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« Faux » cadres dirigeants : une DRH obtient la nullité de son statut de cadre dirigeant. Par Frédéric Chhum, Avocat et Annaelle Zerbib, Juriste.
Parution : lundi 20 juillet 2020
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Le premier intérêt de cet arrêt de la Cour d’appel de Paris du 1er juillet 2020 (n° RG 17/13134) est qu’il statue sur le statut de cadre-dirigeant d’une DRH et l’annule.
Ce statut nécessitant la réunion de trois critères cumulatifs, la Cour d’appel a affirmé en l’espèce que ceux-ci n’étaient pas réunis et que la salariée avait été soumise illicitement à ce statut.

Déjà dans le cas d’un directeur d’hôtel, le statut de cadre-dirigeant avait été annulé par la Cour d’appel de Paris le 15 novembre 2017 (cf notre article « Faux » cadres dirigeants : un Directeur d’hôtel obtient la nullité de son statut de cadre dirigeant et 105.000 euros d’heures supplémentaires. Par Frédéric Chhum, Avocat.).

Le second intérêt de cet arrêt de la Cour d’appel de Paris est qu’en conséquence de la nullité du statut de cadre-dirigeant, la Directrice des Ressources Humaines était soumise au droit commun de la législation sur le temps de travail et a ainsi pu obtenir divers rappels de salaires et indemnités à ce titre (heures supplémentaires, non-respect de la durée quotidienne maximale de travail).

Le troisième intérêt de cet arrêt de la Cour d’appel de Paris repose sur l’impact de la loi de sécurisation de l’emploi sur la prescription des demandes de rappel de salaires.

Enfin, le quatrième intérêt de l’arrêt est qu’en l’absence de fixation d’objectifs, la salariée peut prétendre à l’intégralité de son bonus de 15% de sa rémunération annuelle.

Rappel des faits.

Madame Y a été embauchée le 7 juillet 2008 par la société Publicis Consultants en qualité de responsable des ressources humaines, d’abord à temps partiel, puis à temps plein à compter du 1er mai 2012.

Le 1er janvier 2011, elle a été promue directrice des ressources humaines.

En dernier lieu, sa rémunération mensuelle s’élevait à 7 932,31 euros.

Le 4 novembre 2015, elle a signé une convention de rupture d’un commun accord dans le cadre d’un plan de départ volontaire (PDV).

Son préavis, dont elle a été dispensée, s’est achevé le 31 mars 2016.

Le 2 mai 2016, Madame Y a saisi le Conseil de prud’hommes de Paris pour demander la nullité de son statut de cadre-dirigeant, le paiement de rappel de salaire d’heures supplémentaires et complémentaires, de dommages-intérêts pour non-respect de la durée du travail, le paiement de bonus, de jours de congés et de réduction du temps de travail, le paiement d’un solde indemnité de départ volontaire et diverses indemnités.

Par jugement du 27 septembre 2017, le Conseil de prud’hommes a condamné la société Publicis à lui payer un bonus pour les années 2013 et 2014 mais l’a déboutée du surplus de ses demandes.

Le 19 octobre 2017, Madame Y a interjeté appel de cette décision.

Dans son arrêt du 1er juillet 2020, la Cour d’appel de Paris :
Annule la clause du contrat soumettant Madame Y au statut des cadres dirigeants,
Condamne la société Publicis Consultants France à payer à Madame Y les sommes de :
- 32 400,92 euros bruts à titre de rappel de 547,56 heures supplémentaires pour la période du 2 mai 2011 au 31 décembre 2015,
- 3 240 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 500 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la durée maximale du travail,
- 63 401,39 euros bruts à titre de rappel de bonus pour les années 2011 à 2016,
- 6 340,13 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 15 292,71 euros bruts au titre du reliquat de l’indemnité de plan de départ volontaire,
- 632,32 euros bruts à titre de rappel de deux jours de congés payés.

Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2016 et les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,

Condamne la société Publicis Consultants France à remettre à Madame Y un bulletin de paie rectificatif et une attestation destinée à Pôle emploi conformes aux dispositions du présent arrêt,

Condamne la société Publicis Consultants France à payer à Madame Y la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Publicis Consultants France aux dépens d’appel.

Au total, Madame Y obtient la somme de 124 807,56 euros bruts.

1) Sur le statut de cadre-dirigeant : illicéité de la clause de "Cadre dirigeant" lorsque les 3 critères ne sont pas réunis.

La Cour d’appel de Paris, le 1er juillet 2020 (n° RG 17/13134) rappelle qu’aux termes de l’article L3111-2 du Code du travail, sont considérés comme cadres dirigeants, à ce titre exclus de l’application de la réglementation sur la durée du travail, les cadres auxquels sont confiés des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

Elle ajoute que les trois critères qui se dégagent de cette définition, et particulièrement celui de l’autonomie dans la prise de décision, impliquent que l’intéressé participe à la direction de l’entreprise, et que ces critères sont cumulatifs.

Les juges d’appel rappellent enfin qu’il appartient au juge, pour se déterminer, de vérifier les conditions réelles d’emploi du salarié concerné sans s’en tenir aux définitions conventionnelles.

La Cour d’appel de Paris relève en l’espèce que Madame Y a d’abord exercé des fonctions de responsable des ressources humaines de 2008 à 2010.

Elle a par la suite obtenu le titre de directrice des ressources humaines à compter de janvier 2011.

Elle disposait d’une réelle autonomie dans l’organisation de son emploi du temps.

1.1) Pas habilitée à prendre des décisions de manière largement autonome.

La Cour d’appel affirme que s’agissant du critère de prise de décision de façon autonome, les pièces produites révèlent qu’elle ne disposait pas d’une délégation de pouvoir générale mais seulement de délégations de pouvoir limitées, ponctuelles et souvent partagées avec le directeur financier.

Tel était le cas pour la délégation donnée afin de représenter le gérant de la société lors d’une réunion de négociation d’un protocole d’accord préélectoral.

Elle a pu également dans ce cadre représenter l’employeur à des réunions du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et du comité d’entreprise.

Mais elle n’était pas signataire des convocations, procès-verbaux et ordres du jour des réunions des représentants du personnel, lesquels l’étaient par le gérant de la société ou le directeur financier.

De même, les protocoles de négociation annuelle obligatoire étaient signés par le gérant de la société et non par Madame Y.

Elle n’était pas plus signataires des courriers adressés à l’inspection du travail.

La Cour d’appel ajoute qu’en matière de licenciement de cadres, elle n’avait pas de pouvoir décisionnaire, seul le directeur de ressources humaines du groupe détenait ce pouvoir.

S’agissant de la convocation aux entretiens préalables à sanction du personnel non cadre, elle agissait pour ordre du gérant.

Elle n’était pas plus habilitée à prendre des décisions en matière d’augmentation de salaire.

La Cour d’appel en conclut qu’elle n’était donc pas habilitée à prendre des décisions de façon largement autonome.

1.2) La DRH ne bénéficiait pas d’un des salaires les plus élevés de la société et ne participait pas à la stratégie de l’entreprise.

S’agissant de son salaire de 95 000 euros annuels, il ne fait pas partie des plus élevés au regard des données fournies par Madame Y dont Publicis ne démontre pas le caractère erroné.

Seize personnes percevaient au sein de la société un salaire plus élevé compris entre 130 000 et 382 000 euros annuels.

Enfin, elle ne faisait pas partie de l’équipe dirigeante, ne participait pas au comité de direction exécutif de Publicis Consultants France et ne figure pas dans l’organigramme de présentation de l’équipe de management de la société.

La Cour d’appel de Paris affirme que les critères cumulatifs déterminant le statut des cadres dirigeants ne sont donc pas réunis, de sorte que c’est de façon illicite que la société Publicis France a soumis Madame Y à ce statut.

