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Les travaux et la copropriété. Par Pauline Darmigny, Avocat.
Parution : vendredi 26 juin 2020
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La question des travaux en copropriété est souvent source de tensions et de crispations dans les rapports entre le copropriétaire maître de l’ouvrage qui entreprend les travaux chez lui et ses voisins, copropriétaires des autres lots au sein de l’immeuble.

Nuisances, désordres, impact sur les parties communes, examinons les règles applicables en la matière.

1. Les travaux réalisés dans la stricte enceinte des parties privatives.

La loi du 10 juillet 1965 qui fixe le statut de la copropriété des immeubles bâtis, indique expressément que les parties privatives sont la propriété exclusive de chaque copropriétaire (article 2).

Ainsi, chacun est libre de faire ce qu’il veut chez soi, à condition précisément que les travaux privatifs ne touchent pas aux parties communes, ni ne les modifient, ni ne les détériorent.

L’article 9 de la loi précitée rappelle quand même les limites apportées à cette liberté puisqu’il est indiqué que s’il est certain que chacun jouit et use de ses parties privatives en totale liberté, c’est à la condition que cette jouissance et cet usage ne portent pas atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, ni à la destination de l’immeuble.

En somme, tant que les travaux entrepris par un copropriétaire restent dans le périmètre de son lot privatif et ne causent pas un préjudice à un autre copropriétaire, ou à la copropriété dans son ensemble, chacun est libre de faire les travaux entre ses quatre murs.

Naturellement, la question des nuisances peut tout de même survenir, même si les travaux entrepris dans le lot privatif ne portent pas atteinte aux parties communes.

C’est la raison pour laquelle, toutes les précautions d’usage doivent être prises afin d’éviter de causer des nuisances abusives aux autres copropriétaires voisins.

A titre d’exemple, il est recommandé de protéger les parties communes, par lesquelles seront obligés de circuler les entrepreneurs et ouvriers sur le chantier de travaux privatifs : protéger l’escalier, éviter de faire usage de l’ascenseur avec des charges trop lourdes, limiter leur durée dans le temps, tenir informés le syndic et l’ensemble des copropriétaires de la durée des travaux en leur fournissant un rétro-planning, limiter les nuisances en tous genres provenant des travaux, avant et après une certaine heure.

Dès lors que ces précautions d’usage auront été respectées et que les travaux en question s’inscrivent uniquement dans le cadre de la construction, reconstruction et /ou rénovation d’un lot privatif, sans aucun impact sur les parties communes, le copropriétaire maître de l’ouvrage ne risque pas de voir sa responsabilité engagée.

2. Les travaux privatifs impactant les parties communes.

a. Les travaux privatifs qui touchent aux parties communes.

Dans le cadre de la réalisation de travaux privatifs, il n’est pas inhabituel que certains copropriétaires en profitent pour modifier certaines parties communes afin d’améliorer leurs travaux ou les faciliter.

Le percement d’un mur porteur, la suppression d’un conduit de cheminée, la modification de la façade de l’immeuble telle que le changement et/ou l’agrandissement des fenêtres, mais aussi la pose d’un climatiseur, sont autant d’exemples de travaux qui, à l’origine, étaient privatifs, et ont finalement débordé sur les parties communes.

Le principe est celui d’une autorisation préalablement requise avant d’effectuer de tels travaux. A défaut d’autorisation, on retombe sur un principe pur et simple d’interdiction.

Les parties communes de l’immeuble organisé en copropriété sont la propriété indivise de l’ensemble des copropriétaires. Par conséquent, il est interdit d’y porter atteinte sans l’accord de l’ensemble des copropriétaires.

Pour pouvoir modifier, toucher, affecter les parties communes de l’immeuble, il faut au préalable solliciter auprès du syndic, l’inscription à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale, le vote d’une résolution en ce sens, en application des dispositions des articles 10 et 11 du décret d’application du 17 mars 1967.

Il s’agit d’un courrier recommandé à adresser au syndic, énonçant la ou les résolution(s) telle(s) que le copropriétaire souhaiterait les voir votées.

Il convient également de joindre en annexe de ce courrier, le descriptif détaillé des travaux que le copropriétaire demandeur envisage de réaliser dans son lot privatif et les atteintes portées aux parties communes, les attestations d’assurances dommage-ouvrage des entreprises, la garantie que les travaux seront diligentés sous la responsabilité de l’architecte de l’immeuble, des plans avant/après…

Par la suite, cette résolution sera votée en assemblée générale. Si l’assemblée autorise les travaux, le copropriétaire sera donc en droit de les réaliser.

