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Publication N°38 octobre 2022 de la revue du GRASCO
Parution : lundi 31 octobre 2022
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SOMMAIRE
ÉDITO
INTERVIEW 
CHARLES DUCHAINE, DIRECTEUR DE L’AGENCE FRANÇAISE ANTICORRUPTION (AFA)

CONSTATS ET PRÉCONISATIONS
L’INFILTRATION DES MOUVEMENTS À CARACTÈRE SECTAIRE DANS LES POUVOIRS PUBLICS : UN DANGER POUR LA DÉMOCRATIE FRANÇAISE
PAR HANÈNE ROMDHANE

DOCTRINE
LA CONFISCATION PÉNALE EN DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE : VERS UNE SANCTION POLITIQUE ?
PAR JÉRÉMY BOURGAIS

L’AVÈNEMENT D’UN DISPOSITIF AUTONOME DE RESTITUTION DES « BIENS MAL ACQUIS »
GENÈSE ET CRITIQUE DE L’ARTICLE 2 XI ISSU DE LA LOI N°2021-1031 DU 4 AOÛT 2021
PAR CORENTIN LATIMIER
ESCLAVAGE, SERVITUDE, TRAVAIL FORCÉ ET TRAITE : INTERPRÉTATION ET POUVOIR CRÉATEUR DU JUGE EUROPÉEN
PAR BÉNÉDICTE LAVAUD-LEGENDRE

QUESTIONS ÉMERGENTES
LE NUMÉRIQUE À L’HEURE DU METAVERSE : UNE NOUVELLE ARME STRATÉGIQUE
PAR SANDRINE RICHARD ET PHILIPPE COEN

DU CÔTÉ DE L’EUROPE
LES ÉVALUATIONS MUTUELLES DES ÉTATS MEMBRES DE L’UNION EUROPÉENNE EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE
PAR MATHIEU BERTOLA

DU CÔTÉ DES PRATICIENS
LA SAISIE ET LA CONSERVATION DE LA PREUVE NUMÉRIQUE
PAR JEAN-LOUIS COURTEAUD ET DANIEL MOULY
LUTTE CONTRE LA FRAUDE, THÉMATIQUE OUBLIÉE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE ? FOCUS SUR LA FRAUDE À L’ASSURANCE
PAR MAXENCE BIZIEN

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Edito
Le projet de réforme de la police judiciaire de la Police nationale, une réforme inique !
Le projet de réforme de la police judiciaire n’est pas « une simple réorganisation » comme cela a été présenté. Il faut le dire clairement, si elle est menée à terme, la réforme aboutira purement et simplement à priver l’État des moyens de lutter efficacement contre la criminalité organisée et les procédés du crime utilisés pour prospérer, particulièrement les atteintes à la probité, le blanchiment, les fraudes fiscales complexes ne pourront plus être combattu efficacement. Au-delà, c’est une nouvelle attaque frontale contre l’indépendance de la justice.
Pourquoi ?
La réforme vise à départementaliser la police judiciaire et à lui ôter toute spécificité en la fusionnant avec les autres services de police (sécurité et ordre public, renseignement territorial, frontière et immigration irrégulière) sous l’autorité d’un directeur départemental de la police nationale (DPPN) qui sera le seul interlocuteur du préfet pour toutes les questions concernant la sécurité intérieure.
Ce faisant, la réforme aura pour effet d’affaiblir la relation entre la police judiciaire et la justice. Elle privera les procureurs et les juges d’instruction de leur bras armé d’intelligence de l’enquête sur lequel ils exercent le contrôle et la surveillance ce qui lui garantit sa propre indépendance indispensable à l’exercice de ses missions.
La réforme sonnera le glas du pouvoir conféré aux procureurs de définir les priorités de la politique criminelle pour ce qui concerne les enquêtes judiciaires. Les procureurs seront en effet soumis aux décisions du DDPN qui seul en lien avec le préfet décidera de l’affectation des moyens de police judiciaire. Ils auront ainsi toute latitude pour refuser aux procureurs et aux juges d’instruction les moyens d’enquêter sur des affaires sensibles et orienter ces moyens vers d’autres priorités.
Cette réforme, qui ne garantit plus l’étanchéité entre l’autorité judiciaire et le pouvoir exécutif, met à mal le secret de l’enquête et de l’instruction, principe fondateur de notre procédure et qui vise à garantir l’efficacité et l’équité de la procédure judiciaire. Or, par l’intermédiaire des directeurs départementaux de la police nationale, les Préfets pourront suivre le travail d’investigation de la police judiciaire même lorsqu’il s’agit de dossiers particulièrement sensibles impliquant des personnalités. Dans une tribune au « Monde » en date du 31 août 2022, des policiers, magistrats et citoyens préviennent : « Ce commandement unifié va devenir une arme redoutable contre l’efficacité de certaines enquêtes en prévenant, par exemple, des personnes susceptibles d’être inquiétées ou en refusant d’autoriser des enquêteurs à assister le juge d’instruction pour une perquisition, pratiques que l’on a déjà connues ».
Or, pour lutter contre des organisations criminelles transnationales dont la puissance financière dépasse celle de certains États et pour lutter contre les atteintes à la probité (corruption, favoritisme, concussion, trafic d’influence, prise illégale d’intérêt) et la fraude fiscale organisée qui ébranlent les fondements même de la démocratie, la République a besoin d’une police judiciaire dotée de moyens financiers sanctuarisés et à l’échelle du combat qu’elle doit mener sous l’autorité du procureur de la République et du juge d’instruction garants de son indépendance.
Après les attaques directes contre le parquet national financier (PNF) et le démantèlement préconisé de l’Agence française anticorruption (AFA) dont le GAFI et l’OCDE ont dans leurs derniers rapports salué l’arrivée de ces nouveaux acteurs1, la réforme annoncée de la police judiciaire portera, si elle est menée à terme, un coup fatal à la justice en charge des affaires de criminalité organisée, de délinquance financière grave et d’atteinte à la probité.
« Résistance et obéissance, voilà les deux vertus du citoyen. Par l’obéissance, il assure l’ordre ; par la résistance, il assure la liberté » écrivait Stéphane Hessel dans « Indignez-vous ! ». Or, sans justice il n’y a ni liberté ni ordre et il n’y a pas de justice sans séparation des pouvoirs. Résister à cette réforme s’impose donc au citoyen comme un impératif catégorique.
Cette résistance doit ouvrir la voie à une véritable refondation de la Justice en tant que pilier du pacte républicain.


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Membre du GRASCO WebMaster du GRASCO Ingénieur Analyste TIC Spécialiste de l'analyse de donnée Lutte contre la Fraude et le Blanchiment