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Stratégie solidaire d’optimisation fiscale de l’impact financier de l’IR : l’exemple de la Guyane. Par Franck Ladrière, Fiscaliste.
Parution : mardi 25 août 2020
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A une époque où il est essentiel de donner du sens à ses actes, le CGI permet à des particuliers, souhaitant maîtriser l’usage de leur impôt sur le revenu, de choisir de l’orienter vers des investissements utiles au développement économique de l’outremer. On prendra ici l’exemple de la Guyane.

1. - Selon l’article 199 undecies B du CGI, les contribuables domiciliés en France peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs réalisés dans les départements et collectivités d’Outre-mer (DOM COM), dans le cadre d’une entreprise exerçant une activité agricole ou industrielle, commerciale ou artisanale. Ces investissements peuvent être effectués dans le cadre d’un schéma locatif en solidarité avec les exploitants ultramarins aidés. En pratique, les contribuables participeront au capital d’une société de portage (une SAS) qui financera des biens productifs en partenariat avec des exploitants ultramarins. Cette société leur donnera en location avec option d’achat au terme d’une période d’exploitation de cinq années, en échange de quoi les contribuables pourront bénéficier en année N d’une réduction d’impôt sur le revenu supérieure à l’apport financier réalisé.

2. - La morphologie territoriale complexe et le climat difficile constituent des contraintes physiques avec lesquelles il faut compter lorsque l’on parle de développement agricole en Guyane. Effectivement, les espaces ruraux sont développés en remplacement de la forêt vierge, sur des sites où les infrastructures d’accès (routes, pistes, fossés, ponts, buses…) sont à créer, et les aménagements (déforestage, préparation des sols, drainage, irrigation…) des parcelles pour rendre ces dernières cultivables (prairies, vergers…) sont à mettre en œuvre. Malgré toutes ces difficultés, le secteur agricole est considéré comme un atout du développement économique et endogène de la Guyane. C’est ainsi que lors des états généraux de 2009, l’axe 2 « Productions locales et conditions d’un développement endogène », témoignait d’une demande locale forte de faire de l’agriculture guyanaise un fer de lance du développement local.

3. - Trois types d’investissements (améliorations foncières temporaires) ont été évalués comme des besoins intégrant certaines priorités/enjeux du développement rural de la Guyane : la création de dessertes agricoles (l’accessibilité à la parcelle est indispensable) ; la création de canaux (toute production agricole est contrainte à la maîtrise de l’eau) ; la création de pâtures (c’est le secteur agricole qui crée le plus et le plus vite de la surface agricole utile - SAU). L’apport financier rétrocédé aux exploitants, en échange d’une réduction d’impôt, est un outil financier complémentaire et indispensable pour les exploitants ultramarins.

4. - Au-delà de l’avantage fiscal qu’il génère, l’apport financier réalisé au profit de l’agriculture guyanaise permet aux contribuables de choisir d’orienter tout ou partie de leur impôt sur le revenu vers des populations qui en ont besoin et notamment pour le financement de travaux d’aménagement indispensables à leur développement. L’essentiel des exploitants guyanais soutenus fait partie de la communauté Hmong, ces montagnards du Haut-Laos d’origine sino-tibétaine, qui ont fui la répression dont ils ont été victimes à la fin de la guerre d’Indochine et qui se sont installés en Guyane dans les années 1970 pour y recréer une activité agricole qui était en perdition. La stabilité et la visibilité des exploitations au cours des cinq ans requis par la loi contribuent à faire du secteur agricole un secteur privilégié. La filière agricole guyanaise est en forte croissance et pourtant elle se compose de travailleurs largement sous-équipés. L’objectif est de leur apporter des moyens de financement destinés à optimiser l’efficacité de leurs exploitations, accompagner leur développement et contribuer ainsi à l’autonomie de leur territoire. Cette approche innovante de l’impôt permet de financer des projets agricoles sur mesure, adaptés au profil et aux besoins des contribuables intéressés, dans un environnement juridique, fiscal, financier et comptable maîtrisé.

5. - Principes généraux des relations contractuelles entre les exploitants agricoles et la société de portage (SAS) - Dans le cadre de la validation préalable de l’éligibilité de l’immobilisation à acquérir, l’investissement doit être réalisé de toutes pièces ou acquis neuf sur facture, sur sol vierge et ne doit pas être entré en production avant la date de la cession à la société de portage. La mise en valeur du terrain est facturée à la société de portage par l’exploitant conformément à la définition du prix de revient validé par l’administration fiscale. Dans ce cas, l’agriculteur prête le terrain (en totalité ou partiellement) à la société de portage pour une durée de cinq ans.

