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L’encadrement de la Prospection directe au Sénégal. Par Mouhamed Bocoum, Juriste.
Parution : vendredi 24 juillet 2020
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Le marketing constitue un outil essentiel pour le développement des entreprises. Ces dernières y accordent une importance particulière car garantissant la création et le maintien des relations clientèles. Avec l’essor du numérique, le marketing s’est davantage modernisé, facile à mettre en œuvre et est devenu un instrument à la portée de tous. Ceci a favorisé le recours accru à la prospection directe avec l’utilisation des informations personnelles des prospectés.

La prospection directe est définie par la législation sénégalaise comme « toute sollicitation effectuée au moyen de l’envoi de message, quel qu’en soit le support ou la nature notamment commerciale, politique ou caritative, destinée à promouvoir, directement ou indirectement, des biens, des services ou l’image d’une personne vendant des biens ou fournissant des services » [1].

Ainsi, dans le secteur du commerce électronique, des télécommunications ou encore dans le secteur bancaire, les acteurs font de plus en plus recours à la prospection directe notamment par voie électronique vu les avantages qu’elle présente en matière de coût et de portée. Dès lors, il parait plus que nécessaire d’encadrer cette technique de marketing s’appuyant sur les informations personnelles des personnes prospectées.

Principe : pas de message sans consentement.

Pour éviter l’atteinte à la tranquillité des personnes, limiter les spam ou pourriels, interdire la vente systématique des bases de données etc., le législateur est intervenu en premier en prévoyant dans l’article 16 de la loi sur les transactions électroniques l’interdiction de la prospection directe par « envoi de message au moyen d’un automate d’appel, d’un télécopieur ou d’un courrier électronique utilisant, sous quelque forme que ce soit, les coordonnées d’une personne physique qui n’a pas exprimé son consentement préalable à recevoir des prospections directes par ce moyen » [2].

En guise d’appui à l’encadrement de cette « arme marketing superpuissante » qui fait de plus en plus de victimes, la commission de protection des données personnelles (CDP), avec son pouvoir de régulateur, a pris une délibération portant sur les conditions de la prospection directe [3] afin de garantir aux personnes de manières générales et aux utilisateurs des TIC en particulier, une protection efficace de leurs données personnelles. De ce fait, la CDP pose le principe du respect de la volonté du destinataire à savoir le consentement de la personne mais exige aussi le respect de certaines règles quant à la forme.

En ce qui concerne le consentement de la personne en matière de prospection directe, le législateur sénégalais a consacré le principe de l’« opt-in » [4]. En effet, ce principe voudrait le recueil préalable des consentements exprès et spécifiques des destinataires avant l’envoi de tout message. L’« opt-in » suppose le refus par défaut de la personne concernée et demande un acte positif d’inscription pour marquer son consentement. Ainsi, dans le cadre du e-commerce, en cochant la case « j’accepte de recevoir la newsletter de l’e-commerçant », par exemple, la personne donne sa « manifestation de volonté libre, spécifique et informée » de recevoir de la prospection commerciale par e-mail.

Dès lors, les envois commerciaux sont donc interdits par principe, à moins que la personne n’ait exprimé son accord. Il en résulte que tout message envoyé sans avoir obtenu le consentement préalable du destinataire est automatiquement considéré comme illicite.

Par contre, le système de l’« opt-out » suppose la liberté du spamming [5], La règlementation de la publicité par voie électronique dans la nouvelle législation sénégalaise sur la société de l’information. Par Léon Patrice Sarr, Avocat. Il appartient alors à chaque individu d’effectuer les démarches nécessaires pour s’opposer aux messages non sollicités. Ce qui est totalement inconcevable dans la mesure où c’est la partie la plus faible qui doit faire des démarches pour ne plus recevoir de messages. Ainsi on pourrait dire que le système de l’« opt-in » constitue le meilleur modèle pour l’encadrement de la prospection directe compte tenu des règles en matière de protection des consommateurs de manière générale et des cyberconsommateurs en particulier.

Cependant, le consentement de la personne prospectée n’est pas toujours requis dans certains cas.

Le consentement à la prospection : un principe limité.

Le principe du consentement à la prospection n’est pas tout à fait exempt d’exceptions. En effet l’alinéa 2 de l’article 16 de la loi sur les transactions a autorisé la prospection par courrier électronique dans certains cas notamment si « les coordonnées du destinataire ont été recueillies directement auprès de lui, dans le respect des dispositions de la loi sur la protection des données à caractère personnel ». L’autre dérogation est lorsqu’il existe des relations d’affaires antérieures entre l’annonceur et le destinataire qui justifient que les mêmes services ou produits lui soient proposés à nouveau sans qu’il ne les ait sollicités [6]. Ce que le législateur qualifie de vente ou d’une prestation de services concernant des « produits ou services analogues fournis par la même personne physique ou morale » tout en mettant à la charge de l’annonceur l’obligation d’offrir au destinataire, de manière expresse et claire, la possibilité de s’opposer de manière simple à l’utilisation de ses données à chaque fois qu’il reçoit un message non sollicité et cela sans frais.

Les autres règles encadrant la prospection directe.

Les entreprises faisant recours à la prospection directe ne sont pas seulement tenues de recueillir le consentement des personnes. En effet, ils doivent aussi respecter le droit à l’information à l’endroit des destinataires en vue de leur permettre de demander à ne plus figurer sur le fichier mais aussi les informer avant que des données les concernant, ne soient, pour la première fois, communiquées à des tiers ou utilisées pour le compte de tiers à des fins de prospection. La délibération précise aussi que

« la personne faisant l’objet de prospection a le droit de se faire offrir expressément, sur le même support, la possibilité de s’opposer gratuitement et sans aucune justification, d’une part, à la réception de sollicitations et, d’autre part, à la communication de ses données à des tiers à des fins de prospection directe ».

En outre, les entreprises qui envisagent de faire de la prospection directe quel qu’en soit l’objet ou la nature, doivent préciser leur identité ou celle de la personne pour le compte de laquelle la prospection est faite.

Enfin, la CDP exige à ce qu’un créneau horaire soit respecté. A cet effet, elle recommande la mise en place d’un Code de conduite portant sur les heures d’envoi des messages, idéalement entre 9h et 19h ceci afin de ne pas porter atteinte à la tranquillité des personnes prospectées.

Par Mouhamed Bocoum Cyberjuriste, Spécialiste protection des données personnelles

[1Article 2 de la loi N° 2008-08 du 25 janvier 2008 sur les transactions électroniques ; V. aussi article 4 de la loi N° 2008-12 du 25 janvier 2008 sur la protection des données à caractère personnel.

[2Une interdiction reprise en substance par l’article 47 de loi sur la protection des données à caractère personnel.

[3Délibération N°2014-20/CDP du 30 mai 2014 portant sur les conditions de la prospection directe.

[4« Opt-In », en français « option d’adhésion (à) ».

[5SARR (Léon Patrice).

[6SARR (Léon Patrice), op.cit.