Village de la Justice www.village-justice.com

La tentative amiable préalable obligatoire avant toute saisine du juge. Par Benoit Henry, Avocat.
Parution : lundi 13 juillet 2020
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/developpement-profond-mediation,36061.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

L’article 750-1 du Code de procédure Civile prescrit une tentative amiable préalable obligatoire avant toute saisine du juge.
Le décret n°2023-357 du 11 mai 2023 s’applique pour les demandes en justice introduites à compter du 1ᵉʳ octobre 2023.
La tentative amiable préalable obligatoire s’impose-t-elle même en référé ?
La tentative amiable préalable obligatoire s’impose-t-elle en présence d’une clause de médiation ?
Article mis à jour par son auteur en mars 2024.

La dématérialisation doit devenir une réalité pour toutes les juridictions.

Au-delà, c’est toute la transformation numérique et les modes d’organisation qui doivent être repensés afin de trouver des solutions pour garantir l’accès au juge et un débat judiciaire de qualité.

Il faut développer la médiation qui permet aux parties d’être actives de leur affaire dans la recherche d’une solution négociée.

C’est à cette condition que la justice remplira pleinement sa mission : garantir l’Etat de droit dans une société démocratique et favoriser la paix sociale.

1 - Le principe prévu par les dispositions de l’article 750-1 du Code de procédure civile.

Il pose le principe selon lequel le demandeur devra justifier, préalablement à toute saisine du juge, d’une tentative de règlement amiable, à peine d’irrecevabilité, que le juge pourra relever d’office.

Ce principe ne s’applique qu’aux « instances introduites à compter du 1ᵉʳ janvier 2020 ».

Son champ d’application est, pour l’instant, restreint à deux hypothèses :
- Lorsque la demande en justice tend au paiement d’une somme inférieure ou égale à 5 000 euros, étant précisé que les litiges relatifs au crédit à la consommation et au crédit immobilier sont exclus du domaine d’application de la loi du 23 mars 2019 ;
- Lorsque la demande est relative aux litiges de voisinage, « actions mentionnées aux articles R211-3-4 et R211-3-8 du Code de l’organisation judiciaire ».

2 - Le principe précité est assorti d’exceptions, également prévues par les dispositions de l’article 750-1 du Code de procédure civile.

« Les parties sont dispensées de l’obligation mentionnée au premier alinéa dans les cas suivants :

1° Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;

2° Lorsque l’exercice d’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision ;

3° Si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime tenant soit à l’urgence manifeste soit aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement soit à l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ;

4° Si le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation ».

3 - La tentative amiable préalable obligatoire s’impose même en référé.

La tentative amiable préalable obligatoire prévue à l’article 750-1 du Code de Procédure Civile s’impose même dans le cadre d’une procédure de référé [1].

Pour en être dispensé, il peut être justifié d’une urgence manifeste.

Le juge ne peut relever d’office la nullité pour défaut de mention de la tentative dans l’acte introductif d’instance, étant donné qu’il s’agit d’un simple vice de forme.

Alors que le résultat des travaux et réflexions menés dans le cadre des États généraux de la Justice pourrait inciter à une extension du domaine des tentatives amiables obligatoires, il est intéressant de suivre la jurisprudence de la Cour de cassation qui s’emploie à en définir le régime.

Dans un arrêt de sa deuxième chambre civile du 14 avril 2022, la Cour de cassation précise en effet le domaine et la sanction de la tentative amiable préalable obligatoire imposée à l’article 750-1 du Code de Procédure Civile.

Ce texte oblige à recourir, au choix des parties, à une conciliation, une médiation ou une procédure participative avant la saisine du tribunal judiciaire pour les demandes en paiement, à peine de nullité.

4 - La tentative amiable préalable obligatoire s’impose en présence d’une clause de médiation.

La Cour de cassation a rendu le 1ᵉʳ février 2023 un arrêt qui réaffirme le principe que le non-respect d’une clause de médiation dans un contrat constitue une fin de non-recevoir et non pas une exception de procédure [2].

Dans cette affaire, les associés d’une société française, avaient conclu un protocole d’accord qui prévoyait qu’en cas de litige, les parties recourraient préalablement à une procédure de médiation, et en cas d’échec, à l’arbitrage CMAP.

Toutefois, dans le cadre d’un différend né de ce protocole, le Tribunal arbitral a été directement saisi, sans que la clause de médiation n’ait été mise en œuvre par les parties.

Le non-respect d’une clause de médiation est donc une question de recevabilité et non de compétence.

La Cour de cassation confirme sa jurisprudence : la violation d’une clause de médiation, comme toute autre question de recevabilité relève de la seule appréciation de l’arbitre et échappe au contrôle du juge de l’annulation sur le fondement de l’article 1492-1 du Code de Procédure Civile [3].

La même solution est retenue en matière d’arbitrage international : une clause de règlement amiable n’est pas une exception d’incompétence. Il s’agit d’une question de recevabilité qui n’est pas de nature à ouvrir la voie à un recours en annulation sur le fondement de l’article 1520 du Code de Procédure Civile [4].

Références.

ORF n°0288 du 12 décembre 2019.
Décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile
Voir du même auteur le guide pratique détaillé de cette réforme.
Décret n° 2023-357 du 11 mai 2023 relatif à la tentative préalable obligatoire de médiation, de conciliation ou de procédure participative en matière civile.
Arrêt Cass. 3ᵉ civ.,19 mai 2016, n°15-14-464.
Arrêt CA Paris, 28 juin 2016, n°15-03504.
Arrêt CA Paris, 29 janvier 2019, n°16-20822.
Arrêt Cass. 2ᵉ civ., 14 avr. 2022, n° 20-22886, Sarl d’exploitation de l’Institut européen des langues c/ Mmes J. et K., F–B (cassation TJ Paris, 18 sept. 2020).
Arrêt Cass. 1 ère civ., 1ᵉʳ février. 2023, n° 21-25024 Mme Dupon et a c/ M. Dupon et a.).

Benoit HENRY, Avocat [->http://www.reseau-recamier.fr/] Président du Réseau RECAMIER Membre de GEMME-MEDIATION https://www.facebook.com/ReseauRecamier/

[1Cass. 2e civ., 14 avr. 2022, n° 20-22886, Sarl d’exploitation de l’Institut européen des langues c/ Mmes J. et K., F–B (cassation TJ Paris, 18 sept. 2020).

[2Cass. 1ére civ., 1er février. 2023, n° 21-25024 Mme Dupon et a c/ M. Dupon et a.

[3Arrêt Cass. 3ᵉ civ ,19 mai 2016, n°15-14-464.

[4Arrêt CA Paris, 28 juin 2016, n°15-03504 et arrêt CA Paris, 29 janvier 2019, n°16-20822.