Village de la Justice www.village-justice.com

Candidats à l’emploi : quels sont vos droits ? Par Karine Vartanian, Professeure de Droit.
Parution : vendredi 3 septembre 2021
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/candidats-emploi-quels-sont-vos-droits,40024.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Tout employeur est libre d’embaucher le candidat de son choix eu égard à ses aptitudes professionnelles et ses qualités personnelles en adéquation avec le poste à pourvoir. Cependant, ce processus d’embauche est soumis à des règles qui sont exposées ci-après.

afin d’éviter les dérives lors de la mise en œuvre des techniques de recrutement, le Code du travail veille à la protection des candidats à l’embauche en imposant la pertinence et la transparence des méthodes de sélection ; l’encadrement des investigations limitées à la recherche des aptitudes professionnelles et la prohibition de toute forme de discrimination à chaque étape du recrutement.
Ainsi, même si la relation candidat-recruteur apparaît d’emblée comme déséquilibrée, le candidat à l’emploi n’est pas démuni de droits qu’il peut légitimement faire valoir dans un processus de recrutement.

1– Droit d’être informé sur tous les aspects de l’emploi proposé.

L’entreprise qui recrute doit respecter les règles qui régissent la rédaction de l’offre d’emploi.

Toute offre d’emploi doit donc comporter :
- La date de sa diffusion [1] ;
- Le nom de l’employeur n’est pas nécessairement connu de candidat à l’emploi, toutefois l’employeur ou l’intermédiaire agissant en son nom doit faire connaître son nom ou sa raison sociale ainsi que son adresse au directeur de la publication ou au responsable du moyen de communication [2] ;
- Un intitulé de poste non discriminant (avec la mention Homme/Femme) ;
- La description du poste ;
- La localisation du poste (la plus précise possible) et la durée du travail (temps complet, temps partiel) ;
- Le diplôme ou la qualification exigée pour les professions réglementées ;
- L’expérience requise pour le poste ;
- La description du profil de la candidate ou du candidat recherché(e) sans mention discriminante d’aucune sorte [3], sauf lorsque le critère discriminatoire est justifié par une exigence professionnelle essentielle et déterminante [4] ;
- Le type de contrat (CDI, CDD, contrat de professionnalisation, d’apprentissage…) et sa durée le cas échéant ;
- Une adresse de contact, de réception des CV ou un formulaire pour postuler à l’offre ;
- Lorsque le poste est situé en France ou lorsque l’auteur de l’offre est français, l’offre d’emploi doit être rédigée ou traduite en français, y compris l’intitulé de la fonction, quel que soit le lieu d’exécution du travail ; cependant, certains termes spécifiques fréquemment utilisés pour décrire la fonction sont tolérés dans une autre langue dès lors que l’essentiel de l’offre est rédigé en français [5] ;
- L’offre d’emploi ne doit pas comporter d’allégations fausses ou susceptibles d’induire en erreur le candidat [6].

Rappelons que la loi interdit de monnayer les offres d’emplois que ce soit en demandant une somme forfaitaire pour accéder aux offres d’emplois, de diriger les candidats vers des sites payants ou de contraindre les candidats à joindre un numéro de téléphone surtaxé.
Cette gratuité concerne l’accès à l’offre d’emploi, le dépôt de candidature le processus de recrutement et les frais éventuels de constitution d’un dossier de candidature [7].

Toute infraction aux règles prescrites ci-dessus est punie d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 37 500 euros.

2– Droit d’être informé des méthodes et techniques de recrutement.

En vertu de l’article L1221-9 du Code du travail : « Aucune information concernant personnellement un candidat à un emploi ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance ».

Avant d’entamer le processus de recrutement, le comité social et économique (CSE) doit être tenu informé des méthodes et techniques de recrutement des candidats à un emploi.

