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La responsabilité médicale et le respect du devoir d’humanisme médical. Par Patrice Humbert, Avocat.
Parution : mardi 7 juillet 2020
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L’évolution des techniques médicales n’a pas permis de ralentir le nombre d’erreur ou de faute du corps médicale.

La responsabilité médicale vise l’obligation pour un professionnel de santé ou un établissement de soins de réparer les dommages qu’un patient a subis du fait de la mauvaise exécution d’un contrat de soins.

Au-delà de la relation contractuelle entre le médecin et son patient, c’est d’avantage dans le respect du devoir d’humanisme médical que le droit médical des patients tend à évoluer.

La responsabilité médicale vise l’obligation pour un professionnel de santé ou un établissement de soins de réparer les dommages qu’un patient a subis du fait de la mauvaise exécution d’un contrat de soins.

En ce sens, il y a donc bien un contrat conclu entre un médecin et son patient, et ce depuis le célèbre arrêt Mercier rendu par la Cour de cassation le 20 mai 1936. La Cour a ainsi considéré qu’il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant plusieurs engagements pour le praticien, à commencer par celui de guérir le malade. Le médecin est également tenu de donner à son client des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science.

Ce faisant, le manquement du médecin à ces obligations est susceptible d’entraîner sa responsabilité contractuelle.

De ce fait, en plus de l’existence d’une faute, la responsabilité médicale suppose la présence d’un préjudice et d’un lien de causalité.

Les préjudices admis peuvent être de toutes sortes. Ainsi, bien que les dommages soient le plus souvent de nature corporelle, ils peuvent également être de type économique, ou même purement moral [1].

Le préjudice en responsabilité médicale s’apparente à tout autre situation de responsabilité. Certaines spécificités sont cependant à mettre en exergue, comme la problématique de l’état préexistant de la victime. Il arrive ainsi que celle-ci soit affectée d’une invalidité inhérente à l’affection faisant l’objet du traitement. Dans ce cas, il peut ne pas être aisé de déterminer dans quelle mesure les soins administrés ont causé au patient un préjudice réel et objectif. D’autant que le préjudice hypothétique ne peut donner lieu à réparation [2].

En revanche, la perte de chance de guérison ou de survie induite par la faute du médecin peut constituer un préjudice indépendant de celui relatif à l’invalidité ou au décès de la personne. Cette perte de chance peut ainsi donner lieu à réparation, et le patient devra alors indiquer le montant qu’elle estime correspondre à son préjudice. Le juge estimera ensuite souverainement si, et à quelle échelle, ce préjudice pourra justifier d’une indemnisation [3].

Certains éléments sont explicitement exclus du champ des préjudices indemnisables, comme la naissance L’article 114-4 du code de l’action sociale et des familles, dispose ainsi que « nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance ». Seule une personne née avec un handicap résultant d’une faute médicale peut faire valoir ce handicap comme un préjudice indemnisable lorsque celui-ci résulte directement d’une faute médicale.

En plus du préjudice, l’existence d’une causalité apparaît comme un élément nécessaire afin de pouvoir retenir la responsabilité du médecin ou de l’établissement de soins. Il est ainsi impératif d’identifier un lien de causalité entre l’activité médicale constitutive d’une faute et le préjudice subi par le patient.

De manière générale, la responsabilité du professionnel de santé est une responsabilité pour faute, notamment depuis une loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi Kouchner.

I. Les fautes pouvant entraîner la responsabilité médicale du médecin ou de l’établissement de santé.

A. La responsabilité médicale pour faute technique.

La responsabilité médicale du médecin ou de l’établissement de santé est susceptible d’être retenue lorsque le médecin commet une faute technique, celle-ci pouvant être caractérisée dès lors que le praticien a commis une erreur résultant de la méconnaissance des usages et règles scientifiques gouvernant la profession.

En pratique, la faute ou erreur technique [4] est le plus souvent le fait d’une inattention ou d’une imprudence du praticien dans le cadre du traitement. La faute peut également avoir eu lieu pendant le délai concernant la surveillance du patient, après que le traitement lui ait été administré.

