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Peut-on acquérir un chemin rural par la prescription acquisitive ? Par Jean-Philippe Borel, Avocat.
Parution : mardi 23 juin 2020
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Contrairement aux biens du domaine public qui sont imprescriptibles, les chemins ruraux en raison de leur appartenance au domaine privée de la commune peuvent faire l’objet d’une prescription acquisitive sur le fondement de l’article 2258 du Code civil.

La Cour de cassation a écarté une question de prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité de la prescription acquisitive des chemins ruraux avec les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 relatifs au droit de propriété, visée par le préambule de la constitution du 4 octobre 1958.

Elle a considéré que la prescription répondait à « un motif d’intérêt général de sécurité juridique faisant correspondre le droit de propriété à une situation de fait durable » [1].

L’article 2272 du Code civil institue deux régimes de prescription.

En l’absence de titre de propriété ou de juste titre, la prescription relèvera du délai de droit commun de trente ans.

Lorsque le possesseur est de bonne foi et dispose d’un juste titre, il pourra bénéficier d’une prescription abrégée de dix ans.

Dans les deux cas de figure, le possesseur peut bénéficier de la jonction des possessions des titulaires successifs de quelques manières qu’on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier soit à titre onéreux [2].

Fondée sur la possession, la prescription nécessite, aux termes de l’article 2261 du Code civil « une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ».

A défaut de réunir toutes les qualités précitées, le propriétaire riverain revendiquant ne pourra se prévaloir de la prescription acquisitive.

Dans cette hypothèse, la preuve incombe à au propriétaire riverain qui revendique la propriété du chemin sur ce fondement.

Il s’agira la plupart du temps d’un chemin rural dont l’entretien a été effectué par le propriétaire riverain depuis plus de trente 30 ans.

Cette solution nécessite néanmoins que la date d’entrée en possession soit antérieure au titre et incontestable, autrement dit matérialisée par un acte qui identifie le point de départ de la possession.

La commune peut également revendiquer la propriété sur ce fondement si elle ne dispose pas de titre de propriété ou ne peut démontrer que la voie litigieuse est une voie communale

La preuve d’acte de possession sur le chemin est également exigée par la jurisprudence.

Un arrêt de la Cour de cassation du 1er juin 2011 a considéré qu’une cour d’appel qui avait retenu la prescription acquisitive d’un chemin au profit d’une commune sans relever l’existence d’actes matériels de possession accomplis sur ledit chemin ne réunissait pas les conditions de l’article 2261 du Code civil [3].

En l’absence de litige, un notaire peut dresser un acte de notoriété acquisitive qui n’a pas valeur de titre [4].

Un propriétaire peut, en effet, démontrer que la possession a été viciée ou encore invoquer la prescription à son sujet.

Le notaire instrumentaire devra nécessairement informer le propriétaire sur ce point.

Me Jean-Philippe Borel Avocat au Barreau d'Avignon Docteur en droit Ancien collaborateur de notaire http://jeanphilippeborel.fr

[1Cass. Civ, 3ème 06 avril 2012 n° 12-40011.

[2Article 2265 du code civil. Solution consacrée par jurisprudence Cass. Civ 3ème 19 mai 20004, n°02-19.800.

[3Cass. 3ième 3e civ., 1 er juin 2011, n° 10-17.771.

[4Cass. 3ème 3e civ., 17 octobre. 2007, n° 06-17.220934.

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