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Les Smarts Contracts : risque ou opportunité ; Enjeux de la révolution numérique du droit des contrats. Par Bastien Pascalone, Juriste.
Parution : mercredi 5 août 2020
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Aujourd’hui connue de tous, la monnaie Bitcoin se base sur la technologie Blockchain. Ce système permet de réaliser et sécuriser des transactions en monnaie numérique.
Au-delà de cette seule utilisation, la blockchain est dorénavant utilisée afin de réaliser des Smartcontracts ou des « contrats intelligents ».
Ce nouveau modèle de convention va probablement influer sur notre droit des contrats français.
Quels sont les enjeux, risques et opportunités de cette nouvelle technologie ?

A- Les avantages de la Blockchain appliquée au droit des contrats.

1- Contextualisation de la technologie de la blockchain.

Afin de réaliser des échanges financiers sans avoir d’intermédiaire bancaire, la blockchain propose de coder mathématiquement un échange afin de le sécuriser. Une fois le code établi par « des mineurs », il doit être validé par des « masternodes ».
Les informations numériques sont alors enfermées dans un bloc qui se place à la suite des autres Blocs. On comprend mieux le terme de chaîne de Bloc.
Sur le même principe, des contrats peuvent être conclus.

2- Les opportunités de l’utilisation des smarts contracts.

L’utilisation des smarts contracts présente de nombreux avantages.
Facilité d’exécution, économies pour le justiciable, rapidité et efficacité.

Une fois rédigé et validé par la Blockchain, l’exécution de ces contrats peut être réalisée automatiquement. Ainsi, en cas d’inexécution contractuelle, la partie créancière pourra directement contraindre son cocontractant à s’exécuter.
Il est souvent cité en exemple l’assurance annulation de vol aérien. Actuellement, 60 % des bénéficiaires de cette assurance ne déposent pas de réclamation auprès de la compagnie aérienne. Avec, les Smarts Contracts, les bénéficiaires d’une indemnisation seront automatiquement remboursés lorsqu’un vol a été annulée.

Ces instruments ont également une grande capacité de stockage des données. Ainsi, la plupart des textes législatifs et règlementaires peuvent être contenus dans la base de données blockchain. Cette caractéristique implique une possibilité de mise en conformité du Smart contract au droit positif.

En outre, cet outil représente une économie considérable pour le justiciable qui pourra éviter de faire intervenir des intermédiaires (avocats, notaires, huissiers…)

Dans ce contexte, il apparaît indispensable aux acteurs juridiques de s’adapter à l’évolution numérique des contrats.
Ainsi, le Conseil supérieur du notariat travaille déjà sur une technologie blockchain afin de garantir une traçabilité numérique des actes établis tout en garantissant leur authenticité.

Si les smarts contracts sont une opportunité, des lacunes sont à combler afin de garantir une sécurité juridique optimum.

B - Les limites d’une application concrète de la blockchain aux contrats.

1- Une limite d’ordre technique.

Il existe un problème interne à la technologie Blockchain. En effet, lorsqu’un block est validé par une node, il ne peut plus être modifié. Or, le contrat en droit français, doit pouvoir être modifié par la volonté des parties.
Plus précisément, l’article 1193 du Code civil précise qu’un contrat peut être modifié par le consentement mutuel des parties.
Dans le cas des smarts contracts, le bloc du contrat est irrémédiablement inscrit dans le registre de la Blockchain. Comment adapter cette technologie mathématique aux volontés des parties qui peuvent évoluer ?

La technologie pose également un problème au sens de l’article 1195 du même code. Ce dernier dispose de la possibilité de renégociation du contrat lorsqu’un événement imprévisible l’a rendu excessivement onéreux. Comment renégocier un smart contract portant sur la vente de céréales alors que la saison a été particulièrement sèche ?

Il semble donc particulièrement important d’introduire des exceptions à la validation définitive du block d’un smart contract afin de garantir la liberté de modification contractuelle.

2- Une limite par l’insécurité juridique contractuelle.

Une question demeure : Comment garantir une exécution loyale et de bonne foi en l’absence d’intervention d’un tiers juge ?
Le smart contract se base uniquement sur ce qui a été inscrit dans le registre de la blockchain et sur son irrespect par une des parties pour lancer l’exécution.
Une contestation judiciaire postérieure à l’exécution pourrait être fatale dans certains cas.
A titre d’exemple, le conseil supérieur du notariat de Géorgie a eu recours à la blockchain afin de certifier des titres de propriétés suite aux circonstances historiques particulières qu’a traversé ce pays. Le programme a donc permis aux usagers de faire acter leur titre de propriétés au cadastre.
Certes, ce système permet d’éviter les appropriations frauduleuses de terres, mais comment vérifier la véracité des déclarations initialement enregistrés au cadastre numérique ?

De manière plus générale comment vérifier que la Blockchain se base sur une information juste ?

Afin de garantir une exécution loyale et de bonne foi, il est nécessaire de pouvoir garantir des informations initiales fiables. Dans le cas contraire, la technologie Blockchain permettrait seulement de dissimuler une fraude.

Une hypothèse est envisagée pour pallier l’insécurité juridique ; « le tiers de confiance numérique ». Il est envisagé qu’il soit issu d’une profession règlementée, ou plus largement qu’il soit juriste. Son rôle serait de vérifier que les droits des parties sont effectifs. Autrement dit, il aurait une fonction de contrôleur de la légalité des opérations contractuelles établies dans la blockchain.

Avec l’augmentation récente en bourse de la valeur du bitcoin, l’incontournabilité de la blockchain n’est plus à démontrer.
La modification du rôle du juge, l’évolution des professions juridiques et la mise en conformité de cette technologie au droits positif, sont autant de questions cruciales d’une évolution contrôlé.

Bastien Pascalone, Juriste.