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Covid-19, fin de la période juridiquement protégée : quelles obligations légales ? Par Sébastien Bouchindhomme.
Parution : lundi 27 juillet 2020
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La « période juridiquement protégée » instaurée par l’ordonnance n°2020-306 en application de la loi n°2020-290, afin d’éviter que les acteurs économiques soient sanctionnés pour ne pas avoir respecter certains délais ou mis en œuvre certaines mesures administratives ou judiciaires pendant la difficile période de l’état d’urgence sanitaire, a pris fin le 23 juin 2020 à minuit. Décryptage et exemples concrets.
Article vérifié par l’auteur en septembre 2023.

Il est donc maintenant temps de faire un tour d’horizon des obligations légales, réglementaires et contractuelles que vous n’auriez pas encore respectées, et de vous y conformer en appliquant les modalités définies par le titre I de l’ordonnance n°2020-306 relatif aux dispositions générales relatives à la prorogation des délais et ci-après rappelées, les autres dispositions particulières aux délais et procédures en matière administrative, n’étant pas ici traitées.

Ainsi et en résumé, selon les dispositions des articles 1 à 5 de l’ordonnance n°2020-306, si vous étiez :
1- Tenu d’effectuer pendant la période juridiquement protégée (12 mars 2020 au 23 juin inclus), des actes, recours, actions en justice, formalités, inscriptions, déclarations, notifications, sous peine de sanctions légales ou réglementaires (nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit, acquisition ou conservation d’un droit pour les paiements) ;

Votre délai expire le 23 juin 2020 + délai légal ou réglementaire pour les réaliser dans la limite de deux mois.

Exemple : pour un appel interjeté le 12 mars 2020, le délai pour régulariser les conclusions au soutien de l’appel est de 3 mois, soit en application de l’ordonnance N°2020-306, le 23 juin + 3 mois (dans la limite de 2 mois)= le 23 août 2020 au plus tard (le 23 juin 2020 + 2 mois).

2- Tenu d’exécuter une obligation contractuelle, quelle qu’en soit la nature, dans un délai déterminé ayant expiré pendant la période juridiquement protégée (12 mars 2020 au 23 juin inclus), sous peine de voir exécuter une clause pénale, une clause résolutoire ou une clause de déchéance ;

Votre délai expire le 23 juin 2020 + la durée égale au

« temps écoulé entre le 12 mars 2020 et si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née, et d’autre part la date à laquelle, elle aurait dû être exécutée ».

Exemple : échéance de paiement au 20 mars 2020 (huit jours après le 12 mars 2020) sanctionnée par une clause pénale dans un contrat signé le 10 janvier 2020 : 23 juin 2020 + 8 jours.

3- Tenu d’exécuter une obligation contractuelle autre que de sommes d’argent, dans un délai déterminé ayant expiré après le 23 juin 2020, sous peine de voir exécuter une clause pénale, une clause résolutoire ou une clause de déchéance ;

Votre délai expire le 23 juin 2020 + la durée égale au

« temps écoulé entre le 12 mars 2020 et si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née, et d’autre part le 23 juin 2020, date de fin de la période juridiquement protégée ».

Exemple : une obligation contractuelle figurant dans un contrat signé le 23 mai 2020 devait être exécutée au plus tard le 25 juin 2020 et cette obligation n’a pas été exécutée dans ce délai. Le délai pour exécuter cette obligation expire le 23 juin 2020 + 1 mois (23 mai - 23 juin).

« Les clauses et astreintes sanctionnant les obligations de sommes d’argent sont exclues de ce second dispositif applicable aux échéances postérieures à la fin de la période juridiquement protégée. En effet, l’incidence des mesures résultant de l’état d’urgence sanitaire sur la possibilité d’exécution des obligations de somme d’argent n’est qu’indirecte et, passé la période juridiquement protégée, les difficultés financières des débiteurs ont vocation à être prises en compte par les règles de droit commun (délais de grâce, procédure collective, surendettement) » (Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2020-427).

4- Tenu d’exécuter une obligation contractuelle autre que de sommes d’argent, dans un délai déterminé, sous peine de voir exécuter une clause pénale qui a commencé à courir avant le 12 mars 2020 (début de la période juridiquement protégée) ;

Votre délai ne peut prendre en compte le délai écoulé pendant la période juridiquement protégée (12 mars 2020 au 23 juin 2020 inclus). La clause pénale ne trouve pas à s’appliquer pendant cette période. Elle reprendra ses effets le 24 juin 2020.

Exemple : Obligation contractuelle de fournir certains documents depuis le 10 mars 2020 assortit d’une clause pénale. La clause ne produit aucun effet entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus.