Si cette démarche n’a pas été effectuée et que le copropriétaire en question entreprend les travaux sans avoir sollicité au préalable l’autorisation de l’assemblée générale, il pourra encore faire ratifier a posteriori ses travaux, dans le cadre d’une assemblée générale.

En vertu des dispositions de l’article 25b de la loi du 10 juillet 1965, l’assemblée générale peut en effet, ratifier, c’est-à-dire entériner, valider des travaux privatifs ayant des répercussions sur les parties communes, a posteriori, c’est-à-dire après avoir été effectués par le copropriétaire.

Pour valider ces travaux a posteriori, il faudra que le vote favorable soit obtenu à la majorité absolue, c’est-à-dire à la majorité des voix de tous les copropriétaires (présents, représentés, absents).

Il n’existe pas de régime d’autorisation tacite. Il faut nécessairement une autorisation expresse de l’assemblée générale.

b. Les travaux privatifs qui détériorent les parties communes.

Il existe un autre cas de figure assez récurrent, qui survient précisément à l’occasion de travaux privatifs. En effet, il n’est pas rare que malencontreusement ou par négligence, les travaux privatifs effectués dans le lot d’un copropriétaire entraînent des désordres sur les parties communes.

A titre d’exemple, des travaux de plomberie dans un appartement, qui n’auraient pas été effectués dans les règles de l’art, peuvent être à l’origine de dégâts des eaux dans le lot privatif situé à l’aplomb.

Le percement d’une poutre IPN peut également résulter de travaux privatifs et générer des désordres de nature à affecter toute la stabilité de l’immeuble.

Dans cette hypothèse qui n’est pas un cas d’école, le copropriétaire sera mis en demeure par le syndicat des copropriétaires d’avoir à remettre en état les parties communes endommagées par ses travaux.

3. Les conflits dans la copropriété en lien avec les travaux.

Le copropriétaire qui entreprend des travaux dans son lot lesquels porteraient atteinte aux parties communes, sans autorisation, s’expose au risque de voir engagée sa responsabilité.

Le syndicat des copropriétaires, représenté par le syndic, pourra dans un premier temps, lui écrire de façon amiable, avant de le mettre en demeure dans un second temps.

Le défaut de réponse ou l’inaction de ce copropriétaire l’expose à une assignation en justice et au risque élevé de voir prononcer à son encontre, une condamnation sous astreinte à une remise en état et à l’allocation de dommages et intérêts au profit de la copropriété.

Si le copropriétaire sollicite l’accord de l’assemblée générale et se voit refuser son projet de travaux, dans le cadre des conditions de vote exigées de l’article 25b de la loi du juillet 1965, il peut saisir le tribunal compétent.

Précisément, le copropriétaire mécontent de la décision de refus de l’assemblée générale, peut demander au juge de ratifier ses travaux en outrepassant et en court-circuitant ainsi l’assemblée générale des copropriétaires.

Le juge sera en mesure de faire droit à la demande du copropriétaire, à condition que les travaux projetés soient des travaux de nature à générer entre autres, une amélioration des parties communes (transformation de plusieurs éléments d’équipement commun, adjonction d’éléments nouveaux, aménagement de locaux à usage commun, création de locaux à usage commun).

La saisine judiciaire suppose au préalable, un refus définitif de l’assemblée générale des copropriétaires.

A noter que seule une décision de justice peut venir outrepasser le vote de l’assemblée générale. Une disposition du règlement de copropriété de l’immeuble ne pourra jamais autoriser de tels travaux, de nature à affecter les parties communes.

Si vous vous trouvez dans cette situation et que vous envisagez dans le cadre de vos travaux, de toucher aux parties communes de l’immeuble, il est important de prendre toutes les précautions d’usage et de porter à la connaissance de la copropriété, lors de la prochaine assemblée générale, votre projet de travaux.

Si vous vous apercevez que vos travaux privatifs ont porté atteinte aux parties communes, du fait d’une faute d’une entreprise intervenue sur le chantier, prenez toutes les précautions pour vous prémunir contre le risque de voir engager votre responsabilité par le syndicat des copropriétaires. Il est important de demander à vos cocontractants copie de leurs attestations d’assurances.

Dans les rapports avec le syndic, privilégiez systématiquement, le dialogue, la transparence et la communication.

Pauline DARMIGNY Avocat à la Cour https://darmigny-avocat.fr
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