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Précisions concernant l’obligation d’information dans le cadre du Contrat de Sécurisation Professionnel (« CSP »). Par Kevin Bouleau, Avocat.
Parution : mercredi 17 juin 2020
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Alors que les annonces de licenciements économiques risquent de se multiplier au cours des prochains mois à la suite de cette crise sanitaire, la Cour de cassation, dans plusieurs arrêts en date du 27 mai 2020, vient rappeler les obligations d’information de l’employeur en la matière.

En particulier, la Haute juridiction rappelle que l’adhésion par le salarié au Contrat de Sécurisation Professionnel (CSP) ne dispense par l’employeur :
- D’énoncer le motif économique, y compris après une proposition de modification de contrat pour motif économique [1] ;
- De viser l’ordonnance du juge commissaire lorsque l’employeur est en situation de redressement judiciaire [2].

I. L’information du motif économique après une proposition de modification du contrat de travail pour motif économique.

Dans cet affaire, l’employeur avait proposé au salarié une modification de son contrat de travail pour motif économique en application de l’article L1222-6 du Code du travail.

Après refus des propositions de modification de son contrat de travail pour motif économique faites par l’employeur, le salarié était convoqué à un entretien préalable à un licenciement. Le salarié acceptait le CSP qui lui était remis. Ce dernier a par la suite contesté le motif économique devant la juridiction prud’homale.

Pour la Chambre sociale, dès lors qu’au cours de la procédure de licenciement, aucun écrit énonçant la cause économique de la rupture n’a été remis ou adressé au salarié qui a accepté un contrat de sécurisation professionnelle, l’employeur n’a pas satisfait à son obligation légale d’informer l’intéressé du motif économique de la rupture et le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, peu importe que des lettres énonçant ce motif lui aient été adressées antérieurement lors de la procédure spécifique de modification de son contrat de travail pour motif économique [3].

Justifié par la nécessité d’informer le salarié des raisons de la rupture de son contrat de travail au moment de son acceptation du CSP, la Haute juridiction indique que la mention de la cause économique au moment de la procédure spécifique de modification du contrat de travail pour motif économique n’est donc pas suffisante.

La sévérité d’une telle sanction (i.e., un licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse alors que l’information avait pu avoir déjà été faite au stade de la proposition de modification du contrat de travail pour motif économique) invite le professionnel à la plus grande prudence.

En effet, l’employeur devra énoncer ce motif économique dans une note remise au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l’acceptation du CSP, peu importe l’information faite en amont lors de modification du contrat de travail pour motif économique.

II. Le cas spécifique de la procédure de redressement judiciaire.

La Cour de cassation vient également préciser la procédure applicable lorsque cette acceptation du CSP a lieu dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire.

Dans une telle situation, lorsque l’administrateur désigné procède au licenciement d’un salarié d’une entreprise en redressement judiciaire en application de l’ordonnance du juge-commissaire autorisant des licenciements économiques, la lettre de licenciement que l’administrateur est tenu d’adresser au salarié doit comporter le visa de cette ordonnance [4].

A défaut de cette mention, le licenciement est réputé sans cause réelle et sérieuse.

La Haute juridiction vient également indiquer que lorsque le salarié concerné par le licenciement autorisé par le juge-commissaire accepte la proposition du CSP, le document qui lui est remis avant cette acceptation, c’est-à-dire « lanote contrat sécurisation professionnelle », doit aussi viser l’ordonnance du juge-commissaire.

En cas de manquement à cette information, le licenciement sera également jugé sans cause réelle et sérieuse.

Cette exigence de parfaite information a de lourdes conséquences en cas de manquement pour l’employeur, puisque ce dernier, pourtant à même de justifier d’un motif économique sérieux dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire, s’exposera néanmoins aux conséquences financières d’une absence de cause réelle et sérieuse.

Maître Kevin BOULEAU Avocat au Barreau de Paris Cabinet EKIPE AVOCATS http://ekipe-avocats.com

[1Cass. Soc., 27 mai 2020, n°18-24.531.

[2Cass. Soc., 27 mai 2020, n°18-20.153.

[3Cass. soc. 27 mai 2020, n° 18-24.531.

[4Cass. Soc., 27 mai 2020, n°18-20.153.