La Cour de cassation considère explicitement que la maladresse du médecin peut engager sa responsabilité [5], et qu’elle est par la même exclusive de la notion de risque inhérent à un risque médical [6].

L’erreur de diagnostic du médecin [7] peut aussi constituer une faute, par exemple dans une situation où le manque de discernement du professionnel a fait perdre au malade la chance d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à une infirmité [8].

La faute découlant d’une erreur de diagnostic du médecin a pu être caractérisée dans d’autres circonstances, notamment pour deux échographistes qui avaient affirmé dans leurs comptes-rendus que les membres de l’enfant à naître étaient bien présents alors que cet enfant est finalement né atteint d’une agénésie de l’avant-bras droit [9].

De manière générale, le code de la santé publique (CSP) indique que les actes de prévention, d’investigation ou de traitements et de soins prodigués par un médecin à son patient ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, faire courir à ce dernier de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté [10].

En ce sens, le praticien peut parfois porter des atteintes à son patient dans le cadre de leur relation contractuelle, mais ces atteintes ne doivent pas excéder celles qui sont nécessaires pour la bonne intervention du traitement. Seule l’atteinte inévitable eu égard à la présence d’une anomalie préalablement présente chez le patient peut exclure la faute du médecin [11].

B. La responsabilité médicale pour non-respect du devoir d’humanisme médical

Le devoir d’humanisme médical regroupe plusieurs situations susceptibles d’impliquer le médecin.

De manière générale, la continuité des soins aux malades doit être assurée. Dans ce cadre, le médecin peut toujours décider de refuser de prodiguer ses soins à un patient pour des raisons professionnelles ou personnelles, mais seulement en-dehors des cas d’urgence et des circonstances dans lesquelles il manquerait à ses devoirs d’humanité [12].

En ce sens, le médecin ne peut refuser d’appliquer ses soins à un patient que dans la mesure où cela n’empêche pas à la personne malade de bénéficier du traitement dont elle a besoin, et que la continuité des soins est assurée.

Lorsqu’aucune raison légitime ne peut être invoquée par un médecin pour justifier son refus de soigner une personne en péril, la situation relèvera des dispositions de l’article 223-6 du code pénal, lequel puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours.

De la même manière, le fait pour un médecin de refuser de faire appel à un spécialiste est constitutif d’une faute, de même que le refus de prendre en considération l’avis de ce spécialiste.

En outre, le médecin a aussi un devoir d’information vis-à-vis de son patient. Le code de la santé publique précise, en son article L1111-2, que toute « toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé ». L’information doit porter sur les différentes investigations menées sur l’état de santé de l’individu concerné, ainsi que sur leur utilité leur urgence éventuelle, leurs conséquences, leurs risques fréquents ou graves normalement prévisibles. Il en va de même pour les traitements ou actions de prévention qui sont proposés à la personne.

L’information est transmise au patient durant un entretien individuel et ne peut faire l’objet d’une dispense qu’en cas d’urgence, d’impossibilité ou de volonté de l’individu.

En cas de litige, la charge de la preuve que cette information a bien été délivrée dans les conditions prévues par cet article pèsera sur le médecin ou sur l’établissement de santé. La preuve pourra alors être rapportée par tous moyens.

Une obligation de résultat peut parfois être imposée, notamment pour les établissements de santé en ce qui concerne les infections nosocomiales, c’est-à-dire les infections contractées par un patient pendant son séjour dans l’établissement. Depuis la loi du 4 mars 2002, cette responsabilité est inscrite dans le code de la santé publique. L’article L1142-1 de ce code dispose ainsi que les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales. Ils peuvent toutefois s’exonérer de cette responsabilité en rapportant la preuve d’une cause étrangère.

II. La réparation des préjudices du patient dans le cadre de la responsabilité médicale.

A. La réparation par le médecin ou l’établissement de soins.

La responsabilité civile du praticien impose à ce dernier de procéder à la réparation à partir de son patrimoine personnel.

