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Toute publicité a-t-elle une valeur contractuelle ? Par Elodie Garoux, Juriste.
Parution : vendredi 1er octobre 2021
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Il s’agit de la question de l’intégration de la publicité dans la sphère contractuelle. Alors que certains documents ont par nature une valeur contractuelle, d’autres et notamment la publicité, n’acquièrent cette valeur qu’à certaines conditions.

Cette question n’est pas nouvelle, elle avait déjà été abordée en 1982 par la troisième chambre civile concernant un promoteur immobilier [1]. Avait notamment été relevé lors de cet arrêt que les promesses du professionnel n’avaient pas eu d’autre objet que de l’amener à contracter. En l’espèce, les documents publicitaires indiquaient la présence d’un drugstore et d’une cafétéria à côté des locaux acquis par l’acheteur, or il n’en était rien.

Dans cette affaire, le promoteur avait essayé de faire valoir qu’un document publicitaire n’est pas un document contractuel à moins d’être annexé ou visé à l’acte de vente. Cet argument avait été rejeté. On voit donc bien que dès 1982, la Cour de cassation analyse l’ensemble des documents sur la base desquels une partie a donné son consentement au contrat.

Seulement, l’influence du consentement de l’une des parties par le document publicitaire n’est pas une condition suffisante pour lui conférer à elle seule une valeur contractuelle. C’est notamment ce que souligne la première Chambre civile le 6 mai 2010 [2] en retenant que

« les documents publicitaires peuvent avoir une valeur contractuelle dès lors que, suffisamment précis et détaillés, ils ont une influence sur le consentement du cocontractant ».

Cependant, cette influence « à conclure le contrat dont il avait précisément pour fonction d’inciter à la formation » devra être prouvée par le cocontractant dont le consentement a été influencé. En l’espèce, se posait la question de savoir si le fait pour une école privée de s’engager à la fois sur des brochures publicitaires et sur son site internet à trouver un employeur à ses élèves constitue un engagement suffisamment précis et détaillé pour avoir potentiellement déterminé une mère à inscrire son fils dans cette école.

En effet, l’enjeu était de taille en l’espèce. Dans le cas où les brochures publicitaires étaient reconnues comme ayant valeur contractuelle, la mère aurait été fondée à opposer à l’école l’inexécution de son obligation pour justifier son refus de payer les frais de scolarité. Dans cet arrêt, la Cour en a conclu que les documents publicitaires étaient suffisamment précis et détaillés et avaient exercé une influence sur le consentement du cocontractant.

Néanmoins, en l’absence de ce caractère précis la qualification de document contractuel ne peut être retenue. Dans un arrêt du 15 janvier 2014, la troisième chambre avait approuvé les juges du fond d’avoir retenu, dans l’exercice de leur pouvoir souverain d’appréciation, que « la maquette et la plaquette publicitaire étaient trop imprécises pour constituer des documents contractuels », rejetant ainsi l’argumentation du demandeur qui estimait que « les documents publicitaires, indépendamment de leur degré de précision, peuvent avoir une valeur contractuelle dès lors qu’ils ont eu une influence sur le consentement du cocontractant ».

Récemment d’ailleurs, un arrêt du 14 novembre 2019 [3] avait rappelé « que la qualité de professionnel ne fait pas obstacle à l’admission de la valeur contractuelle des documents publicitaires ». Ce raisonnement de la Cour de cassation peut être rapproché de celui qu’elle adopte en matière d’erreur. De même que l’erreur n’est pas déclarée inexcusable simplement par la qualité de professionnel de l’acheteur, les documents publicitaires ne sont pas systématiquement dépourvus de valeur contractuelle simplement parce que l’acheteur est un professionnel averti.

En l’espèce, il s’agissait d’une vente d’un fourgon funéraire conclue

« au vu de la plaquette publicitaire exposant, sur six pages, des photographies du véhicule litigieux comportant quatre places assises et un long espace à l’arrière, qui apparaît de nature à pouvoir accueillir un cercueil ».

Dès lors qu’il était précis et détaillé, le document publicitaire a pu déterminer le consentement de l’acquéreur et a donc valeur contractuelle, ce qui justifie la résolution de la vente pour défaut de conformité en présence d’un véhicule ne correspondant pas aux spécifications présentées dans la plaquette.

Pour conclure.

Deux conditions cumulatives sont nécessaires à l’intégration d’un document publicitaire à la sphère contractuelle :
- Un document précis et détaillé ;
- Un document ayant une influence sur le consentement du cocontractant.

Elodie Garoux, Juriste en droit des contrats & concurrence M2 Droit européen du marché et de la régulation

[1Cour de Cassation, Chambre civile 3, 13 janvier 1982.

[2Cass. Civ. 1e, 6 mai 2010, no 08-14.461.

[3Cass. Com., 14 novembre 2019, n° 18-16.807.