De même, le candidat à l’emploi doit être clairement et expressément informé de quelque manière que ce soit, des méthodes et techniques de recrutement auxquelles il devra se soumettre : tests d’aptitude (orthographe, grammaire, numérique, informatique, logique), de personnalité, questionnaire professionnel, essai professionnel… [8].
A défaut de prescription légale, l’obligation d’information préalable des candidats est satisfaite dès lors que l’intéressé a eu connaissance, avant que ne débute le processus de recrutement, des méthodes et techniques qui seront utilisées à son égard.

La loi impose que les méthodes et techniques d’aide au recrutement ou d’évaluation des candidats à un emploi soient pertinentes au regard de la finalité poursuivie et aient pour unique objectif d’évaluer les aptitudes professionnelles du candidat : compétence, réactivité, technicité, expérience, capacité d’intégration et d’adaptation, qualité comportementale…
En conséquence, le recours, à l’astrologie, la graphologie ou la numérologie n’est autorisé que si la justification de telles pratiques s’avère pertinente.
Notons à cet égard, que le test relatif à l’évaluation du quotient intellectuel est interdit par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) qui considère le QI comme une donnée personnelle sans lien avec la recherche d’un emploi, quel qu’il soit.

Le candidat doit également être renseigné sur l’identité du responsable du traitement de ses données personnelles, sur le caractère obligatoire (exemple : les diplômes obtenus) ou facultatif (exemple : les centres d’intérêt) des réponses qu’il apporte et sur les conséquences d’un éventuel défaut de réponse. Il doit aussi être éclairé sur son droit d’accès, de rectification, d’opposition et la durée de conservation des informations le concernant.

3– Droit de prendre connaissance des résultats des évaluations.

Les résultats obtenus doivent rester confidentiels à l’égard des tiers mais sont portés à la connaissance du candidat s’il en fait la demande.

Tout candidat à l’emploi, qu’il soit recruté ou non, doit pouvoir obtenir à sa demande et dans un délai raisonnable, les résultats des analyses, tests ou évaluations professionnelles éventuellement pratiqués.
Ce droit d’accès porte sur toutes les informations que le recruteur a pu se procurer : informations obtenues auprès du candidat, informations éventuellement collectées auprès de tiers et les résultats des diverses évaluations du candidat.

La loi ne précise pas les modalités de cette communication qui peut prendre une forme écrite ou orale, mais requiert une démarche du candidat qui a été informé préalablement de son droit.

Dans le respect du Règlement général de protection des données (RGPD), toutes les informations relatives au candidat testé non retenu à l’embauche doivent être supprimées deux ans au maximum après le dernier contact, sauf demande de suppression immédiate du candidat ou accord formel de sa part pour une conservation d’une durée supérieure.

4– Droit de refuser de délivrer des informations confidentielles.

En vertu de l’article 9 al. 1er du Code civil « chacun a droit au respect de sa vie privée » et à ce titre certaines questions sont illégales car susceptibles de conduire à de la discrimination au sens de l’article L 1132-1 du Code du travail, notamment celles portant sur les thèmes suivants :
- La situation familiale : marié, pacsé, concubinage, divorcé, nombre et âge des enfants, profession du conjoint ou celle des parents et de la fratrie ;
- La santé : il n’appartient pas à l’employeur d’apprécier si l’état de santé du candidat lui permet d’être apte ou non à l’exercice de l’activité professionnelle proposée ;
- Les convictions personnelles, qu’elles soient religieuses, politiques ou syndicales ne peuvent faire l’objet d’aucune question, mais peuvent être encadrées dans un règlement intérieur ;
- L’état de grossesse ou la volonté d’avoir des enfants ;
- L’orientation sexuelle ;
- L’apparence physique ne doit pas être le prétexte à des questions concernant la taille, le poids ou une particularité visible, sauf exigence professionnelle justifiée ;
- L’origine ethnique, la nationalité, la date d’entrée en France ou celle de la naturalisation ne doivent pas être sujet à échanges, même si l’employeur devra vérifier ultérieurement la validité du titre de séjour ;
- L’âge ne doit pas être un critère de recrutement, il est toutefois légal d’opérer des différences de traitement fondées sur l’âge lorsque ces différences sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime et dans le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d’assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d’emploi [9] ;
- Les antécédents judiciaires, sauf si une telle demande conditionne l’accès à l’emploi ;
- Les habitudes de vie, les pratiques sportives, le rythme des sorties, être fumeur, être titulaire du permis de conduire sauf lorsqu’une telle demande conditionne l’accès à l’emploi…
- Le type de logement occupé et sous quel statut : occupant à titre gratuit, locataire ou propriétaire.