Selon elle, il convient donc d’annuler la clause du contrat de travail soumettant la salariée au statut de cadre dirigeant.

2) Sur la prescription des demandes de rappel de salaires : un rappel de salaire possible jusqu’au 2 mai 2011 [1].

La Cour d’appel de Paris rappelle qu’en vertu de l’article L3245-1 du Code du travail, dans sa rédaction issue de l’article 21 IV de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, entrée en vigueur le 16 juin 2013,

« l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer.

La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat est rompu, sur les trois années précédant la rupture du contrat ».

En outre, selon les dispositions transitoires [2],

« les dispositions du Code du travail prévues aux III et IV du présent article s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Lorsqu’une instance a été introduite avant la promulgation de la présente loi, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne.

Cette loi s’applique également en appel et en cassation ».

L’article 2222 al. 2 du Code civil dispose que

« la loi qui allonge la durée d’une prescription ou d’un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise.

Elle s’applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n’était pas expiré à la date de son entrée en vigueur.

Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé.

En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ».

La Cour d’appel affirme ainsi que Madame Y ayant saisi le Conseil de prud’hommes le 2 mai 2016 après l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2013, la prescription triennale s’appliquait à compter du 18 juin 2013 sans que la durée de la prescription totale prenant en compte la prescription écoulée sous le régime légal antérieur ne puisse excéder la durée de prescription antérieure de cinq années.

Au regard de la date de saisine du Conseil de prud’hommes le 2 mai 2016 et compte tenu de la survie de la prescription quinquennale prévue par les dispositions transitoires, ses demandes relatives à la période du 2 mai 2011 au 2 mai 2016 ne sont pas prescrites.

3) La Cour d’appel faire droit à la demande d’heures supplémentaires : L’impact de l’illicéité du statut de cadre dirigeant sur le temps de travail.

La Cour d’appel affirme que compte tenu de l’illicéité de la clause appliquant le statut de cadre dirigeant à Madame Y, celle-ci est bien fondée à solliciter le bénéfice du droit commun de la législation sur le temps de travail.

Selon l’article L3171-4 du Code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Les juges d’appel considèrent qu’il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Les juges d’appel relèvent que Madame Y verse aux débats les copies écran de ses agendas électronique et des courriels adressés par elle au cours des journées concernées par les demandes de paiement d’heures complémentaires et supplémentaires.

Elle produit en outre des tableaux précis pour chacune des années concernées avec mention du jour, des heures de travail et de pause et du nombre d’heures supplémentaires revendiquées.

La Cour d’appel affirme que ces éléments précis mettent l’employeur en mesure d’y répondre.

Celui-ci invoque le caractère personnel de certains courriels adressés par la salariée ce dont cette dernière rapporte la preuve contraire.

L’employeur ne produit pas de pièce justificative des horaires de Madame Y.

Les juges d’appel affirme que le calcul des heures supplémentaires doit s’effectuer au regard de la durée conventionnelle de travail de 37 heures laquelle suppose la prise de 12 jours de réduction du temps de travail compensant les 36ème et 37ème heures de travail dont Madame Y a bénéficié en vertu de l’article 4.2.3 qui accordait aux cadres dirigeants le bénéfice du même nombre de jours de repos au titre de la réduction du temps de travail.

Il en résulte que seules les heures supplémentaires au-delà de 37 heures ouvrent droit à un paiement et non les heures complémentaires lesquelles ont été compensées par les jours dus au titre de la réduction du temps de travail.

La Cour d’appel pose qu’au vu des pièces produites, Madame Y a réalisé 547,06 heures supplémentaires :
- 85,31 heures supplémentaires en 2011,
- 155,25 heures supplémentaires en 2012,
- 141,75 heures supplémentaires en 2013,
- 121, 75 heures supplémentaires en 2014,
- 43,50 heures supplémentaires en 2015.