Néanmoins, le code de la santé publique impose aux professionnels de santé exerçant à titre libéral, aux établissements de santé et à toute autre personne morale, autre que l’Etat, exerçant des activités de prévention, de diagnostic ou de soins ainsi qu’aux producteurs, exploitants et fournisseurs de produits de santé de souscrire une assurance afin de les garantir pour leur responsabilité civile ou administrative [13].

Les établissements publics de santé disposant des ressources financières leur permettant d’indemniser les dommages dans des conditions équivalentes à celles qui résulteraient d’un contrat d’assurance peuvent se voir accorder une dérogation à l’obligation d’assurance par arrêté du ministre chargé de la santé.

La prescription des actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés dans le cadre d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins est de dix ans à compter de la consolidation du dommage [14]. La date d’établissement de cette consolidation est toutefois relativement floue.

En ce qui concerne la charge de la preuve, elle pèse sur le patient dans les cas où le médecin est tenu d’une obligation de moyens. La victime doit non seulement rapporter la preuve de la faute du médecin, mais également celle du préjudice qu’elle a subi et du lien de causalité.

Eu égard aux connaissances techniques qu’implique l’appréciation de la preuve, le juge fait souvent appel à un expert, dont l’indépendance et la liberté d’expression doit être garantie.

B. La réparation au titre de la solidarité nationale.

Certaines circonstances imposent à un médecin ou à un établissement de santé de prodiguer des soins à un malade en-dehors du cadre de son activité habituelle, notamment en cas d’urgence. Dans cette hypothèse, l’assurance ne prend pas en charge la réparation du préjudice de la victime.

La réparation peut alors s’effectuer au titre de la solidarité nationale lorsque le préjudice résulte d’une affection iatrogène ou d’une infection nosocomiale [15].

Pour ce qui est des affections iatrogènes, elles peuvent permettre la réparation au titre de la solidarité nationale dès lors qu’elles ne mettent pas en cause la responsabilité du professionnel ou de l’établissement, qu’elles sont directement imputables à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’elles ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé. Il faut aussi que les affections présentent un caractère de gravité qui dépasse un certain seuil déterminé par un critère objectif et plusieurs critères subjectifs.

La réparation des affections iatrogènes [16] au titre de la solidarité nationale suppose donc la réunion de l’imputabilité de l’acte au professionnel de soins, de conséquences anormales et du dépassement d’un seuil de gravité.

En ce qui concerne les préjudices résultant d’infections nosocomiales, ils peuvent faire l’objet d’une réparation au titre de la solidarité nationale lorsque ces infections ont été contractées dans les établissements, services ou organismes de santé qui présentent un taux d’atteinte permanent à l’intégrité physique ou psychique supérieur à 24% [17].

Cette réparation est assurée par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) institué par la loi du 4 mars 2002.

En pratique, la procédure de réparation au titre de la solidarité nationale comprend l’intervention d’une commission régionale de conciliation et d’indemnisation qui émet un avis afin de déterminer si l’indemnisation doit provenir de l’ONIAM ou de l’assurance du professionnel de santé.

LEXVOX AVOCATS Droit des victimes de la route et de la réparation des préjudices corporels Droit de la responsabilité médicale et des contentieux liés à l’indemnisation https://www.lexvox-avocat.fr/

[1Médecine : réparation des conséquences des risques sanitaires - Conditions de la responsabilité médicale -Jean Penneau, Décembre 2013, actualisation en décembre 2019.

[2Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 28 juin 2012 https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000026094260

[3Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 8 juillet 1997.

[6Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 30 septembre 1997 https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007346014

[8Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 8 juillet 1997 https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007036588

[9Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 16 janvier 2013.

[10CSP, article L1110-5.

[11Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 23 mai 2000.

[12CSP, article R4127-47.

[13CSP, article L1142-2.

[14CSP, article L1142-28.

[17Décret du 21 mai 2003 relatif aux dispositions réglementaires des parties I, II et III du code de la santé publique, article D1142-1.