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Les slasheurs dans le monde du droit ouvrent le champ des possibles. (3ème épisode)
Parution : mercredi 15 juillet 2020
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La touche "slash" sur votre clavier, vous connaissez. En codage informatique, on dit que c’est celle qui "distingue les différents dossiers d’un chemin".
Un même chemin, différents dossiers, en voilà une belle définition pour celles et ceux qui ont fait le choix d’exercer deux (ou plus) activités rémunérées en même temps et d’être juriste / "mais pas que" !
Selon une étude récente, les Bac + 3 et Bac +5 (toutes disciplines confondues) seraient respectivement 24 % et 27 % à vouloir devenir « slasheurs » [1].
Ce temps de travail partagé fait-il partie des axes de transformation des métiers du droit [2] ? Pour le savoir, nous vous proposons les témoignages de ceux qui ont fait ce choix de vies professionnelles au pluriel.
Suite de cette chronique avec Nadine Rey, Avocate / Thérapeute relationnel.
(Crédits photo. : Isabelle-Eva Ternik)

Pourquoi exercer plusieurs métiers en même temps ? Quelle motivation ?

"Exerçant, depuis 35 ans, en droit du travail et droit de la famille (avec une attention particulière pour les victimes et auteurs de violences conjugales), j’ai toujours déploré qu’aucune formation « psy » ne soit dispensée aux avocats en charge, pourtant, de l’accompagnement d’êtres humains en souffrance et difficultés relationnelles.

Les immenses bienfaits éprouvés parallèlement dans un cheminement personnel, m’ont conduite à suivre une formation de psychothérapie / art-thérapie de 5 ans. Tout d’abord suivie par passion personnelle pour la psyché, cette formation m’a peu à peu appelée à exercer une psycho-pratique très complémentaire au métier d’avocat ; les deux métiers se nourrissant l’un de l’autre.

Lassée du combat judiciaire majoritairement violent et destructeur de la relation, voire de l’autre, j’allais d’ailleurs raccrocher la robe-armure pour ne plus exercer que la psychothérapie, lorsque j’ai rencontré le droit collaboratif qui me permet d’opérer la conjointure entre droit et psyché."

Comment le gérez-vous matériellement ?

"Matériellement, j’ai ouvert deux espaces de travail et réparti mon temps au gré des clientèles respectives. La condition de ce type d’exercice est de ne mesurer ni ses heures, ni son enthousiasme."

"Pouvoir enfin allier dans un même exercice d’avocat mon amour du droit et ma passion pour la psyché donne pleinement sens à mon métier d’origine."

Quels en sont les bénéfices ?

"Les bénéfices me paraissent énormes :
Tout d’abord, exercer deux métiers est très revigorant comme réduisant les risques d’éreintement (assez propre, me paraît-il au métier d’avocat) et d’ennui.

C’est aussi fort rassurant lorsque, parfois, le découragement étreint et que l’on se heurte au constat : oui, mais, je ne sais rien faire d’autre.

Et sur un autre plan, passer à une beaucoup plus fine et subtile compréhension des besoins réels des personnes et à un accompagnement plus vaste et rassurant des êtres en difficulté, est profondément gratifiant."

Est-ce passager et opterez-vous pour l’un ou l’autre ou en faites-vous en choix pérenne ?

"Comme énoncé plus haut, j’ai imaginé, il y a une douzaine d’années, quitter le métier d’avocat. L’opportunité du droit collaboratif, que j’exerce le plus massivement possible et auquel je forme les confrères, m’a retenue. Pouvant enfin allier dans un même exercice d’avocat mon amour du droit et ma passion pour la psyché donne pleinement sens à mon métier d’origine. Quant à ma pratique psychothérapeutique qui permet la rencontre de deux êtres humains réfléchissant ensemble sur ce qu’exister veut dire, elle donne sens, cette fois, à ma vie.

J’espère pouvoir exercer ces deux métiers le plus longtemps possible."

Avocats, la déontologie de l’avocat est-elle parfois un frein à votre autre activité ?

"La déontologie n’a jamais été un frein à ma psycho-pratique dont l’éthique est extrêmement proche. Et s’il m’a souvent, par le passé, été demandé par des confrères, avec quelque reproche dans la voix, si j’avais bien le droit d’exercer ces deux métiers, la question posée, aujourd’hui, est toujours : « Comme c’est intéressant, vous vous êtes formée où ? »
Et je profite de cette occasion pour remercier Madame le Bâtonnier Féral-Schuhl et Monsieur Laurent Samama, lequel, lors d’une conférence « Avocats et … » organisée par Madame Karine Mignon-Louvet dans le cadre de la Journée du bonheur, m’avait dit : « Madame, seuls les gens qui ont de l’audace font avancer le monde »."

Prochain épisode dans quelques jours, à la rencontre d’un juriste/... ? Patience !

Et si vous êtes aussi slasheur et que vous souhaitez faire part de votre expérience, n’hésitez pas à nous contacter à cette adresse : nathalie chez village-justice.com

Propos recueillis par Nathalie Hantz Rédaction du Village de la Justice

[2Des axes évoqués lors du Rendez-vous des Transformations du droit en novembre 2020.