Si une question interdite donc illégale est posée à un candidat, plusieurs options s’offrent à lui :
- Il peut ne pas y répondre ou évasivement sans pouvoir être sanctionné par cette absence de réponse.
- Il peut accepter d’y répondre sans que cette réponse ne puisse servir de fondement à une exclusion discriminatoire du processus de recrutement.
- Il peut également indiquer à son interlocuteur qu’il ne souhaite pas répondre à la question dont la réponse ne présente aucun lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé et avec l’évaluation de ses aptitudes professionnelles ; soulignons à ce sujet que le candidat peut également refuser de se soumettre à une évaluation qui ne lui semblerait pas pertinente, sans qu’un tel refus puisse être éliminatoire dans le processus de recrutement.
- Enfin, il peut répondre de manière inexacte, car les renseignements erronés fournis par le candidat à l’embauche ne sont considérés comme un manquement à son l’obligation de loyauté susceptible d’entraîner la nullité du contrat de travail, que si les questions posées par le recruteur ont pour but d’apprécier les aptitudes professionnelles du candidat et sont en lien direct et nécessaire avec l’évaluation de ses aptitudes. Si tel n’est pas le cas, le droit au mensonge du candidat est non seulement toléré mais reconnu.

5– Droit de demander à être encadré lors de la période de test professionnel.

L’essai ou le test professionnel est une épreuve effectuée préalablement à l’embauche dont l’objectif est d’évaluer la qualification professionnelle et l’aptitude du candidat à occuper l’emploi proposé.
Il se différencie de la période d’essai qui prend place dans un cadre contractuel ou conventionnel, se trouve limitée dans le temps et se situe en début de contrat de travail.
Il se distingue également de la période probatoire qui est une période d’essai située entre deux contrats de travail successifs conclus entre les mêmes parties ou en présence d’un avenant au premier contrat, dont la rupture a pour effet de replacer le salarié dans ses fonctions antérieures.

Il s’agit généralement d’une mise en situation pratique qui peut prendre la forme de la rédaction d’un article, la solution apportée à une problématique spécifique ; l’identification des difficultés rencontrées par une entreprise dans le domaine de compétences, la conduite d’un bus ou le service dans la restauration…
Cette méthode de recrutement peut être décisive pour le recruteur et stimulante pour le candidat à l’embauche dans la mesure où les critères de sélection sont plus équitables et transparents.

Le Code du travail ne réglemente pas l’essai professionnel, cependant certaines conventions collectives prévoient des dispositions encadrant cet essai, notamment quant à sa durée, les missions qui peuvent être confiées au candidat et l’éventuelle contrepartie financière, mais s’il ne s’agit aucunement d’une prestation de travail puisque le candidat n’est pas encore salarié.

Afin que cette période de test ne soit pas requalifiée en un contrat de travail, deux critères doivent être scrupuleusement respectés par l’employeur :
- la période de test professionnel doit être de courte durée, même si cette condition n’est pas déterminante à elle seule [10] ;
- le candidat ne doit pas être placé dans des conditions normales d’emploi : pas de mise en situation réelle et normale d’emploi avec exécution d’une prestation effective et pas d’activité en autonomie du candidat [11].

En conclusion, le candidat à l’emploi se doit de convaincre, voire de séduire lors d’un processus de recrutement. Pour autant, cet objectif ne doit pas le conduire à consentir à toutes les exigences du recruteur de manière absolue.
D’abord parce que cette flexibilité n’est pas la garantie d’une embauche, elle peut même s’avérer contre-productive, ensuite parce que lorsque l’employeur a obtenu plus de renseignements qu’il ne le devait, difficile de les lui faire oublier.
Alors de l’échange et de l’interaction, mais pas de soumission inconditionnelle.