En contrepartie :
- la société de portage loue à chaque exploitant l’immobilisation à exploiter pour une durée de cinq ans, la location est réputée alors « acte de commerce » par l’article L110-1 [1] du Code de commerce. Les revenus tirés de cette location sont donc imposés au titre des BIC ;
- la société de portage rétrocède aux exploitants 56% de l’avantage fiscal global procuré par la déduction pratiquée au titre de l’investissement ;
- au terme prévu de cinq ans, la parcelle prêtée à la société de portage est restituée à l’exploitant.

6. - Location des investissements. Au titre du contrat de location avec option d’achat, les exploitants versent à la société de portage des loyers annuels égaux au montant des échéances annuelles de remboursement dues par l’entreprise au titre du crédit vendeur consenti par chaque exploitant pour le financement des investissements.

Ces versements s’effectuent pendant toute la durée de l’opération par compensation comptable, aucun flux financier n’est à prévoir autre que l’apport financier initial. L’ensemble des frais d’exploitation reste à la charge des exploitants.

7. - Sortie d’opération. Au terme du contrat de location, et donc de cinq années d’exploitation des investissements conformément à la loi, les exploitants agricoles se sont engagés à racheter les investissements productifs à la société de portage pour un euro. La société de portage de son côté réalise le rachat annulation de la totalité des actions détenues par les contribuables.

8. - Avantage fiscal. La réduction d’impôt représente 52,95% de la valeur de l’investissement. Ainsi, 250 000 euros financés par une SAS génèrent 132 375 euros de réduction d’impôt à partager entre les associés à hauteur de leur quote-part de droits au résultat de la société de portage.

9. - Retour fiscal sur investissement. Le gain fiscal représente la différence entre la réduction d’impôt générée et l’apport financier réalisé. Il est généralement de 25% pour les projets financés en début d’année et de 19,04% pour les projets du 4ème trimestre.

10. - Financement des immobilisations. L’acquisition des immobilisations par la société de portage (SAS) est financée de la façon suivante :
- une partie par l’apport financier réalisé au capital de la SAS ;
- le solde par le versement de cinq annuités (correspondant au montant des loyers qui sont dus par l’exploitant et réglés par compensation comptable avec les échéances de crédit vendeur).

11. - Rétrocession de l’avantage fiscal. La société de portage (SAS) effectue directement la rétrocession de l’avantage fiscal à chaque exploitant agricole concerné l’année de l’investissement sous forme de diminution du prix de cession des biens, montant correspondant à un pourcentage de la réduction IR cible (56%). Cet apport financier représente le complément du crédit vendeur consenti par les locataires du montant à payer pour l’acquisition des immobilisations et les frais de mise en place.

12. - Exemple pour une réduction d’IR de 30 000 euros - Au terme de cinq années de location, l’exploitant s’est engagé à acquérir l’immobilisation pour l’euro symbolique, il en récupère ainsi la propriété en ayant bénéficié de la rétrocession de 56% de l’avantage fiscal procuré aux associés de la SAS, en conformité avec la loi, dès la mise en place de l’opération.

Le financement apporté par la SAS permet aux exploitants de continuer à investir dans de nouvelles immobilisations à exploiter pour contribuer au développement de leurs exploitations.

Exemple pratique de projets éligibles sur la plateforme dom com agricole [2] pour les particuliers et pilotée par la société Les Entreprêteurs à l’appui de son double agrément AMF (CIP et IFP). Elle permet à des personnes physiques de souscrire 100% en ligne à des projets agricoles éligibles à l’article 199 undecies B du CGI.

Hypothèse de mise en place en août 2020 d’une réduction d’impôt sur le revenu 2020 de 30 000 euros par la souscription d’un ou plusieurs projets éligibles sur cette plateforme, l’apport total à réaliser est de 24 900 euros. Le gain net en trésorerie qui sera constaté courant de l’été 2021 sera de 5 100 euros. Le rendement fiscal de cette opération est donc de 20,48%.

13. - Ainsi, les particuliers souhaitant maîtriser l’usage de leur impôt sur le revenu ont la possibilité de l’orienter vers des investissements utiles au développement économique de populations méritantes, en contrepartie d’un gain en trésorerie significatif.

Franck Ladrière, Fiscaliste. Girardin Expertise Audit • Risk advisory • Consulting • Expertise dispositif fiscal Girardin

[1Ancien article 632.