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L’indemnisation du traumatisme médullaire. Par Michel Benezra, Avocat.
Parution : lundi 20 juillet 2020
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Les victimes, après un grave accident de la route, peuvent avoir des lésions de la moelle épinière causant alors un traumatisme médullaire. Les blessés médullaires, devenus paraplégiques ou tétraplégiques, voient alors leur vie bouleversée tant sur le plan physique, qu’émotionnel ou social. L’indemnisation des victimes de traumatismes médullaires après un accident de la route devient une priorité.

1° Le traumatisme médullaire de la victime de la route.

Les victimes de la route s’exposent à des chocs plus ou moins violents entraînant des lésions parfois très lourdes.

Dès lors que le choc est violent, les séquelles vont être beaucoup plus importantes, de type lésions cérébrales ou lésions médullaires.

La moelle spinale (selon la nouvelle nomenclature), ou moelle épinière (dans l’ancienne nomenclature), désigne la partie du système nerveux central qui prolonge la moelle allongée appartenant au tronc cérébral. C’est donc la partie du système nerveux central qui se situe à l’intérieur de la colonne vertébrale.

Elle est essentielle aux sensations et permet les fonctions motrices. Dès lors qu’une lésion à la moelle épinière, ou lésion médullaire, est provoquée, cela coupe la communication entre le cerveau et le corps entraînant alors la paralysie totale ou partielle des membres et du tronc.

L’étendue de la paralysie de la victime du traumatisme médullaire est fonction de la localisation de la lésion dans la colonne vertébrale et de sa gravité.

Une lésion basse entraînera une paraplégie (paralysie des membres inférieurs) et, une lésion haute, entraînera une tétraplégie (paralysie des quatre membres).

Un grand nombre des répercussions associées à ces lésions médullaires ne proviennent pas tant de l’affection en tant que telle mais plutôt de ses suites. Les blessés médullaires sont confrontés en effet à des obstacles de nature physique, sociale et politique qui entravent leur participation à la vie communautaire.

2° L’expertise médicale de la victime d’un traumatisme médullaire.

Une expertise médicale peut revêtir un aspect amiable (expertise amiable unilatérale ou expertise amiable contradictoire), ou un aspect judiciaire (expertise contentieuse et contradictoire).

Souvent, lorsque les blessures sont assez graves, la voie amiable sera rapidement écartée et pour cause, les différences d’appréciations, en fonction de la position de chacun (assurance ou victime) se calculent en centaines de milliers d’euros.

Aussi, la voie contentieuse est préconisée rapidement afin de ne pas perdre de temps inutilement.

En tout état de cause, l’expertise d’un blessé médullaire (ou autres victimes d’ailleurs) doit se préparer en amont, avec le binôme qui le représente, à savoir son avocat dommages corporels / son médecin-conseil de victimes.

Plusieurs guides de l’expertise médicale [1] existent et certains cabinets n’hésitent pas à les remettre gratuitement à leurs clients victimes.

En effet, le traumatisé médullaire peut être affecté par de nombreux troubles dit « handicaps invisibles » et perturber ainsi totalement sa vie sociale et bouleverser son environnement familial.

Par ailleurs, il est encore malheureusement tabou de discuter de la sexualité des traumatisés médullaires. Il existe pourtant plusieurs aides qui peuvent être mises en place (tant sur le plan chirurgical que médicamenteux) pour permettre aux victimes de traumatismes médullaires de reprendre une vie sexuelle, afin de les aider aussi à ne pas renoncer à leur désir d’enfants.

Si le recours aux assistants sexuels est toujours prohibé et passible d’une amende de 1 500 euros car assimilé à de la prostitution, certaines associations permettent aux personnes en situation de handicap lourd d’avoir quelques complicités intimes.

L’APPAS association pour la promotion de « l’accompagnement » sexuel dont la mission est « de faire entendre la voix des personnes handicapées souffrant d’isolement et de misère affective et sexuelle et de leur permettre d’accéder à l’expérience de l’exploration et de la découverte de leur corporéité à travers l’écoute, le toucher, les massages, les caresses, et si c’est leur choix et leur demande, par l’accompagnement sexuel ».

Le blessé médullaire pourra aussi se voir proposer quelques innovations techniques avec l’arrivée des exo-squelettes permettant la réalisation de mouvements inédits.

Le poste le plus important sera vraisemblablement celui de l’évaluation du besoin en tierce personne du blessé médullaire.

C’est l’expert qui va fixer ce besoin, fixer si ce besoin est temporaire ou définitif, fixer le besoin en présence active et en présence passive…

Plusieurs critères vont être relevés par l’expert, tels que les qualifications requises pour cette tierce personne (médicale, ménagère), le type d’assistance (active, passive, de surveillance, médicale, d’aide-ménagère, aide administrative…).

Par ailleurs, chez certaines victimes, traumatisées médullaires, il existe un problème de sécurité à les laisser seules la nuit et une présence passive dite sécuritaire, sera nécessaire et une discussion approfondie sur ce point particulier sera nécessaire.

L’aide à tierce personne peut être unique (une seule personne en même temps) mais les traumatisés médullaires appelleront une disposition souvent 7J/24h avec une intervention multi-taches donc par plusieurs personnes en même temps dans certaines périodes.

Selon la pratique actuelle, l’expert interroge la victime sur le déroulement d’une journée type.

L’intervention d’un ergothérapeute pourra être sollicitée afin qu’un bilan situationnel soit versé aux débats.

3° L’évaluation du besoin en tierce personne de la victime d’un traumatisme médullaire.

L’expert judiciaire transmettra alors son pré-rapport d’expertise, et tiendra compte des éventuels “dires” (observations) des conseils pour rendre son rapport définitif.

Ce rapport fixera alors tous les postes de préjudice et bien sûr, le besoin en tierce personne du blessé médullaire.

Devant le juge, la discussion va s’orienter alors non plus sur le besoin en aide à tierce personne mais plutôt, du coût de la tierce personne et ce, même si c’est la famille du blessé médullaire (mère, père…) qui se charge de réaliser les différentes tâches listées dans le rapport d’expertise.

Il faut noter que la cour de cassation a autorisé l’indemnisation de ce poste sans qu’il soit nécessaire de justifier le paiement d’un éventuel salaire permettant ainsi à la propre famille de la victime d’aider.

Néanmoins, à quel taux horaire l’assurance doit-elle indemniser le besoin en tierce personne du traumatisé médullaire ?

L’avocat en dommages corporels aux cotés du blessé médullaire s’attachera à rapporter le prix du marché, charges comprises, congés payés compris. Sur ce point, les magistrats sont libre d’apprécier le taux à retenir en fonction des explications, et des justificatifs apportés.

Des devis d’organismes pourront être versés au dossier afin d’appuyer tel ou tel taux horaire, sachant que la moyenne se situe entre 16 et 24 euros de l’heure en fonction de la mission (spécialiste ou pas).

Le nombre d’heures fixé dans le rapport d’expertise judiciaire et le taux horaire retenu par le juge vont permettre de calculer la dépense annuelle en tierce personne du blessé médullaire.

Cette dépense annuelle va être alors capitalisée sur un taux de rente (les tables de « mortalité », l’âge et le taux d’incapacité au jour de la consolidation) afin d’obtenir une somme correspondant à l’indemnisation du poste de préjudice du besoin en tierce personne du traumatisé médullaire.

Michel Benezra, avocat associé BENEZRA AVOCATS Droit Routier & Dommages corporels [->info@benezra.fr] https://www.benezra-victimesdelaroute.fr