5- Tenu de respecter un certain délai ou une période expirant pendant la période juridiquement protégée (12 mars 2020 au 23 juin 2020 inclus) pour résilier un contrat ou le dénoncer pour ne pas le renouveler, sous peine de maintien ou d’arrêt des relations contractuelles ;

Votre délai expire le 23 juin 2020 + 2 mois.

Exemple : La date limite de résiliation contractuellement fixée au 15 mai 2020 devient le 23 août 2020.

6- Tenu d’exécuter une obligation, quelle qu’en soit la nature, dans un délai expirant pendant la période juridiquement protégée (12 mars 2020 au 23 juin 2020 inclus), selon une astreinte prononcée par une juridiction ou une autorité administrative ;

Votre délai expire le 23 juin + la durée égale au

« temps écoulé entre le 12 mars 2020 et si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née, et d’autre part la date à laquelle, elle aurait dû être exécutée ».

Exemple : Une juridiction ordonne à une des parties à un procès de verser aux débats l’original d’un document sous astreinte de 500 euros par jour de retard, dans le mois de la signification d’une ordonnance. La signification de l’ordonnance a été effectuée le 23 mars 2020. Le délai expirera le 23 juin 2020 + 1 mois (23 mars 2020 au 23 avril 2020) : le 23 juillet 2020.

7- Tenu d’exécuter une obligation, autre que de sommes d’argent, dans un délai expirant après le 23 juin 2020, selon une astreinte prononcée par une juridiction ou une autorité administrative ;

Votre délai expire le 23 juin 2020 + la durée égale au

« temps écoulé entre le 12 mars 2020 et si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née, et d’autre part le 23 juin 2020, date de fin de la période juridiquement protégée ».

Exemple : Une juridiction ordonne à une des parties à un procès de réaliser des travaux sous astreinte de 500 euros par jour de retard, dans le mois de la signification d’une ordonnance. La signification de l’ordonnance intervient le 24 mai 2020. Ainsi, selon l’ordonnance, les travaux doivent être réalisés au plus tard le 24 juin 2020. Le délai pour réaliser les travaux expirera le 23 juin 2020 + (durée écoulée entre le 24 mai 2020 et le 23 juin 2020).

8- Tenu d’exécuter une obligation, quelle qu’en soit la nature, selon une astreinte prononcée par une juridiction ou une autorité administrative ayant commencé à courir avant le 12 mars 2020 (début de la période juridiquement protégée) ;

Votre délai ne peut prendre en compte le délai écoulé pendant la période juridiquement protégée (12 mars 2020 au 23 juin 2020 inclus). L’astreinte ne trouve pas à s’appliquer pendant cette période. Elle reprendra ses effets le 24 juin 2020.

Exemple : Une ordonnance a condamné une personne morale à verser aux débats des documents comptables dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’ordonnance sous astreinte de 100 euros par jour de retard. La signification de l’ordonnance est intervenue le 10 février 2020. L’astreinte a donc commencé à courir le 10 mars 2020 et elle ne pourra être comptabilisée entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus et reprendra son cours le 24 juin 2020.

9- Tenu par une des mesures administratives ou juridictionnelles suivantes :

« 1°Mesures conservatoires, d’enquête, d’instruction, de conciliation ou de médiation - 2° Mesures d’interdiction ou de suspension qui n’ont pas été prononcées à titre de sanction - 3° Autorisations, permis et agréments - 4° Mesures d’aide, d’accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale - 5° Les mesures d’aide à la gestion du budget familial »

qui expire pendant la période juridiquement protégée (12 mars 2020 au 23 juin 2020 inclus) ;

Votre délai de prolongation de la mesure administrative ou juridictionnelle : 23 juin 2020 + 3 mois : le 23 septembre 2020.

Exemple : Obligation d’exécuter une ordonnance sur requête à fin de saisie-contrefaçon dans le mois suivant la date de signature de l’ordonnance par le magistrat qui est le 10 mars 2020, soit avant le 10 avril 2020. Votre délai expirera le 23 septembre 2020.

Attention : ces règles s’appliquent également aux délais afférents aux paiement des sommes distribuables par les organismes de placement collectif en valeurs mobilières et les fonds d’investissement alternatifs et pour atteindre les quotas d’investissement dans des titres non cotés et apparentés pour les fonds de capital investissement, mais elles ne sont pas applicables aux délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par une loi ou un règlement qui ne sont pas prescrits à peine d’une sanction ou d’une déchéance (vente à distance, contrats d’assurance, services financiers à distance, assurance vie, ventes d’immeubles à usage d’habitation relevant de l’article 271-1 du code de la construction et de l’habitation, etc.).

Sébastien Bouchindhomme, Délégué général de la FIGEC