Eu égard à son salaire horaire brut de 42,19 euros bruts du 2 mai 2011 au 31 mars 2012, de 49,08 euros bruts du 1er avril au 30 avril 2013 et de 50,54 euros bruts à compter du 1er mai 2013 et aux taux de majoration de 50% des heures supplémentaires, la Cour d’appel de Paris considère qu’elle est bien fondée à solliciter un rappel d’heures supplémentaires d’un montant de :
- Du 2 mai 2011 au 31 décembre 2011 : 4 999,04 euros bruts ;
- Du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012 : 8 9161,71 euros bruts ;
- Du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013 : 8 475,23 euros bruts ;
- Du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 : 7 716,83 euros bruts ;
- Du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 : 2 748,11 euros bruts
Soit un total de 32 400,92 euros bruts.

La Cour d’appel en conclut que la société Publicis Consultants France est en conséquence condamnée à payer à Madame Y les sommes de :
- 32 400,92 euros bruts à titre de rappel de 547,56 heures supplémentaires pour la période du 2 mai 2011 au 31 décembre 2015 ;
- 3 240,09 euros bruts au titre des congés payés afférents.

4) Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé = rejet de la demande.

La Cour d’appel de Paris rappelle que selon l’article L8221-5 du Code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

La Cour d’appel affirme que la seule dissimulation des heures de travail supplémentaires consécutives à l’annulation du statut de cadre dirigeant n’est pas suffisante à caractériser un travail dissimulé.

La preuve du caractère intentionnel de cette dissimulation doit être rapportée.

Or, l’élément intentionnel ne résulte pas suffisamment de l’inexécution par l’employeur de ses obligations conventionnelles de contrôle de l’amplitude et de la charge de travail ni de la simple connaissance par l’employeur des horaires de sa salariée.

En l’espèce, selon la Cour d’appel, l’existence d’un travail dissimulé n’est donc pas caractérisée.

5) Sur la demande d’indemnité pour non-respect de la durée quotidienne maximale de travail.

La Cour d’appel affirme que selon l’article L3121-34 du Code du travail, dans sa rédaction applicable jusqu’au 10 août 2016, devenu L3121-18 du Code du travail, la durée quotidienne du travail effectif ne peut excéder dix heures, sauf dérogations accordées dans des conditions déterminées par décret.

Madame Y soutient avoir travaillé à quarante-huit reprises plus de dix heures par jour.

L’employeur, auquel incombe la charge de la preuve du respect de la législation d’ordre public en la matière, ne démontre pas que la durée maximale de travail de dix heures ait été respectée.

La Cour d’appel affirme ainsi qu’il sera allouée à Madame Y la somme de 500 euros en réparation du préjudice subi.

6) Pas de fixation des objectifs, dès lors le bonus de 15% de la rémunération annuelle est dû !

La Cour d’appel souligne que le contrat de travail de Madame Y stipule :

« vous bénéficierez d’un bonus annuel pouvant aller jusqu’à 15% de votre rémunération brute, déterminé en fonction de vos performances ».

L’employeur se borne à soutenir que Madame Y a perçu un bonus de 1 500 euros en 2011 et en 2014 et aucun en 2012 et 2013 en raison de la non atteinte de ses objectifs mais la société Publicis ne produit ni notification d’objectifs ni notification de bonus.

La Cour en conclut qu’aucun objectif n’a été annuellement fixé à Madame Y de sorte que celle-ci a droit à l’entier bonus de 15% de sa rémunération brute.

La société Publicis Consultants France est condamnée à payer à Madame Y les sommes de :
- 7 158,86 euros bruts pour la période du 2 mai 2011 au 31 décembre 2011 soit (15% x 57 725,70 euros bruts) - 1 500 euros bruts ;
- 12 929,69 euros bruts pour l’année 2012 soit 15% x 86 197,90 euros bruts ;
- 12 168,02 euros bruts pour l’année 2013 soit (15% x 91 120,10 euros bruts) - 1 500 euros bruts ;
- 13 837,59 euros bruts pour l’année 2014 soit 15% x 92 250,60 euros bruts ;
- 13 857,24 euros bruts pour l’année 2015 soit 15% x 92 381,60 euros bruts ;
- 3 450 euros bruts pour l’année 2016 soit 15% x 23 000 euros bruts

Soit au total 63 401,39 euros bruts à titre de rappel de bonus pour les années 2011 à 2016 et 6 340,13 euros bruts au titre des congés payés afférents.

