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La « Valls » a mille temps est terminée : coup de sifflet final pour la circulaire « Valls ». Par Alexandre Delavay, Avocat.
Parution : mercredi 26 octobre 2022
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La circulaire du 28 novembre 2012, dite circulaire « Valls », est un serpent de mer du droit des étrangers. Cette circulaire visait à objectiver et à clarifier le pouvoir de régularisation des préfets : elle a le mérite de poser enfin des critères d’analyse des demandes d’admission exceptionnelle au séjour (AES) qu’un étranger peut demander lorsqu’il se trouve en situation irrégulière en France.

Au premier temps de la « Valls », les ressortissants étrangers dont la demande d’admission exceptionnelle avait été rejetée ont tenté d’opposer aux préfectures les critères fixés par cette circulaire.

Au deuxième temps de la « Valls », le Conseil d’Etat a estimé que cette circulaire ne contentait pas des « lignes directrices dont les intéressés pouvaient utilement se prévaloir » mais simplement des « orientations générales », non invocables par un requérant [1].

La circulaire est une aide pour les Préfectures, pas un texte qui lui est opposable.

Fin de partie pour la circulaire Valls ? Pas tout à fait.

La « Valls » a repris, pour un troisième temps : en 2018, la réforme du CRPA (Code des relations entre le public et l’administration) a - pensait-on - rebattu les cartes.

Dans la loi [2], pas question d’orientations générales ou de lignes directrices, mais uniquement de la publication du texte. Si le texte est publié sur le bon site et qu’il émane d’une administration de l’Etat, « toute personne peut se prévaloir ».

Et le CRPA [3] de préciser que les circulaires adressées par les ministres à leurs services sont opposables à condition d’être publiée sur un site relevant du Premier ministre.

Et la circulaire Valls émane bien du ministère de l’Intérieur, elle était bien destinée aux préfets et elle était régulièrement publiée sur Légifrance (site relevant du premier ministre).

Le rapporteur public sur l’avis commenté estimera qu’il aurait, en plus, fallu que la circulaire soit publiée dans une rubrique spécifique du site internet. Les textes ne rentrent pas dans ce niveau de détail.

Quatrième pas de Valls, donc : le renouveau.

Nouvel état du droit, nouvelle jurisprudence. La CAA de Marseille a fait application du CRPA nouveau et a estimé que la circulaire Valls était désormais bien invocable [4].

La CAA de Lyon, plus prudente, a saisi le CE d’une demande d’avis simple : l’entrée en vigueur du CRPA nouveau remet-elle en question la jurisprudence Cortes-Ortiz ? En d’autres termes, la circulaire Valls est-elle désormais invocable ? [5].

Coup de sifflet finale le 14 octobre : le Conseil d’Etat estime que la réforme du CRPA ne change rien. Et elle étrangère à sa distinction « orientations générales » / « lignes directives » [6].

Les « lignes directrices » restent invocables pour les personnes qui ont un droit à l’attribution d’un avantage. Même si elles ne sont pas publiées conformément au CRPA.

Les « orientations générales » ne font que guider l’attribution d’une « mesure de faveur » au bénéfice d’une personne qui n’a aucun droit opposable à l’octroi de cette mesure.

Les ressortissants étrangers n’ont « aucun droit à l’exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation ». Ils ne peuvent pas se prévaloir d’orientations générales et, donc, de la circulaire Valls.

Alexandre Delavay Avocat au Barreau de Paris www.delavay-avocat.fr

[1CE, 4 février 2015, n°383267, Cortes-Ortiz.

[2L312-2 et -3 du CRPA.

[3R312-8 du CRPA.

[4CAA Marseille, 09/11/2020, n°20MA01402.

[5CAA Lyon, 31 mars 2022, n°21LY03506.

[6CE, avis, 14 octobre 2022, n°46274.