Karine Vartanian, Professeure de Droit Rédactrice juridique

[1Article L 5332-1 du Code du travail : « Toute offre d’emploi publiée ou diffusée est datée ».

[2Article L 5332-2 du Code du travail : « Tout employeur qui fait insérer dans un journal, revue ou écrit périodique ou fait diffuser par tout autre moyen de communication accessible au public une offre anonyme d’emploi fait connaître son nom ou sa raison sociale et son adresse au directeur de la publication ou au responsable du moyen de communication.
Lorsque l’insertion est demandée par une agence de publicité, un organisme de sélection ou tout autre intermédiaire, celui-ci fournit au directeur de la publication ou au responsable du moyen de communication les renseignements concernant l’employeur mentionnés au premier alinéa
 ».

[3Article L 1132-1 du Code du travail : « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte (…) en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d’un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français ».

[4Article L 1121-1 du Code du travail : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

[5Article L 5331-4 du Code du travail : « Il est interdit de faire publier dans un journal, revue ou écrit périodique ou de diffuser par tout autre moyen de communication accessible au public une insertion d’offres d’emploi ou d’offres de travaux à domicile comportant un texte rédigé en langue étrangère.
Lorsque l’emploi ou le travail offert ne peut être désigné que par un terme étranger sans correspondant en français, le texte français en comporte une description suffisamment détaillée pour ne pas induire en erreur au sens de l’article L. 5331-3.
Ces prescriptions s’appliquent aux services à exécuter sur le territoire français, quelle que soit la nationalité de l’auteur de l’offre ou de l’employeur, et aux services à exécuter hors du territoire français lorsque l’auteur de l’offre ou l’employeur est français, alors même que la parfaite connaissance d’une langue étrangère serait une des conditions requises pour tenir l’emploi proposé.
Toutefois, les directeurs de publications et les personnes responsables de moyens de communication utilisant, en tout ou partie, une langue étrangère peuvent, en France, recevoir des offres d’emploi rédigées dans cette langue.
 ».

[6Article L 5331-3 du Code du travail : « Il est interdit de faire publier dans un journal, revue ou écrit périodique ou de diffuser par tout autre moyen de communication accessible au public une insertion d’offres d’emploi ou d’offres de travaux à domicile comportant des allégations fausses ou susceptibles d’induire en erreur et portant en particulier sur un ou plusieurs éléments suivants : 1° L’existence, le caractère effectivement disponible, l’origine, la nature et la description de l’emploi ou du travail à domicile offert ; 2° La rémunération et les avantages annexes proposés ; 3° Le lieu du travail ».

[7Article L 5331-1 du Code du travail : « Il est interdit de vendre des offres ou des demandes d’emploi, quel que soit le support utilisé.
Toutefois, cette interdiction ne fait pas obstacle à l’insertion, à titre onéreux, d’offres ou de demandes d’emploi dans une publication ou un autre moyen de communication payant
 ».

[8Article L 1221-8 al 1er du Code du travail : « Le candidat à un emploi est expressément informé, préalablement à leur mise en œuvre, des méthodes et techniques d’aide au recrutement utilisées à son égard.
Les résultats obtenus sont confidentiels.
Les méthodes et techniques d’aide au recrutement ou d’évaluation des candidats à un emploi doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie.
 »

[9Article L1133-2 al. 1er du Code du travail : « Les différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime, notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d’assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d’emploi, et lorsque les moyens de réaliser ce but sont nécessaires et appropriés ».

[10Cour de cassation, chambre sociale, 6 janvier 2010, 08-44.170, Inédit.

[11Cour de cassation, chambre sociale, 4 janvier 2000, 97-41.154, : Bull. 2000 V n° 4 et Cour de cassation, chambre sociale, 26 novembre 2008, 07-42.673, Inédit.