7) Le rappel de bonus entraîne un rappel d’indemnité de départ volontaire dans le cadre du PDV.

La Cour d’appel souligne qu’en vertu des articles 10.9, 10.14 et 17 de l’accord collectif relatif au plan de départs volontaires, le régime de l’indemnité de départ volontaire est similaire à celui de l’indemnité de licenciement.

Selon l’article R1234-4 du Code du travail, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1° Soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement ;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salariée pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.

La Cour d’appel affirme qu’il en résulte que le bonus annuel doit être pris en compte dans le calcul de l’indemnité de départ volontaire.

Un rappel de bonus ayant été accordé à Madame Y pour l’année 2015, l’indemnité de départ volontaire à laquelle elle a droit s’élève à 105 345,08 euros.

La salariée ayant perçu une indemnité de 90 052,37 euros, il lui est dû la somme de 15 292,71 euros.

8) Sur la demande de rappel de deux jours de congés payés.

La Cour d’appel affirme que selon l’article 7 de l’accord sur l’aménagement et la réduction du temps de travail de Publicis Consultants France en date du 31 mai 2000, le décompte des droits à congés payés est effectué en jours ouvrés sur la base de 25 jours ouvrés par an pour le personnel travaillant à plein temps auxquels s’ajoutent deux jours de fractionnement systématisés soit 27 jours au total.

Compte tenu de l’illicéité du statut de cadre dirigeant stipulé par son contrat de travail, Madame Y doit se voir appliquer les dispositions conventionnelles en vigueur au sein de l’entreprise.

L’accord collectif applicable ne conditionne pas l’octroi de deux jours de fractionnement à la présence dans l’effectif du mois de juin de l’année N au mois de mai de l’année N+1, contrairement à ce que soutient l’employeur.

Dès lors, Madame Y, n’ayant pas reçu le paiement de ces deux jours de fractionnement, elle est bien fondée à en solliciter le paiement.

La société Publicis Consultants est condamnée à lui payer la somme de 632,32 euros.

9) Sur la demande de paiement des jours de RTT supplémentaires.

Madame Y sollicite le bénéfice de jours de réduction du temps de travail pendant la période de préavis à raison d’un jour par mois.

Lorsqu’un accord collectif institue une indemnité compensatrice de jours de réduction du temps de travail non pris, celle-ci présente le caractère d’une rémunération habituelle et normale du salarié et doit être prise en compte pour le calcul de l’indemnité de préavis en application des dispositions de l’article L1234-5 du Code du travail.

La Cour d’appel affirme que tel n’est pas le cas lorsque l’accord collectif ne prévoit pas une telle indemnité.

L’absence de prise desdits jours de repos n’ouvre alors droit à une indemnité que si cette situation est imputable à l’employeur.

L’accord collectif applicable en l’espèce prévoit le bénéfice pour les salariés de douze jours de réduction du temps de travail soit un jour par mois.

Il ne prévoit toutefois pas d’indemnisation en l’absence de prise des jours de repos au titre de la réduction du temps de travail.

L’absence de prise desdits jours de repos n’ouvre donc droit à une indemnité que si cette situation est imputable à l’employeur.

Or, Madame Y ne démontre pas qu’elle n’a pas été en mesure de prendre ces jours pendant la période de préavis du fait de l’employeur et n’invoque pas de faute imputable à l’employeur.

Sa demande est en conséquence rejetée.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum

[1Saisine du Conseil de prud’hommes du 2 mai 2016.

[2Article 21 de la loi 2013-504 du 14 juin 2013.