offre au traducteur une protection supplémentaire, qui pourrait entrer en jeu, par exemple, dans la traduction littéraire, pour la traduction d’un livre ou d’un manuel. Ce sujet est essentiel pour le paiement de redevances sur les œuvres traduites. Les redevances d’une traduction d’un livre sont souvent payées par copie vendue et le traducteur-auteur touchera ses redevances pour sa traduction en tant qu’auteur de sa création.

En outre, à l’échelle internationale, la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques de 1886 a été le premier texte régissant le droit international du droit d’auteur. L’intention de cette convention, un pilier en droit international pour la protection des droits d’auteur était de fournir une norme internationale à laquelle les pays membres pourraient adhérer dans leur législation nationale.

La Convention de Berne dans son article 5 dit que :

« les auteurs jouissent, en ce qui concerne les œuvres pour lesquelles ils sont protégés en vertu de la présente Convention, dans les pays de l’Union autres que le pays d’origine de l’œuvre, des droits que les lois respectives accordent actuellement ou accorderont par la suite aux nationaux, ainsi que des droits spécialement accordés par la présente Convention ».

De même, l’article 5(2) de cette Convention précise ce qui suit :

« La jouissance et l’exercice de ces droits ne sont subordonnés à aucune formalité ; cette jouissance et cet exercice sont indépendants de l’existence de la protection dans le pays d’origine de l’œuvre. Par suite, en dehors des stipulations de la présente Convention, l’étendue de la protection ainsi que les moyens de recours garantis à l’auteur pour sauvegarder ses droits se règlent exclusivement d’après la législation du pays où la protection est réclamée ».

Par conséquent, le traducteur possède son propre travail, ce qui peut sembler être un principe simple. Pourtant, que se passe-t-il ensuite, lorsque le traducteur vend son travail au client ? Dès le paiement intégral et définitif, le client deviendra alors propriétaire de cette œuvre. Donc, la protection des droits d’auteur existe pour le traducteur jusqu’au paiement final par le client lors d’un procédé classique d’un bon de commande, acceptation et ensuite le paiement de la prestation.

En outre, comme mentionné ci-dessus, le droit d’auteur de la traduction est un droit à plusieurs niveaux, par pilier, ce qui signifie que, premièrement, le traducteur est protégé par le droit d’auteur pour la traduction, puis deuxièmement, le post-éditeur qui révise le document a le droit d’auteur sur la version révisée de l’œuvre et, enfin, le client, qui achète la traduction, devient le propriétaire lors du paiement final et, en tant que propriétaire, aura la protection du droit d’auteur et des droits moraux sur la traduction.

Enfin, à travers ces exemples nous observons que la traduction n’est pas simplement une réplique d’une version source originale - contrairement à certains a priori dans ce domaine - c’est en soi un travail unique qui nécessite une protection en tant que création individuelle.

Par Jane Kochanski Expert Judiciaire Cour d\'appel de Paris Traduction FR-EN / EN-FR