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Changement de dirigeant avant une procédure collective ? Enjeux et risques. Par Ketty Leroux, Avocat.
Parution : lundi 11 octobre 2021
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Certains chefs d’entreprise en difficulté et sur le point de déposer un dossier de déclaration de cessation des paiements, peuvent être amenés à se poser cette question : est-ce une bonne idée de démissionner avant une procédure ?

Qu’en est-il exactement ? Inquiets de la gestion de leur dossier dans le cadre de la procédure collective, ils peuvent concrètement envisager de se faire remplacer par un gérant de paille juste avant la procédure, sans vraiment savoir si oui ou non cette décision est vraiment judicieuse. Très clairement ce n’est pas forcément une bonne idée, en tout cas pour le dirigeant qui va démissionner de son mandat juste avant cette procédure.

En effet, il faut savoir que cette démission ne va pas totalement l’exonérer pour la suite de la procédure. Certains dirigeants font le raisonnement suivant :

« Un nouveau dirigeant va être nommé, je vais céder mes parts et je ne vais plus du tout entendre parler de la société. Je ne veux pas m’occuper de la procédure ».

Dans ce cas, certes il n’aura pas à gérer la procédure collective mais il faut savoir que l’ancien dirigeant peut tout de même être attrait à la procédure dans le cadre, par exemple, d’une procédure d’interdiction de gérer, ou de sanctions patrimoniales, même s’il a quitté son mandat avant l’ouverture de la procédure collective. Et de toutes les façons, un nouveau dirigeant qui serait nommé juste avant la procédure collective, ne verrait pas forcément sa responsabilité engagée puisque ce n’est pas lui qui aurait commis des fautes de gestion ni qui aurait été dirigeant au moment où le passif de la société a été constitué.

Il est important de comprendre que le tribunal peut vérifier si des fautes de gestion ont été commises pendant une période suspecte qui peut être fixée jusqu’à 18 mois avant l’ouverture de la procédure collective. Ceci veut donc dire que si un dirigeant quitte son mandat un mois avant que la société dépose le bilan, il ne sera pas totalement exonéré de responsabilités : tous les actes qui auront été accomplis pendant cette période suspecte pourront justement être examinés par le Tribunal de commerce. En réalité, l’ancien dirigeant peut être sanctionné en même temps que le nouveau dirigeant dans le cadre de la procédure collective.

Bien sûr, on sait que chaque dossier est différent et que tout dépend des particularités de chaque dossier. Est-ce que le dirigeant aura commis des fautes de gestion ? Il faudra encore que ce fait soit démontré par le ministère public ou par le mandataire judiciaire.

La meilleure option en réalité dans ce contexte est plutôt de préparer son dossier correctement, de reconstituer la comptabilité si cela est possible, afin d’être en mesure de procéder au dépôt de bilan dans de bonnes conditions. Ceci permet d’éviter une suspicion par la suite, puisque les anciens dirigeants qui auront démissionné avant une procédure collective seront considérés comme suspects par les organes de la procédure et le mandataire judiciaire, notamment si le dossier est mal préparé.

Il est donc recommandé d’éviter les changements de gérant à la dernière minute, ils sont inutiles et vous coûteront certainement plus d’argent qu’autre chose.

Maître Ketty Leroux, avocat au sein du Cabinet Naïm & Leroux avocats [->ketty.leroux@naimavocats.fr] www.jedeposemonbilan.com www.depotdebilanparis.com Droit des affaires et des sociétés, dépôt de bilan, cessation des paiements, liquidation judiciaire, redressement judiciaire